Du 8 au 10 avril dernier, se tenait, comme d’habitude hors les périodes d’aléas sanitaires, entre l’Église Sainte Croix et le Conservatoire National de Musique à Bordeaux, une belle manifestation mettant à l’honneur le livre et nombre de tous ceux qui sont les acteurs de son rayonnement local : L’Escale du Livre.
Le 15/04/2022 à 09:58 par Mimiche
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Publié le :
15/04/2022 à 09:58
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Dans ce cadre, invités par des éditeurs ou des libraires locaux, nombre d’auteurs ont été conviés, pour le plus grand plaisir de leurs « fans », admirateurs et autres inconditionnels lecteurs, à venir faire un peu de promotion autour de leur dernier ouvrage et assurer quelques séances de dédicaces sous un chapiteau où une foule nombreuse se faufilait entre des stands couverts d’ouvrages de toutes sortes et de tous objets.
Parmi eux, invité par la librairie La Mauvaise Réputation et accompagné par son Éditeur Gallmeister, celui qui a donné vie à un personnage dont je ne me lasse jamais de découvrir les aventures en plein cœur du Wyoming, dans le comté d’Absaroka (14 tomes parus en traduction française et 4 dont je ne peux qu’espérer qu’ils le soient bientôt…) ! Les aficionados comme moi auront reconnu Craig Johnson, le père du shérif Walter Longmire, le héros de romans et de nouvelles dont la popularité s’est traduite par des adaptations en série télévisée outre-Atlantique.
Alors quand j’ai aperçu, dans le hall où nous avions rendez-vous, cette haute silhouette surmontée de cet inévitable chapeau (qu’il ne semble quitter que pour saluer les dames ! Tiens ? Comme Walt ?), j’ai été pris d’un vrai frisson de plaisir à l’imminence d’un moment de discussion à partager en tête à tête avec lui.
Car si, plus tard dans la journée il allait se plier à l’exercice (visiblement très maîtrisé) d’une interview/conférence pour parler de son dernier roman, Western Star, devant une large assemblée d’auditeurs attentifs, Craig Johnson, accompagné de Clotilde représentant les Éditions Gallmeister, avait accepté de m’accorder quelques instants d’entretien !
Et ce n’est pas peu dire que j’ai eu un peu de mal à me convaincre que ce n’était pas Walt Longmire qui était en face de moi tant l’homme donne physiquement corps à son personnage !
D’ailleurs, son épouse Judy, présente avec nous, confirme que Craig aimerait certainement devenir Walt, mais que, s’il lit beaucoup lui aussi, s’il a aussi ce sens de l’humour et l’empathie de son héros, il est encore loin de l’image du shérif du comté d’Absaroka...
Pour autant, ses personnages, il les trouve autour de lui. Comme la Nation Cheyenne par exemple qui est à l’image de l’un de ses meilleurs amis, un Indien auprès duquel, comme son héros dans l’un de ses romans, il a « plongé dans la spiritualité indienne » et a, lui aussi, « fait l’expérience d’une initiation chamanique ». Et les mots utilisés pour narrer cette expérience dans le roman ne pouvaient assurément pas s’inventer sans un ressenti personnel profond.
Car c’est ainsi que naissent ses personnages : toujours ils se forgent à partir de réalités qu’il récupère, associe, arrange, façonne ensuite à sa manière, mais toujours avec un fond de réalité qui donne ce fond de réalisme à tous ses romans.
Peut-être est-ce un des secrets des histoires qu’il nous raconte et qui ne tombent jamais dans la routine : parce que « la densité d’une personne vient à force d’apprendre à le connaître » : cette sorte de vie du shérif-héros qui découle de son vieillissement au fil des romans. Il y a des avants et il y a des après. On peut tout lire dans le désordre, mais c’est mieux de tout lire dans l’ordre ! Le héros est plus vieux ? Il ne peut plus avoir la force physique et l’endurance des premiers romans ? Quelle importance ?
Walt Longmire choisit son angle d’attaque avec les moyens qui sont alors les siens et en fonction des circonstances « pour se tirer de situations compliquées. Quand on vieillit, on devient plus intelligent, on choisit ses combats ou on choisit ses batailles. » Il ne gagne plus à la force physique. Il ruse avec son expérience. Comme Henry Standing Bear qui, « vieux et fatigué » lui aussi, mais toujours athlétique, gagne, dans Une Évidence Trompeuse, une épreuve de moto face à des bien plus jeunes que lui : à la ruse – et « à la triche » !
C’est parce qu’il était lassé de ses lectures de romans policiers « très noirs, urbains, branchés alcool » et qui racontaient des « histoires terribles » que Craig Johnson a voulu inventer un personnage différent, bonhomme, mais costaud, empathique, mais droit, dur, mais bienveillant. « Pas parfait », non. Humain. Et donc soumis aux bonheurs et aux vicissitudes de la vie.
Et humaniste aussi, car Walt bénéficie de l’éducation reçue par Craig de sa mère aux origines françaises et qui l’a initié à la littérature. Athos (plus que d’Artagnan), Jean Valjean… sont à la source de l’inspiration et de la construction de ses livres. « La part sombre » du premier, « le sens du devoir et de la justice » du second ont modelé Walt au fil des ouvrages.
Et ils continueront à le faire, car l’heure de la dernière enquête du shérif du Wyoming n’a pas encore sonné. Walt Longmire aurait pu s’effacer, disparaître à l’issue de chaque roman paru comme il pourra le faire dans les romans à venir : « Il faut laisser croire au lecteur que cela pourrait être la dernière enquête […] il faut de la tension et toujours envisager la mort de Walt. » Ce ne sont pas des romans à l’eau de rose, « le boulot de Walt est dangereux » et il ne faut pas laisser au lecteur le temps de l’oublier !
Même gagné par les rides et les cheveux blancs, Walt reste un homme d’action : Craig ne peut pas envisager (moi non plus d’ailleurs) d’enfermer son héros dans un bureau ou dans une ville. Rien n’est plus important que ces espaces immenses qui sont le théâtre de ses aventures : Le Wyoming est l’État qui possède le plus ancien parc national (le Yellowstone), c’est l’État le moins peuplé des États-Unis avec à peine plus de 2 hab/km² !
Ceci, certainement, n’est étranger ni à l’image du shérif un peu lonesome cowboy, ni à ce plaisir que Craig ressent, à chacune de ses visites en France, à se retrouver dans une cathédrale pour « s’y asseoir alors qu’il n’est pas très religieux », pour écouter « le silence ». Et d'ajouter : « C’est à ce moment que la France ressemble le plus au Wyoming ! ».
Craig, à votre prochaine visite, je vous inviterai à visiter une de nos petites églises romanes, en Charente-Maritime par exemple. Là, en plus de ce silence que vous semblez tant priser, vous y découvrirez aussi cette humilité et cette plénitude que, pas plus religieux que vous, certainement moins même, j’adore y éprouver !
Avant de nous séparer, je n’ai pas pu ne pas évoquer la traduction de ses livres. Craig ne parle pas le français ! Je me suis toujours demandé comment un auteur étranger pouvait s’assurer que la traduction de son ouvrage était fidèle à son original, à l’esprit et à la lettre de son original en ne maîtrisant pas la langue de destination de la traduction ? Comment penser qu’une traductrice parvienne à un texte qui d’une part est écrit par un homme, mais surtout est la voix d’un homme puisque, la plupart du temps, c’est Walt qui est le narrateur ?
Un Walt Longmire pas macho certes, mais très, très très masculin, pas très versé dans l’utilisation des armes à feu (à l’inverse de Vic), mais incollable sur aucun modèle, pas pilote automobile, mais très au point en mécanique : un mec, un cow-boy, sous toutes les coutures, quoi ! Pour moi si parfaitement transcrit par Sophie Aslanides, avec, de mon ressenti, tellement de justesse !
Ainsi, au-delà de la véritable connivence qui s’est très rapidement installée entre l’auteur et la, alors jeune, maison d’édition Gallmeister qui avait acquis les droits pour la France (depuis Craig Johnson a été traduit dans 27 pays !), c’est la démarche immédiatement entreprise par la traductrice qui a été le déclic d’une collaboration jamais démentie depuis (Sophie Aslanides a traduit tous les romans et toutes les nouvelles de Craig Johnson pour le compte de Gallmeister) : il a reçu un mail « très poli, très gentil, demandant si elle pouvait poser des questions » !
Auquel il a répondu aussitôt « Hell, yeah ! »…
Parce qu’un « auteur et un[e] traducteur[rice] sont des partenaires de danse. Ils doivent ressentir l’un l’autre les mouvements de l’autre ». Parce « qu’une bonne traduction donne un bon livre ». Et l’inverse est probablement vrai : son « traducteur chinois ne [lui] a jamais écrit », constate-t-il !
Alors voilà, Sophie Aslanides a passé un mois dans son ranch du Wyoming « pour s’imprégner de l’ambiance des lieux, respirer l’air du Wyoming, goûter la nourriture du Wyoming, rencontrer les gens qui ont inspiré les personnages ».
C’est certainement cela, aussi, (à l’exception notable du fait de devoir goûter la cuisine locale, si je me réfère à l’intérêt culinaire que je pressens devant les repas de tous les personnages dans tous les tomes de la série…) qui me fait plonger dans chacun de ces (ses) livres avec la même soif, le même plaisir, la même envie… qu’il ne finisse pas !
Merci, Monsieur Johnson ! Vous permettez que je vous appelle Craig ?
crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Mimiche
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1 Commentaire
Mingh Edwige
16/04/2022 à 11:36
Les rencontres avec Craig Johnson sont toujours riches d'enseignement, même lorsqu'on l'a déjà rencontré et apprécié ! Mon Longmire préféré n'est pas encore traduit "The Highwayman", petit régal !