Augmenter les frais de scolarité : une piste pour renforcer l'autonomie financière des universités ?
Réunie le 30 septembre 2015, la commission des finances du Sénat présidée par Michèle André avec pour rapporteur général Albéric de Mongolfier, a organisé une audition pour « suite à donner » à l'enquête de la Cour des comptes sur le bilan de l'autonomie financière des universités.
Regrettant que la volonté de ne pas aller au bout de l'autonomie des universités nuise à la cohérence de l'ensemble, Philippe Adnot, en partant de l'enquête de la Cour des comptes aboutit à un constat en demi-teinte.
Des établissements fragiles financièrement
Si la situation financière des universités est « globalement satisfaisante à l'issue du passage à l'autonomie », de fortes disparités entre établissements sont constatées et « la question du bon niveau de financement de leurs investissements » se pose.
Les universités disposent d'une marge de manœuvre financière limitée, d'autant que les dépenses de personnel constituent une part toujours plus importante de leur budget et qu'elles restent trop dépendantes des financements publics.
Une autonomie qui reste trop partielle
Alors que l'autonomie constitue indéniablement un « facteur de modernisation de la gestion » des universités, la Cour des comptes démontre que le « processus d'amélioration du pilotage et de la gestion [...] n'est pas achevé et reste à consolider ».
Les méthodes d'allocation des moyens ne sont plus adaptées et les universités ne disposent pas d'une vision suffisante à moyen et long terme de leurs ressources et de leurs dépenses ;
Le suivi de l'autonomie des universités et le renouvellement du pilotage stratégique par l'État ont été tardifs.
Philippe Adnot
(Crédits photos: CC BY 2.0 - ActuaLitté)
Après avoir ainsi apprécié la situation, Philippe Adnot fait plusieurs préconisations. Pour assurer la santé financière des universités et renforcer leur autonomie, il faudrait établir des « règles prudentielles adaptées » et ne pas pénaliser les établissements rigoureux. Il apparaît primordial de réformer le modèle d'allocation des moyens et de proposer l’instauration d'une allocation unique.
Pour améliorer la gestion et le pilotage des établissements, il propose de mettre en place un système d'information performant tout en renforçant l'autonomie des universités dans la gestion des ressources humaines en mettant fin cependant à certaines « dérives ».
Il faudrait permettre aux universités de disposer d'une meilleure connaissance pluriannuelle de leurs ressources et de leurs besoins. Il reste aussi à poursuivre l'amélioration de la gestion du patrimoine : si la dévolution du patrimoine est une bonne solution malheureusement trop coûteuse pour être généralisée dans un contexte budgétaire contraint.
Afin de diversifier les ressources des universités et de les rendre moins dépendantes de la subvention pour charges de service public, il suggère d’envisager l'augmentation des droits d'inscription mais aussi de développer d'autres ressources propres, en particulier celles issues de la formation continue et des fondations.
Plus globalement, l'avenir des universités et la réussite de l'autonomie nécessitent également une politique de regroupement maîtrisée et source de réelles mutualisations. Pour l'État, il s’agit d’assurer la soutenabilité financière des établissements d'enseignement supérieur, afin de faire face à l'augmentation du nombre d'étudiants à qui il convient de donner réellement les moyens de réussir.
Le ministère de l'Education nationale approuve
Lors des échanges qui ont suivi la présentation du rapport, Simone Bonnafous, qui représentait le ministère en tant que directrice générale de l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle a fait part son approbation quant aux préconisations de la Cour des comptes. Elle se montre ainsi volontaire pour instaurer une plus grande autonomie, notamment financière, pour les universités. En revanche, elle n'était pas d'accord avec un seul point : les contrats.
Si la commission des finances a préconisé de « fusionner les procédures d'allocation des moyens et de définition des objectifs des universités dans un cadre contractuel unique », Simone Bonnafous a dit être « mitigée sur ce point, surtout pour des raisons techniques. Cela supposerait de faire les contrats pour toutes les universités en même temps. Ça serait vraiment tout sauf simple ».
Une visibilité financière qui divise
Et pour elle, cela paraît compliqué que l'État s'engage sur 5 ans. « Le fait d'avoir des jalons et de négocier un objectif annuel avec les établissements est une démarche qui les aident dans leur évolution ». En outre, « le contrat est un outil politique, symbolique et il est utilisé également pour faire passer des messages en interne dans les établissements »
Mais, sur ce point, la présidente de la Cour des comptes a quand même insisté en disant que c'était une recommandation essentielle pour aller vers une autonomie plus efficace. Simone Bonnafous a aussi réaffirmé que « le gouvernement considère qu'il doit soutenir les universités de recherche et surtout ne pas pénaliser les universités qui sont en compétition parmi les meilleures dans le monde. Mais en même temps, ne pas oublier celles qui n'en font pas parties ».
Augmenter les frais de scolarité, une solution parmi d'autres ?
Cependant, dans ce rapport, un point risque de faire des vagues : la proposition d'augmenter les frais d'inscription. Pendant la conférence de presse, Philippe Adnot a déclaré à ce sujet : « Je ne trouvais pas absurde de dire qu'au lieu de 180 euros, par exemple, cela pouvait être 400 euros. Je ne pense pas que ce soit cela qui empêche de suivre des études, d'autant que les boursiers sont remboursés. Si vous comparez à côté de n'importe quel club de sports, les frais ne sont pas excessifs. Prenez le budget d'un étudiant, et voyez que cela reste quelque chose de marginal. Et ce n'est pas l'essentiel du rapport. »
Pour Philippe Adnot, les deux sujets essentiels de ce rapport sont les ressources humaines et l'affectation des moyens. Toujours selon lui, une dotation annuelle n'est pas une bonne solution. « Comment être autonome pour un établissement et faire des plans dans l'avenir, si chaque année, ça change ».
(Crédits photos : CC BY 2.0 - Jacques Paquier)
Par Victor De Sepausy
Contact : vds@actualitte.com
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