Avril signe le retour des beaux jours, l'impératifs de ne pas se découvrir d'un fil, mais surtout des nouvelles de la lettre Books By Women. Et comme toujours, la voici proposée en intégralité, rien que pour vos yeux, comme dirait l'autre...
Le 12/04/2024 à 17:17 par Billet d'humeur d'une libraire
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Publié le :
12/04/2024 à 17:17
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Je crois qu’en 10 ans (!) de librairie, je n’ai jamais autant senti un changement dans la profession que cette dernière année. Alors il y en a eu, des changements, il y en a tout le temps, on n’est jamais assez préparé. e, on a l’impression d’être devenu un ou une vieux vieille conne (rayer la mention inutile), c’est difficile à appréhender, de s’adapter.
Après le « feel good book » d’il y a quelques années, et ses auteur. rices qu’on a découvert.es en se prenant de plein fouet l’afflux de demandes. On avait pas trop l’habitude, on connaissait l’effet Grande librairie sur les ventes dès le lendemain de la diffusion, mais ce genre « nouveau » est arrivé d’un peu nulle part et on n’a pas tout compris. Aujourd’hui on les connaît par cœur.
Depuis plusieurs mois (presque années maintenant, mais je me pense encore en 2020 alors je ne suis pas une référence) on parle un peu partout de la Romance (new romance, dark romance, romantasy, bref toutes ses déclinaisons) et pareil, ça m’a fait l’effet d’un nouveau monde qui s’ouvrait.
Je me sens comme une vieille conne quand je vois des publics bien trop jeunes nous en demander, je me sens triste quand j’en lis pour voir, que je trouve ça vraiment pas très bien écrit (en tout cas ceux que j’ai lus) et qu’on vend ça 100 fois mieux qu’un roman que j’ai adoré (à un moment faut être honnête), bref, comme pour tout, on s’y habitue, on crée un rayon dédié et on va passer à autre chose d’ici quelque temps j’imagine. Un métier qui évolue c’est bien, mais personnellement j’ai beaucoup de mal à suivre, j’espère ne pas me perdre en route.
Bref beaucoup de changements qui chamboulent mes habitudes de lecture aussi. Le fait que le coût de la vie ait autant augmenté grignote sur le budget loisirs des gens (et c’est totalement normal), résultat je trouve les gens un peu moins curieux, se laissent un peu moins portés par les coups de cœur qu’on a en magasin. La morosité et situation mondiale ambiante n’aide en rien, les gens veulent lire des romans qui font du bien, pas tristes, etc.
INSOLITE – Feel Bad Books : “romans déprimants, auteurs dépressifs, lecteurs déprimés”
Et en fait bah personnellement, la « feel bad littérature » moi j’aime ça. J’aime bien quand je finis en larmes, quand la littérature me malmène, me pousse dans mes retranchements. J’aime bien me demander si j’ai vraiment aimé un roman parce que quand même c’était vraiment dur. Et je le vois bien, mois après mois, que les gens ne sont plus trop réceptifs à ce genre. Je comprends, c’est le jeu et chacun.e lit bien ce qu’il/elle veut, mais juste, bah parfois ça me rend triste de ne pas pouvoir conseiller des romans incroyables sous prétexte que eh bien oui, vous allez utiliser des mouchoirs.
Trêve de bla-bla, voici une sélection de romans qui m’ont fait pleurer (mais pas que)
– Le dernier en date, impossible de ne pas en parler, c’est Du côté sauvage de Tiffany McDaniel, qui m’a vraiment fait du mal, j’ai presque cru que j’allais l’abandonner. L’histoire de 2 sœurs dont la vie part en vrille. J’en dévoile pas plus, mais vraiment ce roman va vous briser le cœur c’est évident. L’histoire couplée à la poésie de l’écriture de l’autrice, cela donne un contraste incroyable, On s’envole très loin dans la rêverie et l’onirisme, et crac boum retour à la réalité.
Trigger warnings attention : violences faites aux femmes (sexuelles, psychologiques), ce livre décrit des prises de drogue de façon très graphique également.
– Les semeuses de Diane Wilson (trad. Nino S. Dufour), que j’ai adoré, qui m’a fait chouichoui à la fin, mais un bon chouichoui je vous assure, l’histoire de Rosalie, une jeune Dakhota qui se retrouve placée dans une famille d’accueil après la mort de son père et va tenter de retrouver une famille de sang qui saura la comprendre. C’est très beau, très poétique également.
– Demain, et demain, et demain de Gabrielle Zevin (trad. Aurore Guitry), qui lui n’est pas tout récent, car sorti en août dernier, mais qui m’a habitée pendant un moment et auquel je repense encore souvent, grâce à son originalité dans le paysage éditorial. C’est un roman de vie, je ne sais même pas trop comment le décrire, on y suit Sam et Sadie, 2 passionné.es de jeux vidéo, qui vont y consacrer leurs vies. Meilleurs amis qui parfois ne se supportent plus, l’autrice ne tombe pas dans la facilité avec cette histoire et c’est ça que j’ai adoré. Une vraie bouffée d’air frais, et un chouinement de quitter ces 2 personnages tellement chouettes !
– Nous traverserons des orages d’Anne-Laure Bondoux, parce que souvent les romans ados me font de l’effet, et Anne-Laure Bondoux particulièrement. Une saga familiale retraçant tout le XXe siècle français avec brio, des personnages tous aussi attachants les uns que les autres, des « inter-chapitres » retraçant le destin du monde en parallèle (quel monde de merde d’ailleurs), vraiment tout m’a touché dans ce roman. Tristesse de le terminer.
Y’en a plein. Trop. J’en lis des pelletés des romans qui parlent de deuil, de maladie, de « putain la vie quelle chienne », ils m’interrogent, me font me pencher sur mon propre rapport à toutes ces choses.
Sinon dans le radar :
– Les éditions Daronnes ont besoin de nous ! Pour que l’édition reste le plus indépendante et militante possible, nous avons besoin de maisons d’édition comme Daronnes, alors vraiment aidons-les ! (et j’ai super envie de lire la traduction du livre Abolition. Feminism. Now. alors merci pour elles et merci pour moi eh oui)
– Le rapport du CNL sur la lecture et les jeunes 2023 est sorti et on en parle sur mon twitch ce soir à 20 h !! Franchement ça va être incroyable, car je suis super calée sur le sujet (pas du tout, mais j’aime parler de mon métier c’est tout), venez venez.
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Crédits photo : Pexels CC 0
Par Billet d'humeur d'une libraire
Contact : booksbywomen@substack.com
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1 Commentaire
Gitane
13/04/2024 à 06:02
À qui le dites-vous… j’ai écrit un vrai feel bad book, publié dans une toute petite maison qui plus est, j’en ai vendu 50 en 2 ans. J’envisage sérieusement de me mettre à la new romance (avec des gants et un pince-nez bien sûr).