L'Assemblée nationale adopte la rémunération “appropriée” des auteurs
Les auteurs doivent-ils être rémunérés d'une manière « appropriée » sur les recettes provenant de la vente ou de l'exploitation ? L'Union européenne estimait que oui, dans une directive d'avril 2019, que la France a tardé à transposer. Et qu'elle n'a fait que partiellement, omettant ce même terme, « appropriée ». Une bourde qu'un cavalier législatif, au sein du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique, tente de corriger. Le 17 octobre, l'Assemblée nationale a voté la mesure, sans débat.
Le 19/10/2023 à 16:12 par Antoine Oury
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19/10/2023 à 16:12
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4 secondes. C'est le temps qu'il aura fallu aux députés de l'Assemblée nationale présents ce 17 octobre pour voter l'article 34 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique. Ce texte, déposé par Bruno Le Maire en mai 2023, souhaite introduire de nouvelles règles sur internet, pour protéger les utilisateurs, notamment mineurs, et les entreprises.
Mais le projet du gouvernement compte un cavalier législatif depuis l'amendement du sénateur Julien Bargeton (Renaissance), autrement dit une disposition qui n'a pas grand-chose à voir avec le fond du dossier.
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Le II bis de cet article 34 du projet de loi indique en effet : « À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle, les mots : “la participation” sont remplacés par les mots : “une rémunération appropriée et” ».
Erreur de transposition
Ces quelques lignes doivent rattraper la bourde du ministère de la Culture, qui a transposé une directive européenne de 2019 en omettant ce concept de rémunération « appropriée » pour les auteurs de l'écrit. En juin 2021, le Comité pluridisciplinaire des artistes auteurs et autrices (CAAP) et la Ligue des auteurs professionnels déposaient un recours en excès de pouvoir auprès du Conseil d'État.
Le Conseil d'État avait donné raison aux deux organisations d'auteurs, qui demandaient donc au gouvernement de rectifier le tir, « [s]ans quoi il confirmerait qu’il s’oppose à l’un des droits les plus élémentaires des artistes auteurs et autrices : être rémunérés pour leur création de manière appropriée ».
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Depuis, pour se conformer au jugement du Conseil d'État, le gouvernement tente de corriger son erreur en glissant dans des projets de loi cette petite précision concernant la rémunération « appropriée ». D'abord, dans le cadre du projet de loi Adaptation au droit de l’Union européenne, en décembre 2022. La commission des Affaires Sociales avait retoqué l'amendement d'un certain Bargeton Julien, parce qu'il relevait justement du cavalier législatif.
Une autre tentative
Rebelote, donc, à l'occasion de ce nouveau projet de loi, mais l'amendement du sénateur Renaissance a cette fois reçu un accueil favorable de la commission spéciale présidée par Catherine Morin-Desailly. « L'amendement COM-79 vise à tirer les conséquences de dispositions européennes concernant le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique européen. Il réaffirme la nécessité d'une juste rémunération des créateurs, notamment de la part des plateformes. Avis favorable », aura simplement commenté Loïc Hervé, un des rapporteurs.
Conservé dans le texte adopté par le Sénat le 5 juillet 2023, l'amendement apparait logiquement dans celui examiné par l'Assemblée nationale, ce 17 octobre 2023. Et les députés ont adopté sans ciller l'article 34, assorti de son II bis.
Reste encore l'étape de la Commission mixte paritaire, qui doit permettre de parvenir à un texte incarnant un compromis entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Il sera ensuite soumis par le gouvernement au Parlement, pour approbation.
En attendant, force est de constater que le « véritable débat parlementaire sur cette question des conditions de rémunération des auteurs » souhaité par Stéphanie Le Cam, directrice générale de la Ligue des auteurs professionnels, n'a toujours pas eu lieu.
Photographie : à l'Assemblée nationale, le 17 octobre 2023 (capture d'écran)
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4 Commentaires
Jojo
20/10/2023 à 08:46
« véritable débat parlementaire sur cette question des conditions de rémunération des auteurs » !
Oui ! Il faut un débat parlementaire !!!
Ce n'est pas à des ministres influençables par les éditeurs de décider seuls du sort des auteurs !
Rémunération proportionnelle = rémunération du succès
Rémunération appropriée = rémunération du travail
D. L.
20/10/2023 à 08:55
Approprié… voilà bien un terme de loi qui ne veut rien dire.
Aujourd'hui la rémunération des auteurs est uniquement basée sur les ventes et la notoriété de l'auteur, à savoir la force de frappe de son attaché de presse et la vampirisation de son éditeur dans le milieu du livre (salons, prix, présence médias).
Demandez à un éditeur de "payer" un auteur pour un livre et la production diminuera de façon exponentielle, ce qui serait peut-être la solution pour éviter le pilon, mais qui verrait disparaître la diversité littéraire pour réduire les lecteurs à des mangeurs de soupe; ce qui se dessine déjà à l'horizon Bolloré. Aujourd'hui, seuls les "auteurs de l'ombre", ceux qu'on appelait avant les nègres, qui écrivent à la place de celui dont le nom (bien connu) sera écrit sur la couverture sont payés par contrat, mais généralement ne touchent pas de droits d'auteur.
La chaîne du livre est à 2 vitesses: les auteurs médiatisés qui sont invités partout (rémunérés, logés, nourris, mis en lumière) et apparaissent sur les liste de Prix, et les autres, soit 95%.
Alors, que les chambres s'agitent et les débats fassent houle longtemps, ça ne changera rien, si ce n'est à certains élus l'impression de mener un noble combat… l'industrie du livre ne bougera pas.
Jojo
20/10/2023 à 12:22
Discours d'éditeur !
Appropriée… en quoi en terme de loi, cela ne voudrait-il rien dire ?
Rémunération approprié : rémunération adapté aux besoins nécessaires et suffisants de l'auteur pour créer une œuvre.
"Demandez à un éditeur de "payer" un auteur pour un livre et la production diminuera de façon exponentielle, ce qui serait peut-être la solution pour éviter le pilon, mais qui verrait disparaître la diversité littéraire pour réduire les lecteurs à des mangeurs de soupe; ce qui se dessine déjà à l'horizon Bolloré. "
Que les livres soient cédés gratuitement aux éditeurs et la diversité littéraire sera augmentée !
Ben voyons. Qu'est-ce que c'est que cette rhétorique simpliste ?
Est-ce la quantité de livres mis sur le marché qui détermine la diversité littéraire ou la qualité des ouvrages proposés ?
Je doute que la surproduction d'ouvrages bâclés par des auteurs mal rémunérés contribue à la diversité littéraire, au contraire !
C'est la qualité qui doit remplacer cette casse industrielle du produire toujours plus pour que les financiers gagnent plus.
Si le nombre de lecteur baisse, c'est aussi parce que la qualité est en baisse. Proposer tout et n'importe quoi : des livres inachevés, des traductions médiocres, des corrections approximatives… ne peut servir un débat littéraire et intellectuel riche et diversifié. Au contraire, c'est le suicide collectif et faire le jeu de Bolloré en crétinisant les masses !
La chaîne du livre est à deux vitesses aussi parce que les éditeurs veulent qu'il en soit ainsi. Ils balancent n'importe quoi sur le marché, si un auteur sort du lot, ils mettent tous els moyens sur lui et tant pis pour les 95 %. Ils n'avaient qu'à avoir le ticket gagnant.
Encore une fois, en mettant principalement les moyens publicitaires sur les auteurs à succès, les éditeurs ne permettent pas ç la diversité littéraire d'exister pleinement. Cette diversité n'est qu'un argument invoqué pour que, surtout, rien ne change.
Le métier de l'éditeur est d'éditer, c'est-à-dire de faire le tri, décider que tel ouvrage mérite d'être publié, pas de balancer n'importe quoi et d'attendre de voir quel titre sera bestseller pour couvrir les pertes. C'est sûr que le tric des déchets pour trouver la perle rare demande à l'éditeur de faire un vrai travail de réflexion et d'accompagnent. C'est le tri qui détermine la diversité littéraire, pas la surproduction.
Surproduire, c'est réduire les lecteurs à des mangeurs de soupe. Et une soupe bien pauvre en vitamines.
Les éditeurs ont tout à gagner à privilégier la qualité à la quantité. Produire moins de titres mais de titres que les lecteurs auront envie de lire et de partager.
"Aujourd'hui la rémunération des auteurs est uniquement basée sur les ventes et la notoriété de l'auteur"
Ce qui est une erreur stratégique parce que on ne base pas une économie uniquement sur le hasard.
koinsky
20/10/2023 à 09:17
Mais pourquoi dans un monde ou la propriété intellectuelle semble si protégée par la Loi (celle des marques industrielles en particulier), le droit d'auteur est-il à ce point nié, piétiné ? Ça en dit long sur l'état de notre société mercantile qui n'accorde qu'aux puissants "le privilège" de prospérer. J'ai honte d'être auteur. La honte doit changer de camp et retrouver son camp de base.