#ProgrammePremiereTheatre – La pièce Les Fausses Confidences est au programme du bac de français encore pour une saison, avec des épreuves écrite et orale qui se dérouleront en juin 2023. Pour entrer dans une pièce, il est souvent plus aisé d’en prendre connaissance à travers une captation. Bien sûr, si l’on peut assister à une représentation, dans un théâtre, avec des comédiens de chair et d’os, c’est encore mieux !
Le 16/09/2022 à 16:23 par Victor De Sepausy
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16/09/2022 à 16:23
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Pour se familiariser avec une pièce de théâtre, il est toujours préférable de se retrouver dans la situation des premiers spectateurs de l’œuvre, ceux qui la découvrirent sur les planches, ne connaissant rien de l’intrigue, intrigués et mis en appétit simplement par le titre et par le nom de l’auteur.
Pour Les Fausses Confidences de Marivaux, au programme du bac de français jusqu’en 2023, il faut donc faire un retour en arrière au samedi 16 mars 1737, date de la création de la pièce au sein de l’Hôtel de Bourgogne par la troupe des Comédiens italiens. Présentée d’abord sous le titre de La Fausse Confidence, la pièce ne rencontra le succès qu’à sa reprise en 1738 avec le titre passé au pluriel.
La pièce s’inscrit dans la société de son époque, avec des personnages qui représentent les catégories sociales du XVIIIème siècle. Ainsi, Dorante, bourgeois ruiné, est fils d’avocat et neveu d’un procureur. Araminte, dont il souhaite conquérir le cœur, habite un hôtel particulier parisien, et incarne la haute bourgeoisie, étant veuve d’un riche financier. C’est aussi pour quoi le comte Dorimont, aristocrate désargenté, espère bien se marier avec elle, pour restaurer sa situation.
On pourrait presque parler de réalisme avant l’heure dans cette pièce, et Marivaux s’éloigne de Molière en plaçant les questions sociales sur le devant de la scène. L’intrigue met donc en jeu l’argent, l’amour, les classes sociales, la vérité et la manipulation.
Une pièce est d’abord écrite pour être dite et regardée, écoutée, paradoxe de l’œuvre théâtrale. Il faut donc jouer entre le texte et ses représentations. Si la pièce s’inscrit dans la veine comique, déjà par sa forme, dans ses trois actes en prose, mais aussi par ses thèmes, avec un mariage pour couronner le tout, les représentations contemporaines font souvent le choix de tirer l’œuvre vers le sérieux, faisant de Dubois et Dorante de sombres comploteurs et manipulateurs. Il ne faut tout de même pas perdre de vue la dimension comique de l’œuvre.
Entrée dès 1740 au répertoire de la Comédie française, Les Fausses Confidences, dont le titre peut apparaître comme un clin d’œil à ce qu’est le théâtre, est une des œuvres de Marivaux dont le succès ne se dément pas au fil des décennies. De nombreux metteurs en scène ces dernières années ont ajouté leur interprétation à la longue liste des relectures de l’œuvre.
Des captations des Fausses Confidences de Marivaux disponibles en ligne :
Les Fausses Confidences, mise en scène de Hubert Jappelle (2010 – Théâtre de l’Usine)
Avec Rafael Batonnet, Adrien Bernard-Brunel, Cécile Dubois, Bérengère Gilberton, Alain Gueneau, Eve Guerrier, Geoffroy Guerrier et Nicolas Vogel, la mise en scène proposée par Hubert Jappelle nous ramène dans le XVIIIème siècle, avec des costumes d’époque, assez chargés, et un Arlequin aussi vivant que bariolé.
Nous sommes au théâtre, et tout le rappelle dans cette mise en scène qui tire la pièce vers le théâtre et la comédie, le jeu, bien plus que vers un réalisme pesant. C’est revigorant et réjouissant. Le jeu des comédiens peut cependant apparaître quelque peu classique et sans surprise, parfois presque caricatural. On a l’intrigue, on a les mots de Marivaux, mais il manque sans doute une pointe d’originalité pour donner à cette proposition une véritable saveur.
Hubert Jappelle, né en 1938 et mort en 2020, est souvent présenté comme un des pionniers du festival off d’Avignon. On lui doit de belles mises en scène des œuvres de Beckett et Ionesco. A partir de 1978, il prit ses quartiers dans l’ancienne papeterie d’Eragny-sur-Oise devenue ensuite le Théâtre de l’Usine.
Les Fausses Confidences, mise en scène de Didier Bezace (2010)
C’est certainement, ne nous le cachons pas, la meilleure mise en scène récente des Fausses Confidences. Elle est servie par des acteurs talentueux, avec un fabuleux Pierre Arditi en Dubois, et Anouk Gringer en Araminte, sans compter Robert Plagnol, brillant en Dorante, et Alexandre Aubry, redoutable Arlequin.
Didier Bezace (1946-2020), qui avait lui-même incarné le rôle de Dubois en 1993 au Théâtre national de Chaillot, connaissait bien l’œuvre de Marivaux. Travaillant au sein du Théâtre de l’Aquarium à partir des années 80, dans la Cartoucherie, souvent aux côtés de Jean-Louis Benoit, il était ensuite parti au Théâtre de la Commune (Aubervilliers) jusqu’en 2014. C’est là qu’il a proposé cette splendide version des Fausses Confidences qui fit l’objet, par la suite, d’une captation pour le compte de France 2. L’œuvre est aussi disponible en DVD (12,19 €).
Des films réalisés à partir de la pièce de Marivaux :
Les Fausses Confidences, mise en scène de Jean Piat (ORTF – 1968)
Disponible sur la plateforme Lumni et sur l’Ina, cette version a été diffusée pour la première fois en 1968 sur l’ORTF. Signée Jean Piat, cette mise en scène réunit à l’écran Mony Dalmès (Araminte), Claude Giraud (Dorante), Louis Arbessier (Monsieur Rémy), Jean-Laurent Cochet (Dubois), Michèle André (Marton), Jeanne Provost (Mme Argante), Jean-Claude Balard (Le Comte), Willy Safar (Arlequin) et Gérard Blanc (Le garçon jardinier).
Cette mise en scène qui peut apparaître quelque peu datée au premier abord, révèle en réalité des acteurs bien talentueux au jeu très vif. L’œuvre est toute en délicatesse et en finesse dans le jeu des comédiens. Pour les partisans d’une forme de fidélité au texte, c’est certainement cette version qui est à conseiller. Une autre de 1971, proposée par la Comédie française, avec Jean Piat et Micheline Boudet, très réussie, est également disponible en DVD (12,99 €), mais aussi sur le site de l'Ina.
Les Fausses Confidences, mise en scène de Patrice Le Cadre (2005)
Spectacle diffusé à l’origine sur Direct 8 en 2005, la proposition de Patrice Le Cadre tend à construire une interprétation assez sombre de la pièce de Marivaux. Dès l’ouverture, la bande-son laisse entendre que nous sommes dans un univers de la manipulation et du mensonge. La simplicité des décors, la sobriété des costumes et le jeu mesuré des comédiens viennent renforcer cette impression de huis clos, avec une lumière souvent tamisée et un fond noir.
Très télégéniques, les comédiens choisis sont là pour leurs beaux traits, ce qui donne parfois à la pièce une saveur étrange, avec Miren Pradier dans le rôle d’Araminte, Aymeric Demarigny dans celui de Dorante, et Olivier Quinzin dans Dubois. Les scènes entre Dorante et Marton font du premier un manipulateur cynique qui se rapproche physiquement de la seconde tout en sachant bien pourtant qu’il ne vise qu’Araminte.
Les Fausses Confidences, mise en scène de Luc Bondy (Arte, 2016)
La proposition de Luc Bondy, que l’on peut retrouver sur la plateforme Lumni, ainsi qu'en DVD, est d’une grande originalité. Elle a été tournée au sein du théâtre de l’Odéon, en 2015, alors même que la pièce était jouée sur les planches de ce même théâtre avec un certain succès. Il faut dire qu’on a une très belle distribution, avec Isabelle Huppert dans le rôle d’Araminte face à Louis Garrel en Dorante, et Bulle Ogier en Mme Argante.
Le film est une création hybride qui prend principalement pour cadre les lieux cachés au public du théâtre de l’Odéon. Tout est ambigu dans cette proposition, l’incarnation des rôles par chaque comédien, comme la captation des lieux. On navigue, avec la langue de Marivaux, dans des scènes qui peuvent rappeler l’esthétique des années 40 à 60. Cette œuvre testamentaire de Luc Bondy, né en 1948 et qui s’est éteint en 2015, donne à voir toute la richesse et l’originalité de l’inspiration de celui qui signa la mise en scène de grands opéras à travers le monde avant de prendre la succession d’Olivier Py à la tête du théâtre de l’Odéon à partir de 2012.
Crédits illustration Pexels CC 0
DOSSIER - Le théâtre du XVIIe au XXIe siècle - Programme de français 1ère
Par Victor De Sepausy
Contact : vds@actualitte.com
Paru le 31/08/2022
160 pages
Hachette
3,00 €
Paru le 04/05/2022
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Paru le 17/06/2020
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