Dans une nouvelle publication, l’OCDE s’interroge et fait des propositions sur les outils à mettre en œuvre pour assurer un meilleur apprentissage des mathématiques par tous les publics. L’enquête PISA a depuis longtemps établi qu’en mathématiques, les élèves défavorisés sont en général devancés par leurs pairs favorisés – même si les écarts de performance varient sensiblement entre les pays. Mais une question se pose alors : dans quelle mesure les enseignants et l’école peuvent-ils y remédier ?
Le 22/06/2016 à 03:34 par Max Voirent
Publié le :
22/06/2016 à 03:34
« Face à la demande croissante de compétences en numératie dans le cadre professionnel, les élèves d’aujourd’hui doivent être capables de maîtriser les bases du calcul, de mener des raisonnements logiques et d’utiliser les mathématiques pour la résolution de problèmes nouveaux.
Toutefois, selon les résultats de l’enquête PISA 2012, dans la plupart des pays, seule une minorité des élèves de 15 ans comprennent les concepts mathématiques fondamentaux et savent les utiliser à bon escient. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, moins de 30 % des élèves comprennent ainsi le concept de moyenne arithmétique, une proportion qui s’établit même à moins de 50 % pour l’utilisation du concept de polygone.
La notion de « possibilités d’apprentissage » fait référence aux contenus enseignés en classe et au temps que les élèves consacrent à l’apprentissage de ces contenus. Même au sein d’un même établissement, tous les élèves ne bénéficient pas des mêmes possibilités d’apprentissage. Toutefois, la réduction des inégalités d’accès aux mathématiques n’est pas un pari impossible. Selon les résultats de l’enquête PISA, les écarts de performance entre les élèves issus d’un milieu socio-économique favorisé et leurs pairs défavorisés sont en grande partie liés à des différences de familiarité avec les concepts mathématiques.
Ainsi, l’amélioration des possibilités d’apprentissage des concepts et processus mathématiques offertes aux élèves défavorisés peut contribuer à réduire les inégalités et à relever les niveaux moyens de performance. Il est possible d’atteindre cet objectif grâce à la mise en œuvre d’un programme plus ciblé et cohérent, à la réalisation d’une évaluation approfondie des effets des politiques et pratiques de sélection des élèves en fonction de leurs aptitudes, et à l’offre d’un soutien plus important aux enseignants travaillant avec des classes de niveau hétérogène.
L’orientation par filière et le regroupement par aptitudes affectent l’exposition des élèves aux mathématiques et les pratiques des enseignants. Dans les pays de l’OCDE, les différences socio-économiques entre les élèves et entre les établissements expliquent environ 9 % – et dans certains pays, jusqu’à 20 % – de la variation de la familiarité des élèves avec les concepts mathématiques. Certaines politiques systémiques, telles que l’orientation par filière, la sélectivité sur critères scolaires ou le transfert des élèves d’un établissement à un autre en raison de mauvais résultats ou de problèmes de comportement, sont également associées à une plus grande inégalité d’accès aux contenus mathématiques.
Les résultats montrent que, dans les pays de l’OCDE, environ 54 % des différences internationales d’incidence du profil socio-économique des élèves et des établissements sur la familiarité des élèves avec les mathématiques s’expliquent par des différences systémiques d’âge de la première orientation des élèves en filière professionnelle ou générale.
Certains pays ont remplacé l’orientation par filière par le regroupement par aptitudes au sein même des établissements. Dans les pays de l’OCDE, plus de 70 % des élèves fréquentent ainsi un établissement où, selon le principal, les élèves sont regroupés par aptitudes en cours de mathématiques.
Or ce type de regroupement peut tout autant réduire les possibilités d’apprentissage des élèves défavorisés que l’orientation par filière. En repoussant l’âge de la première orientation par filière et en limitant le regroupement par aptitudes, il est possible de réduire l’incidence du niveau socio-économique sur les possibilités d’apprentissage des élèves, mais cette approche n’est pas sans conséquence pour les enseignants : ils doivent en effet se préparer à travailler avec des effectifs plus hétérogènes.
Les enseignants sont en général soucieux de garantir l’égalité des possibilités d’apprentissage : dans les pays de l’OCDE, plus de 70 % d’entre eux estiment ainsi qu’il est préférable d’adapter les normes académiques au niveau et aux besoins de leurs élèves. Il n’est toutefois pas facile d’adapter l’enseignement aux compétences et besoins de chaque élève, tout en veillant à la progression des apprentissages de l’ensemble de la classe.
Les enseignants doivent bénéficier d’un soutien plus important pour l’utilisation de méthodes pédagogiques (telles que la constitution de groupes modulables ou l’adoption de stratégies d’apprentissage coopératif) permettant d’accroître les possibilités d’apprentissage de tous les élèves dans des classes de niveau hétérogène.
L’exposition aux concepts et procédures mathématiques joue un rôle important dans la performance, mais n’est pas suffisante pour l’acquisition de compétences d’ordre supérieur de raisonnement. Les données de l’enquête PISA viennent confirmer des conclusions antérieures : l’efficacité du temps d’instruction est étroitement liée à la qualité du climat de discipline en classe. Toutefois, ce n’est pas tant le temps d’instruction qui influe sur la performance que la qualité du contenu de l’enseignement.
L’exposition à des tâches et concepts de mathématiques pures (tels que les équations linéaires ou du second degré) est fortement liée à l’obtention de meilleurs résultats aux épreuves PISA, même après contrôle du fait que les élèves plus performants sont susceptibles de fréquenter des établissements leur offrant un horaire plus étoffé en mathématiques.
En revanche, la corrélation entre l’exposition des élèves à des problèmes de mathématiques appliquées simples (comme utiliser un horaire de trains pour calculer combien de temps prendrait le trajet d’un endroit à un autre) et leur performance est plus limitée. Ce constat semble indiquer que la simple inclusion de références au monde réel dans l’enseignement des mathématiques ne permet pas systématiquement de transformer un exercice de routine en un bon problème.
En cours de mathématiques, l’utilisation de problèmes bien conçus et stimulants peut avoir une incidence considérable sur la performance des élèves.
La maîtrise des concepts et procédures fondamentaux est une composante essentielle de l’apprentissage des mathématiques, mais n’est certainement pas suffisante pour la résolution des problèmes les plus complexes. Selon les données de l’enquête PISA, l’exposition fréquente des élèves à des équations et formules peut s’avérer un atout pour la résolution de tâches énonçant les principales données du problème et leur demandant d’appliquer des procédures apprises en classe.
Toutefois, l’exposition des élèves à ce type de procédures ne leur apprend pas nécessairement à mener à bien une réflexion et un raisonnement mathématiques. L’enseignement de stratégies de résolution de problèmes – en apprenant par exemple aux élèves à se questionner, à établir des liens et faire des prévisions, à conceptualiser et à modéliser des problèmes complexes – prend du temps et s’avère plus difficile dans les établissements défavorisés.
La refonte des manuels scolaires et du matériel pédagogique, ainsi que l’offre de formations spécifiques, peuvent aider à minimiser le temps nécessaire à l’intégration de ces pratiques pédagogiques dans un programme déjà extrêmement chargé. L’exposition des élèves aux mathématiques complexes peut influencer leurs attitudes.
Si l’exposition des élèves à des notions mathématiques relativement complexes est susceptible de fragiliser la confiance en soi de ceux ne se sentant pas à la hauteur, elle peut dans le même temps avoir un impact positif sur les attitudes et la confiance en soi de ceux relativement bien préparés et prêts à relever ce défi.
En moyenne, dans les pays de l’OCDE, l’exposition des élèves à des concepts mathématiques plus complexes est associée à une diminution de la confiance en soi/une augmentation de l’anxiété chez les élèves peu performants, mais à un renforcement de la confiance en soi/une diminution de l’anxiété chez leurs pairs très performants.
Selon les résultats de l’enquête PISA, la promotion du travail en petits groupes, l’offre d’un soutien supplémentaire aux élèves en ayant besoin, ou la réduction de l’inadéquation entre les contenus enseignés et ceux évalués, sont autant de pratiques à même d’améliorer la confiance en soi des élèves et leurs compétences en résolution de problèmes.
Par ailleurs, l’utilisation d’ordinateurs en classe semble renforcer la motivation des élèves en mathématiques. Enfin, les enseignants peuvent s’associer aux parents pour améliorer les attitudes des élèves à l’égard des mathématiques, les données de l’enquête mettant en évidence la possibilité d’une transmission inconsciente de l’anxiété vis-à-vis des mathématiques des parents à leurs enfants. »
Commenter cet article