Les roturiers aiment les secrets des aristocrates qui leur semblent appartenir à un monde radicalement différent du leur, et donc fascinant. Autrefois, dans les dernières décennies du 19ème siècle et les premières du 20ème, ils dévoraient les romans de Delly, de Veuzit, les "Marc Levy" et "Guillaume Musso" d'alors. Grâce à eux, ils pouvaient, croyaient-ils, connaître de l'intérieur les rouages étranges de ce monde où des ducs cruels et fiers, anachroniques, imposaient leurs vues à de fragiles jeunes femmes conduisant des Delage. En commençant à lire "La Hourie" de Roger Vercel, publié en 1942 chez Albin Michel, j'ai cru un instant me trouver devant un de ces romans sans intérêt, même s'il était très bien écrit (tous les romans de cette époque le sont d'ailleurs). Je me trompais
Le 18/08/2013 à 16:59 par Les ensablés
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18/08/2013 à 16:59
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Par Hervé Bel
Françoise de Fraô, l'héroïne, a épousé le pâle et fragile descendant de corsaires bretons, les la Hourie, famille riche. Celle de Françoise est ruinée, quoique d'excellente extraction. Sa sœur, compromise, s'est suicidée, entachant le nom d'un déshonneur irrémédiable. Le père ne s'en est jamais remis: "L'image d'Hélène avait envahi l'esprit démantelé de l'ataxique et le dévastait." Il est mort, laissant Françoise toute seule, livrée aux conseils de sa tante qui la pousse à se marier avec Luc la Hourie. Au bout de trois mois de mariage, le mari, parti sur l'un de ses bateaux par obligation, est allé disparaître dans les eaux glacées de la Russie septentrionale, laissant Françoise veuve et seule avec sa belle-mère, Madame La Hourie, en son château de Plangomeur. La salle à manger de Plangomeur avait été destinée par la Hourie aux bombances fastueuses qui marquaient son retour (...). Elle avait vu de ces beuveries ingénues où les aventuriers se revanchaient du lard et de l'eau de leur bord. Désormais, le château est silencieux, aux mains des femmes, perdu au milieu de la campagne: De la route elle apercevait à sa droite de longues bandes d'eau pâle qui stagnaient entre des langues de terres basses, hérissées de joncs secs, ponctuées de bouquets d'arbustes encore noirs (...) On disait que sous le sol élastique, sans cesse oscillant, on avait trouvé du naphte, et qu'un village, évangélisé par saint Colomban, gisait, englouti pour ses péchés, sous la surface morne de la Mare.
En lisant ces quelques lignes (page 52), j'ai su aussitôt que ce roman finirait par me plaire. Et il m'a plu... Je l'avoue: depuis que j'ai lu La chute de la Maison Usher dans mes jeunes années, j'éprouve toujours un penchant pour les demeures mélancoliques, environnées de brouillard, où des jeunes femmes éthérées consument leur jeunesse. L'histoire de ce roman n'est pas la sempiternelle rengaine d'une femme veuve qui va retrouver le goût à la vie. Non, Françoise ne retrouvera pas le goût de la vie pour la simple raison qu'elle ne l'a jamais eu. Elle est aux mains de sa belle-mère hantée par le souvenir du fils trop aimé, dont elle a soigneusement rassemblé les moindres affaires, les lettres, les bibelots qu'il touchait dans une pièce. Madame la Hourie se meurt de chagrin, mais ne veut pas être seule à souffrir. Il y a un mystère, bien sûr: il ne peut en être autrement dans ces châteaux glacés où les châtelains ruminent leur désespoir.
Un jour, par hasard, la belle-fille apprend que son mari, deux ans avant son mariage, a fait un séjour de dix mois dans une maison de repos: il était fou. On l'avait éloigné volontairement de sa mère trop possessive. Pour arranger son état, sa mère avait décidé de le marier. Ceux qui connaissaient son internement avaient refusé. Françoise, elle, l'avait ignoré.
Ingrid Bergman dans "Hantise" de Cukor
L'ayant enfin appris, Françoise est bouleversée. Il lui faut partir, il le faut absolument: on l'a grugée, on a vendu sa jeunesse. Madame la Hourie accepte qu'elle parte, mais demande un délai: la Pentecôte. Mais pourquoi devine-t-on déjà, en le regrettant, que Françoise ne partira pas? D'ailleurs, Madame la Hourie est convaincue que son fils n'est pas mort. Le bateau a chaviré, certes, mais il y avait des canots de sauvetage, des marins expérimentés. Surtout, le bateau n'a pas été retrouvé, et quelqu'un, au village, qu'on avait cru naufragé, vient de reparaître. Pourquoi pas Luc? Dès lors, et là est l'intérêt de ce roman, l'histoire va basculer. Puisque rien ne prouve que Luc est mort, c'est qu'il est vivant! Et s'il est vivant, Françoise n'est pas veuve, et elle ne peut plus partir. Folie, pure folie! Mais comment y résister dans cette maison où vit le mort par sa mère. Lentement mais sûrement Françoise y succombe. Il y a des crissements sur le gravier... Son mari n'est pas mort! Qu'elle prouve qu'il n'est pas mort! Et maintenant, partez si vous voulez! Elle (Madame la Hourie) montrait la porte. Françoise sortit, mais, le seuil franchi, elle s'arrêta (...) comme si elle eût jugé inutile d'aller plus loin: sa prison, elle le sentait, venait subitement de s'étendre partout: elle l'emportait désormais en elle (p.190).
C'est le talent de Vercel de savoir conduire le lecteur vers cette conviction que Luc la Hourie est vivant, qu'il va reparaître. Hantise. J'ai songé en lisant ce court roman, d'une espèce si semblable à tant d'autres, mais qui a ce goût rassurant, connu, que donnent nos retrouvailles avec un vieil ami dont on sait déjà tout ce qu'il nous dira, j'ai songé, disais-je, à un film de Cukor "Gaslight" (Hantise en français) où Ingrid Bergman joue le rôle d'une jeune femme que son mari rend folle. Même ambiance, même automnes brumeux, et cette envie de la prendre dans ses bras...
Le nom de Vercel est presque inconnu désormais, mais une de ses œuvres a eu la chance, il y a quelques années, d'être adaptée par Bertrand Tavernier: "Capitaine Conan". Ce roman obtint le prix Goncourt en 1934. Dans les années 30, il a inspiré également Jean Grémillon pour son film "Remorques" avec Jean Gabin. La mer a beaucoup inspiré Vercel. Omnibus a récemment publié sous le titre "Romans de la mer" les principales œuvres maritimes de Vercel (cliquer ici) On trouvera sur Wikipédia une courte biographie qu'on pourra consulter ici.
Hervé Bel - Août 2013
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Takopi est un petit poulpe de l’espace venu rendre les humains heureux. La première qu’il rencontre s’appelle Shizuka, de l’espèce « CM1 ». Elle ne sourit pas beaucoup et a le visage plein de marques violacées. Takopi pourra-t-il lui rendre son sourire ? Découvrez la série coup de poing qui a ému le Japon.
06/02/2023, 10:29
Alors que les deux dernières semaines du classement des meilleures ventes étaient dominées par le livre Le Suppléant du prince Harry, ce dernier perd sa couronne au profit de la jeune Sarah Rivens. Le tome 2 de son roman Captive, qu'elle avait d'abord publié sur Wattpad, a convaincu 53.257 acheteurs pour sa première semaine sortie, plus du double que les mémoires du duc de Sussex (21.383 ex.).
03/02/2023, 15:28
Avoir « la classe » comme on dit aujourd'hui revient souvent pour un homme à arborer avec une certaine distinction un beau costume. Si le choix en matière de garde-robe est plus restreint pour les hommes que pour les femmes, il y a tout un art qui s'immisce dans les détails pour rejoindre la catégorie tant recherchée du dandy !
03/02/2023, 11:03
Nous suivons le chemin, la disparition, d’un homme blanc d’un certain âge qui est en fuite. Peu de détails nous sont donnés, il rejette sa vie passée, possède un petit magot dans une enveloppe posée sur le siège avant droit de sa voiture.
02/02/2023, 08:15
BONNES FEUILLES - Les Rêveries de Barbey forment un portrait original : une flânerie vagabonde sur les pas de Barbey d'Aurevilly, au-delà des éternels clichés du dandy catholique réfractaire au progrès. Le regard singulier d'un écrivain contemporain déjà lauréat de plusieurs prix sur un autre écrivain
02/02/2023, 08:00
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Remontés à la surface, des dessins de Riad Sattouf mis en cause Meilleures ventes : Sarah Rivens renverse la domination du prince Harry Houellebecq : la possibilité d'un porno, avec prostituées à Amsterdam Viol d'une esclave : “une scène ni gratuite ni complaisante” pour Antoine Gallimard
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