D'origine géorgienne Hélène Carrère d'Encausse, née le 6 juillet 1939 à Paris est décédée ce 5 août 2023. Elle fut une historienne et première Académicienne française, spécialisée dans les études de l'URSS et du monde russe.
Le 06/08/2023 à 10:44 par Clément Solym
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Publié le :
06/08/2023 à 10:44
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Hélène Carrère d’Encausse a toujours affiché des affinités particulières vis-à-vis du monde russe et soviétique. Diplômée de Sciences Po à Paris, elle s'est spécialisée dans l'histoire des révolutions sociales russes du début du XXe siècle. Elle a rapidement acquis une réputation d'experte sur les dynamiques soviétiques et post-soviétiques.
Tout au long de sa vie professionnelle, elle a enrichi la connaissance sur la Russie et l'Union soviétique. Parmi ses écrits marquants, L’Empire éclaté de 1978 prédisait la dislocation de l'URSS à cause des tensions internes – mais sa prédiction d'alors fut totalement contredite par la réalité. Ou encore Nicolas II, la transition interrompue de 1996 qui offre un éclairage sur l'impact du tsar Nicolas II sur la fin de l'Empire russe.
Elle a été honorée en rejoignant l’Académie française en 1990, où elle a ensuite assumé le rôle de secrétaire perpétuelle à partir de 1999. Sous sa houlette, plusieurs éditions du Dictionnaire de l'Académie française ont vu le jour. Elle mit d'ailleurs un terme à la féminisation des noms de métiers dans la langue, réclamant d'être appelée Madame le secrétaire perpétuel.
Le jeudi 28 février 2019, l’Académie française soutint massivement le rapport de 2017 qui recommande la féminisation des noms de métiers. Selon l’institution, rien n’empêche fondamentalement cette évolution. Le document indiquait que ce changement s’inscrit dans une continuité linguistique que l’on observe depuis le Moyen Âge, soulignant que la langue évolue naturellement avec le temps. Les académiciens ont donc reconnu cette transformation comme étant partie intégrante de la dynamique du français.
Au-delà de l'univers universitaire, Hélène a également joué un rôle dans la diplomatie française, en représentant la France au Conseil de l'Europe et en présidant la commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale française.
Cependant, les dernières années ont été marquées par des controverses. Lorsque la guerre en Ukraine a éclaté, elle a soutenu la position russe, ce qui a suscité de vives critiques. Ses interventions médiatiques, notamment sur LCI, ont parfois surpris par leur alignement avec les perspectives de Vladimir Poutine.
Hommage de Rima Abdul Malak à Hélène Carrère d'Encausse. La ministre adresse à son époux, à ses enfants, Emmanuel, Nathalie et Marina, à sa famille et à ses proches ses plus sincères condoléances.
Grande dame de la langue française, historienne à la plume et aux analyses d’une rare finesse, Hélène Carrère d’Encausse nous a quittés.
Née à Paris dans une famille géorgienne et russophone qui avait fui quelques années plus tôt la révolution russe, Hélène Zourabichvili comptait parmi ses ancêtres des personnalités de premier plan de la vie politique, fidèles de la famille impériale mais aussi opposants. Enfant, elle grandit dans la richesse de deux langues, deux littératures, deux cultures. Sans jamais renier ses origines, elle choisit dès l’adolescence d’embrasser pleinement la langue et les institutions françaises où elle se forme – du Lycée Molière à l’Institut d’études politiques de Paris – sans savoir qu’elle prendra plus tard avec panache la tête de la plus prestigieuse d’entre elles.
Tandis que le parcours de sa famille est marqué au fer des vicissitudes de l’histoire, la doctorante qu’elle est alors choisit, justement, cette discipline et s’emploie dès les années 1960 à creuser sous le narratif soviétique pour y discerner les voix eurasiennes, les fissures, les dissensions. Devenue Carrère d’Encausse, l’historienne mène ainsi un impressionnant travail de recherche sur le rapport des minorités musulmanes à l’URSS sur l’implosion dudit empire qu’elle annonce dès 1978, dans ce qui sera son premier succès public et critique :L’Empire éclaté, la révolte des nations soviétiques en URSS. Une publication qui lui vaudra d'être interdite de séjour en URSS pendant dix ans.
Riche du considérable travail de terrain qu'elle a mené dans les années 1960, déterminée, insensible aux doxas et aux pressions, Hélène Carrère d’Encausse apporte quelque chose d’éminemment neuf aux études de l’espace russe et des territoires soviétiques. C’est justement dans la profondeur de son regard historique que les essais qu’elle publie dans les années 1980 sur le déclin de l’empire soviétique puisent leur acuité politique. Un an avant l’implosion de l’URSS, en décembre 1990, c’est forte de cette voix différente, percutante, matinée d’une immense culture littéraire, qu’elle fait son entrée au 14e siège de l’Académie Française.
Pour autant, l’immortelle ne se contente pas d’observer. Lorsque le déclin qu’elle avait prédit advient, Hélène Carrère d’Encausse s’engage résolument pour l’Europe dans laquelle elle voit l’incarnation pleine d’espoir de ses convictions humanistes. Députée européenne pendant cinq ans, conseillère officielle ou officieuse des hommes politiques face aux bouleversements géopolitiques que connaît le continent, elle prouve s’il en était besoin qu’on peut être une de femme de lettres, d’idées et d’action.
Parce qu’elle est tout cela à la fois, Hélène Carrère d’Encausse est élue à l’aube du XXIe siècle à la tête de l’Académie française depuis laquelle elle publiera ses immenses biographies de Catherine II, d’Alexandre II et de la dynastie des Romanov. Pendant près de vingt-cinq ans, elle y a oeuvré pour défendre notre langue, en concertation avec la Commission d'enrichissement de la langue française coordonnée par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France du ministère de la Culture, et préserver son intégrité, notamment face aux anglicismes. Sa devise : « faire vivre le français, l'enrichir, faire de sa préservation le devoir de toutes nos vies ».
Soucieuse de transmettre le goût de la langue française aux jeunes générations, elle crée en 2019 un portail numérique rassemblant les neuf éditions historiques du dictionnaire de l’Académie française. Trois siècles et demi d'évolution de notre langue se trouvent ainsi offerts à la connaissance de tous.
Engagée pour le développement de la francophonie, elle contribue, aux côtés du ministère de la Culture, à la création du Dictionnaire des francophones et fait entrer à l’Académie de grandes voix du monde francophone tels qu’Amin Maalouf, Assia Djebar ou Dany Laferrière, Andrei Makine ou François Weyergans.Sous son impulsion, le dictionnaire de l’Académie s’ouvre aussi à des mots venus du Québec, de Suisse, de Belgique ou de pays africains.
Jusqu’au dernier instant, Hélène Carrère d'Encausse a incarné l’élégance, la rigueur et l’excellence d’une institution perpétuelle dont elle restera toujours la troisième Immortelle.
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
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18 Commentaires
Aurelien Terrassier
06/08/2023 à 11:59
Paix à son âme. Vous rappelez le position d'Hélène Carrere d'Encausse sur Poutine dont elle soutenait la position vis-à-vis de l'Ukraine mais vous oubliez de rappeler ses propos à consonance xénophobe tenus au milieu des années 2000. https://www.liberation.fr/evenement/2005/11/15/beaucoup-de-ces-africains-sont-polygames_539018/
NAUWELAERS
07/08/2023 à 00:33
Mais la polygamie africaine, et arabe, est une réalité, Aurelien Terrassier, que vous le vouliez ou non !
On a le droit d'accepter ou de condamner cette réalité.
On peut s'en indigner ou la considérer simplement comme une partie intégrante de cultures non occidentales.
Mais pas de la nier: si on en fait état alors que c'est un fait absolument évident et incontestable, alors il ne s'agit pas de xénophobie ni de racisme.
Pas d'amalgame.
Si on condamne l'excision africaine, c'est on ne peut plus légitime, que je sache.
Pour la polygamie, je ne me prononce pas.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Aurelien Terrassier
07/08/2023 à 12:32
En faisant une généralité, il y a là des propos xénophobes de la part d'Hélène Carrere-D'Encausse. https://www.courrierinternational.com/article/2005/12/01/la-polygamie-nouveau-fantasme Sans nier pour autant que la polygamie est contraire aux droits de l'homme et est malheureusement encore légale dans certains pays africains, en France elle est marginale mais là dessus comme sur d'autres sujets je n'ai aucune leçon à recevoir de l'extrême droite.
NAUWELAERS
07/08/2023 à 20:46
Aurelien Terrassier,
Quelle extrême droite ?
Vous avez la berlue ?
Je n'ai aucune leçon à recevoir de néo-staliniens.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Aurelien Terrassier
08/08/2023 à 09:08
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Aurelien Terrassier
08/08/2023 à 11:53
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Marie
07/08/2023 à 14:41
NAUWELAERS@, d'accord avec vous, même si l'on sait qu'il est des cultures où la mort n'est pas le mal absolu, donc l'atteinte physique comme l'excision encore moins. On sait seulement qu'il nous serait impossible de vivre dans certains pays pour ces raisons..
Madame d'Encausse a disparu, pensées pour ceux qui l'aimaient . Qu'est ce que cela peut bien faire à présent, ses positions politiques et autres? Restent ses écrits, que l'on peut lire ou non-c'est cela, la vraie liberté qui nous reste encore-.Rien n'est tout blanc ou tout noir, et "personne n'est parfait" : the end du film"Certains l'aiment chaud".
NAUWELAERS
07/08/2023 à 20:43
Marie,
Tout à fait d'accord avec vous et Hélène Carrère d'Encausse a changé d'avis publiquement au sujet de Poutine après l'invasion de l'Ukraine.
Ce que les détracteurs de la défunte ignorent, ou passent sous silence.
Pour le reste, j'admire infiniment la culture invraisemblable, sa résilience après des débuts extrêmement difficiles dans la vie et bien sûr son amour passionné de la langue française.
Bien à vous.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Mitsouko
07/08/2023 à 08:00
Heureusement que vous avez publié l’hommage de Rima Abdul Malak apres votre présentation plutôt désobligeante envers cette grande dame de notre monde culturel! Oser dire que ses prédictions furent “totalement contredites”quand l’empire soviétique a effectivement implosé de l’intérieur sans aucune autre intervention quelques années après la publication de l’Empire éclaté! On se souviendra d’une femme qui a régné sur cette prestigieuse institution avec rigueur, une grande éthique et aussi élégance comme le dit notre ministre!
thym66
07/08/2023 à 08:49
Une pensée pour ses enfants.
Par ailleurs, merci pour cet article. Je viens de découvrir le portail de l'académie française consacré au dictionnaire. Quel travail fantastique ! Merci pour nous tous.
Aradigme
07/08/2023 à 09:08
Bonjour Clément Solym,
Vous écrivez: "L’Empire éclaté de 1978 prédisait la dislocation de l'URSS à cause des tensions internes – mais sa prédiction d'alors fut totalement contredite par la réalité."
En quoi sa prédiction fut-elle contredite par la réalité? L'URSS a bien éclaté et son éclatement fut bien dû à plusieurs causes internes, à commencer par le manque total d'adhésion des populations à un système oppressif et inefficace.
Salutations
Aradigme
brol75
07/08/2023 à 10:34
votre titre induit une position politique et réduit Le Secrétaire perpétuel à une sorte de militante égarée; Votre texte contient trop d'erreurs. Heureusement, l'hommage de la Ministre corrige votre article.
bénard
07/08/2023 à 18:46
Elle a soutenu Poutine, ce n'est guère avantageux. Le dictateur lui a rendu par écrit un vibrant hommage adressé à ses trois enfants. Ce n'est guère glorieux.
NAUWELAERS
07/08/2023 à 20:32
Bénard,
Dans le quotidien belge «Le Soir», du 3 mars 2022, la défunte a parlé d'«opération catastrophique» pour qualifier la guerre en Ukraine et elle a déclaré qu'un spécialiste de neuropsychiatrie devrait s'occuper du cas de Poutine.
Pas plus que cette très grande dame, vous ne saviez que cette guerre aurait lieu avant son commencement ou avant les menaces, peu de temps seulement avant le début des hostilités.
Pas de mauvais procès à cette très grande dame !
CHRISTIAN NAUWELAERS
Aurelien Terrassier
08/08/2023 à 11:59
On a encore le droit de critiquer Hélène d'Encausse-Carrere pour ses propos xénophobes ou encore son engagement pro-Poutine tout en sachant qu'elle travaillait aussi pour RT.
Aurelien Terrassier
08/08/2023 à 13:55
Peu importe l'hommage du dictateur sanguinaire Poutine aux enfants d'Hélène Carrere-D'Encausse. Emmanuel peut toujours critiquer la politique russe et Marina pourra toujours secourir des ukrainiens sans que ça pose de soucis. Les enfants n'ont rien à voir avec les positions politiques dégoûtantes de leur mère décédée hélas.
NAUWELAERS
08/08/2023 à 20:16
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Lucrèce
11/08/2023 à 19:44
Il y a une erreur
Elle n’est pas née en 1939 mais eń 1929