Marine Le Pen cherche (encore) un éditeur, mais n'en intéresse (toujours) pas
À l’heure où Éric Zemmour se fait chasser par son éditeur Albin Michel, il est une autre figure politique qui tente, elle, de se trouver un éditeur. Déjà en 2016, près d’un an avant les élections présidentielles, les éditeurs redoutaient son livre. Cinq ans plus tard, preuve que les années se suivent, et peuvent se ressembler, Marine Le Pen n’intéresse toujours pas les maisons d’édition.
Le 05/07/2021 à 17:29 par Nicolas Gary
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Publié le :
05/07/2021 à 17:29
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Tout fraîchement réélue, la nouvelle présidente du Rassemblement National a pu décevoir ses fans. Devant les militants réunis au Palais des Congrès de Perpignan, Marine Le Pen n’avait en effet toujours pas de livres à proposer en dédicace. Une situation étrangement semblable à celle de mai 2016.
À cette époque, les objections se faisaient sentir : « [I]l y a la crainte d’un flop en librairie [car] son image est encore trop sulfureuse », indiquait un éditeur. Les proches de la candidate qui jouait alors pour le Front National assuraient que les maisons l’avaient sollicitée. Côté éditeurs, on s’en défendait plutôt.
Plusieurs maisons, sollicitées par ActuaLitté, nous affirment que pour 2021, rebelote : « Elle a proposé un ouvrage qui s’inscrit dans la perspective évidente de l’élection présidentielle », nous indique-t-on, en faisant jurer le secret.
À court de solutions, la candidate RN aurait même tenté d’approcher les éditions Ring pour trouver une possibilité de diffusion à ses idées. Mais en vain, le patron l'aurait éconduite. Selon nos informations, plusieurs structures de l’un des grands groupes français ont également refusé avec politesse la proposition éditoriale de la présidente du RN. Mais le démarchage se poursuivrait, avec l'échéance de mai 2022 qui s'approche.
Alternative ? L’autopublication, certainement, une méthode à laquelle elle avait déjà eu recours en août 2013. En effet, son texte Pour que vive la France (février 2012, 8239 exemplaires selon Edistat, publié chez Grancher, qui depuis a préféré ne plus la publier) fut proposé en libre téléchargement. Une démarche qui détonnait alors avec les déclarations de Karim Ouchikh, qui se posait quelques jours avant en défenseur… des librairies indépendantes.
« D’une part, on a du mal à évaluer le potentiel de vente, d’autre part, signer Marine Le Pen, c’est prendre un risque que peu de maisons sont prêtes à jouer, vis-à-vis de leurs auteurs. » Quand on entend simplement parler des tensions que la présence d’Éric Zemmour provoque depuis des années chez Albin Michel, on comprend qu’en guise de rassemblement, celui de MLP serait loin d’être national dans les maisons.
ZEMMOUR: rupture à plusieurs millions d'euros pour Albin Michel
Avec son dernier livre, Destin français, Zemmour avait réalisé plus de 310.000 ventes – on comprend que certains hésitent à prendre le fameux nouveau livre qu'Albin Michel a refusé. Les 8300 exemplaires de Marine Le Pen, en revanche, ne font certainement pas rêver les contrôleurs de gestion... Qui a écrit que l'anagramme de Marine Le Pen, c'est Amène le pire ?
mise à jour 6/07 - 17h45
En charge pour L’Obs de la droite et de l’extrême-droite, le journaliste Paul Laubacher a reçu une étonnante réponse, de l’entourage de Marine le Pen.
Pour autant, ActuaLitté maintient ses affirmations : les éditeurs sollicités ne souhaitent pas publier Marine Le Pen.
Crédit photo : European Parliament, CC BY NC ND 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
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16 Commentaires
Impensable
05/07/2021 à 20:15
"Tous pourris. Sauf Marine, évidemment…" C'est le fond de commerce traditionnel. Et c'est là que plusieurs calendriers se télescopent de manière assez savoureuse. Au bout de cinq années, la conclusion de l'enquête de police qui visait le RN est tombée. Et elle est accablante. Le parti a "par l'intermédiaire de ses cadres et dirigeants, mis en place un système organisé frauduleux de détournement des fonds européens à son profit, par le biais d'emplois fictifs d'assistants parlementaires", peut-on notamment lire dans le rapport de synthèse adressé au juge d'instruction. Et si le "système" remonte à l'époque où le FN était encore dirigé par son père, l'organisation mise au jour par l'enquête semble avoir pris toute son ampleur sous la présidence de Marine Le Pen, au lendemain des élections européennes de 2014. Qui a dit que ces gens-là n'aimaient pas l'Europe ? 6,8 millions d'euros de détournements ! De quoi faire passer François Fillon pour un lapin de trois semaines. Prise le doigt dans la confiture, et jusqu'au coude, la dirigeante du RN dénonce sans surprise une manigance. La bonne vieille ficelle ! C'est étonnant comme soudainement, la police inspire moins de respect et de sympathie à Marine Le Pen. Le parti qui se présente comme celui de la lutte contre la fraude en était finalement le champion du monde. C'est croustillant. Le Pen est démasquée. C'est de saison. Marine Le Pen est une politicienne attrape-tout que le microcosme politico-médiatique nourrit tout en se défendant du contraire.
Pic
06/07/2021 à 08:10
« I]l y a la crainte d’un flop en librairie [car] son image est encore trop sulfureuse », indiquait un éditeur. »
Qu'en termes délicates ces choses sont dîtes. En parler vrai, l'éditeur craint que les libraires fassent de la censure et craint donc pour ses ventes.
La censure des libraires est un vrai problème : par exemple, les éditions Ring, ouvertement de droite, sont censurées dans des tonnes de librairies en France.
Grégoire
06/07/2021 à 15:03
La censure, c'est une interdiction d'État, avec ses lois et ses sanctions.
Là, c'est juste un choix de commerçants qui ont bien le droit de mettre en avant ce qu'ils veulent (et ils font cela tous les jours pour plein de livres !).
Thierry Reboud
06/07/2021 à 15:13
La loi Lang oblige le libraire à commander les livres que vous désirez s'il ne les a pas en stock. En revanche, et c'est vrai de tous les commerces, le commerçant est maître de son assortiment.
D''autre part, et au-delà même de la question de savoir si tel ou tel librairie désire proposer à son aimable clientèle la substantifique moelle de la pensée lepéniste, la librairie peut aussi se demander si l'affaire serait si bonne du strict point de vue commercial. Et là, au minimum il y a débat.
Pic
07/07/2021 à 08:28
Pour Ring, il n'y a pas débat puisque leurs bouquins sont régulièrement en tête sur leurs segments chez Amazon. Il y a bien une volonté de ne pas vendre certains bouquins chez les libraires.
Bon, il manque seulement de courage. Il devrait mettre sur leur porte : « ON NE VEUT PAS VENDRE AUX MECS DE DROITE ». Mais là (à part le fait que cela serait illégal, mais bon, en France, attaquer la droite ne coûte rien pénalement, donc ils ne risquent rien), pas les c(censuré !) de le faire.
Faut quand même pas bousculer leur clientèle de petits vieux qui votent majoritairement à droite !
Thierry Reboud
07/07/2021 à 09:27
Est-ce que vous vous rendez compte de la contradiction que contient votre réponse ?
Selon vous, d'une part il ne faut pas contrarier la clientèle des petits vieux qui votent à droite (c'est vous qui le dites, je ne discute pas les articles de foi) et d'autre part les libraires refuseraient de vendre des livres de droite à leur clientèle ?
Est-ce que vous vous relisez parfois ?
R.
08/07/2021 à 15:26
Il n'y a pas de contradiction pour lui.
Pour les gens de droite, le concept de liberté d'expression signifie "Je dis ce que je veux, je fais ce que je veux, vous êtes obligés de m'écouter", sans par ailleurs autoriser cette même liberté d'expression à ses "adversaires politiques".
C'est pour ça qu'on ne les verra jamais prendre la défense de syndicalistes virés de leur boite parce qu'ils ont dénoncé la politique du patron, qu'on ne les verra jamais prendre la défense d'Alice Coffin virée de l'ICP, qu'on ne les verra pas prendre la défense de Sebastien Thoen viré par Bolloré pour une blague sur Praud, de Stéphane Guy viré par Bolloré pour avoir soutenu Sébastien Thoen, de Bertrand Chameroy viré d'Europe 1 pour faire plaisir à Bolloré etc etc.
C'est toujours la même chose.
Et dans le même temps, ils vont essayer de nous faire pleurer sur la censure imaginaire que subiraient des gens qui ont accès à tous les médias ou presque... Tout simplement parce qu'ils ont besoin de se vivre comme des outsiders et des rebelles, ce qui est plus gratifiant pour l'ego que simple gardien de l'ordre établi...
Pic
09/07/2021 à 08:46
Vous êtes d'un comique... J'observe ce qui se passe dans votre monde de gauche, par exemple dans les médias à la TV. On voit donc des gens (tous de gauche) débattre autour d'un thème (sur lequel ils sont tous d'accord). C'est la démocratie selon la gauche : une seule idée, une seule rangée, une seule obsession, une seule couture. Rien ne doit dépasser !
Sans jamais inviter de gens « de l'autre bord ». Le succès de CNEWS vient justement de ce fait : ils osent les débats contradictoires (d'où les salauds : ils osent faire entrer le loup dans la bergerie : on ne doit pas penser autrement qu'avec la mentalité de gauche, qui est le BIEN, contre celle de droite, qui est le MAL). Une dichotomie qui serait risible si elle ne créait pas aujourd'hui un schisme dans notre société.
Tout votre discourt est un exemple parfait de ce que je raconte.
Pour répondre au-dessus, il n'y a pas de contradiction dans mon propos, mais bien (comme vous l'avez senti) chez les libraires eux-mêmes. Ils savent très bien que leurs fonds de commerce tient grâce aux vieux (qui sont majoritairement de droite). Mais eux sont majoritairement de gauche. Ils aimeraient bien discriminer davantage qu'ils ne le font en INTERDISANT tout discours de droite. Alors ils font ce qu'ils peuvent, en refusant par exemple les éditions RING, mais sans oser franchir le Rubicond, qui serait de mettre un panneau en disant « Cassez-vous les droiteux ! ».
Mais comme tout bon gauchiste, la soupe compte (et tout compte fait, il faut bien payer les factures : c'est la réalité, et elle est toujours cruellement de droite, celle-ci !). Alors, il leur est impossible de virer de leur paysage tous ces gens de droite... qui les font vivre. Ils ravalent donc leur idéologie... pour vivre. Pour gagner de l'argent. C'est humain. C'est dure l'humanité, quand elle entre par le petit bout de la lorgnette. On a beau essayer de la chasser, elle revient toujours cette mégère !
Parce que dans les faits, s'ils appliquaient leur idéologie jusqu'au bout, ils en crèveraient faute de client. Comme toutes ces émissions « politiques » à la TV que personne n'écoute, mais qui survivent grâce aux subsides publiques. Si toutes ces émissions « de gauche » étaient financées par l'argent « de gauche » (ce qui serait tout à fait normal pour des émissions politiquement orientées sans débat contradictoire), alors elles s'arrêteraient immédiatement.
Le meilleur exemple dans la presse est l'Humanité, dont 90% du coût est couvert par l'argent public. Pour de la propagande politique. Depuis des dizaines d'années, ce monument de la presse communiste ne survit que grâce à l'argent public (et donc de gens qui paient des impôts, voire beaucoup d'impôts... souvent des gens de... droite). La droite finance donc tous ces gens... qui leur crachent dessus à longueur de temps.
Arthur Magnus
06/07/2021 à 08:58
Bonjour Nicolas Gary. Votre phrase "Déjà en 2016, près d’un an avant les élections présidentielles, les éditeurs redoutaient son livre." dans le chapô m'interpelle, enfin, plutôt le verbe "redouter". Je ne comprends pas ce qu'ils avaient à redouter, puisque rien ne les obligeait à le publier...
@Impensable : je suis sur la même longueur d'ondes que vous, mais ne vois pas le rapport entre votre commentaire et le sujet de l'article (aucun éditeur ne veut publier MLP) et la ligne éditoriale d'ActuaLitté ("Les univers du livre")...
Nicolas Gary - ActuaLitté
06/07/2021 à 09:05
Bonjour Arthur
Redouter vous interpelle. Oh, ce n'est pourtant pas compliqué. Rien n'obligé les Troyens à ouvrir leurs portes.
Timeo Danaos et dona ferentes, quelque chose du genre.
NAUWELAERS
06/07/2021 à 12:05
«Amène le pire», je me souviens avoir entendu le très, très, très regretté José Artur -un phare de France Inter, avec Claude Villers (heureusement toujours bien vivant !) - dire cela à son propos, dans une émission, mais pas sûr si c'était « Le Pop Club» ou une autre....
Depuis, un livre reprend cette expression.
Marine n'a pas dû porter Artur dans son coeur si elle a lu ou connu une citation évoquant un totem de son parti...
«Si Jeanne d'Arc avait eu du diabète, tout Rouen aurait senti le caramel.» (!)
Si je peux digresser juste un peu avec ce représentant-type d'un certain esprit parisien entre le sourire et le ricanement parfois (très) pétroleur...!
Il a donné un peu dans une mouvance vaguement «sanantoniesque», si on me permet ce néologisme...: «Ce n'est pas parce qu'on a un trou de balle qu'on mérite la médaille militaire.»
Et certaines sorties que je n'ose même pas reproduire ici, par respect pour celles et ceux que cela choquerait -tout dépend de la tournure d'esprit de tout un chacun !
Il a expliqué en une phrase la théorie de la relativité d'Einstein: «Un cheveu sur la tête, c'est peu, dans la soupe, c'est beaucoup.»
Mais je termine avec ce qui suit, pas drôle mais d'une profondeur et d'une justesse infinie, une constatation-scalpel que moi je salue avec respect...
«Tant que les parents vivent, on a l'impression d'être immortel.
Après, plus jamais on ne sera un enfant pour personne.»
Tirez l'échelle ici...
On est loin de l'insuccès éditorial (et politique récemment pour son parti) de la politicienne en question.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Arthur Magnus
06/07/2021 à 16:28
Timeo danaos et dona ferentes ? Avec un T comme dans Tragicomix ?
Nicolas Gary - ActuaLitté
06/07/2021 à 16:32
Précisément, comme dans Tragicomix. Ce qui résume parfaitement la situation, à mi-chemin entre le tragique et le comique.
Pour paraphraser Ionesco : l'absurde, c'est le tragique qui s'ignore.
Thierry Reboud
06/07/2021 à 15:09
"La candidate RN aurait même tenté d’approcher les éditions Ring pour trouver une possibilité de diffusion à ses idées. Mais en vain, le patron l'aurait éconduite."
Elle aurait pourtant dû savoir que Ring ne publie pas de livres de gauche ! :-))
ignatiusreilly
10/07/2021 à 10:18
8300 exemplaires ? Aujourd'hui, c'est pas si mal et de nombreux petits et moyens éditeurs seraient prêts à éditer n'importe quoi s'ils étaient sûrs d'en vendre presque 9000 ex...
Ed
10/07/2021 à 10:19
Vous mettez juste : aujourd'hui, 8300 ce serait bienvenu.
Mais en 2012, voilà près de 10 ans, pour une telle figure, c'est peu. Très peu.