ENTRETIEN — Avec une forte progression de son chiffre d’affaires, la société YouScribe enregistre une forte évolution tant de ses abonnés que de ses utilisateurs. Son fondateur, Juan Pirlot de Corbion, a multiplié les initiatives depuis la création en 2010, pour imposer un modèle pluriel adapté aux attentes et aux préoccupations de la filière du Livre.
Le 13/09/2016 à 09:48 par Nicolas Gary
Publié le :
13/09/2016 à 09:48
Juan Pirlot de Corbion
« Entre 2014 et 2015, nous enregistrons une croissance significative de la création de comptes, avec 524.300 nouveaux utilisateurs inscrits sur 2016 contre 453.240 en 2015. Par ailleurs, YouScribe compte 235.550 nouveaux abonnés qui se sont inscrits cette année vs 154.637 l’an passé » explique le PDG de YouScribe.
En cumul, YouScribe aura enregistré 1.8 M créations de comptes. Cette tendance se vérifie également dans les variations du trafic : + 23 % en 2016 par rapport à 2015 ; sur les visites mensuelles : plus de 4 millions en moyenne mensuelle en 2016. « Nous avons également dépassé les 9,4 millions de pages vues en moyenne mensuelle cette année. On n’a jamais tant lu sur YouScribe (par exemple : avec le partenariat avec Le Figaro, L’Obs, le Parisien pour les sujets et les corrigés du bac, le site a enregistré un pic de 7 millions de visites rien qu’en juin 2016 et près de 100 000 personnes ont créé un compte pour avoir accès à la lecture) », explique Juan Pirlot de Corbion.
Le modèle numérique YouScribe est le plus diversifié dans le paysage français, car il dispose des documents en accès libre (1M environ) qui sont publiés par la communauté de ses utilisateurs le plus souvent, d’une offre de libraire avec la vente unitaire de la quasi-totalité des livres des éditeurs français et d’une formule d’abonnement en streaming, proposée à 8,99 € par mois.
Cette diversité fait penser à un modèle de bibliothèque. « Dans les usages, données que nous regardons en priorité, nous observons que, cette année, 76 % de nos abonnés ont lu au moins 40 % d’un ebook contre 62 % en 2015. Le taux d’usage sur le parc abonné de 2016 affiche une croissance de +63 % par rapport à 2015. La demande est là, les attentes sont fortes, car le modèle en streaming se généralise en situation de mobilité et nous nous efforçons d’y répondre au mieux. »
« On peut raisonnablement attendre une forte croissance encore dans les mois qui viennent, car le concept de bibliothèque numérique en streaming, très répandu dans la vidéo et la musique, commence seulement à se faire connaître dans le domaine de la lecture : le grand public n’a pas encore connaissance de cet usage possible, mais c’est en train de changer de façon manifeste », analyse le fondateur. Et l’essentiel est que ce modèle plaise, car il est simple et fluide.
Pour lui, le dénouement positif des interventions du Médiateur du Livre opéré en 2015 et en vigueur depuis quelques mois a joué un rôle de prise de conscience. De ce fait même, les offres (les catalogues) sont désormais en progression constante – Youscribe regroupe près de deux cents maisons d’édition, « car ces dernières y voient l’occasion de conquérir de nouveaux publics et d’obtenir des données d’usages ».
Toutefois, les nouveautés restent faiblement représentées dans l’offre actuelle. Les éditeurs ont tendance à s’inspirer de la chronologie des médias en cours dans d’autres secteurs pour permettre une régulation des offres entre le réseau de la librairie et celles des offres numériques innovantes, ce qui a depuis longtemps existé dans la profession comme cela a été le cas avec les clubs de livres par exemple.
La croissance de YouScribe provient essentiellement de ses accords en mode B to B to C (de la société à une autre société à un consommateur) destinés à des lecteurs plutôt jeunes, bien équipés en appareils mobiles et/ou qui sont éloignés de la Métropole et/ou qui ont pris l’habitude de préférer l’accès à la propriété.
Les usages, eux, suivent une étonnante tendance : les lecteurs lisent plus et plus souvent, au fur et à mesure du temps – un fait qui est très lié à l’amélioration de l’expérience utilisateur et à l’enrichissement des catalogues.
Youscribe décline un modèle économique diversifié : « Les souscriptions, mensuelles, annuelles ou journalières du B2C représentent 15 % de notre chiffre d’affaires. Le B2B – avec des opérateurs comme la SNCF, le Figaro, la BNP ou McDonald sont au cœur de l’activité et notre véritable priorité stratégique, avec 80 % du CA. Viennent ensuite les ventes de livres à l’acte, les revenus de services et la publicité, “une part faible”, et qui gardera un faible poids relatif, car la promesse utilisateur est celle d’une bibliothèque et non celle d’une librairie » reconnaît Juan Pirlot de Corbion.
Pour 2016, les priorités sont axées sur un renforcement de l’approche B2B2C, « avec les contributions financières des partenaires (Voyagistes, Bibliothèques, Transporteurs, Armées…). Plusieurs accords seront engagés dans ce sens avant la fin de l’année. L’offre de YouScribe est particulièrement adaptée pour les Institutions publiques et les entreprises privées qui cherchent à donner un accès à une bibliothèque numérique à leurs clients, usagers, salariés car la lecture est l’un des meilleurs moyens de comprendre le monde, de se former, d’évoluer professionnellement et d’enrichir ses connaissances. »
Ici, on parle davantage de diffuser des accès à une bibliothèque numérique que d’un abonnement. L’accès peut être conditionné à un billet de train, à l’appartenance à une entreprise, au statut d’étudiant…
Pour assurer la progression d’un catalogue attractif, focalisé sur le livre sous toutes ses formes, l’entreprise conservera un prix de souscription élevé et se déploiera vers les grands pays de la francophonie, où la distribution de livres en format papier est complexe, souvent limitée et coûteuse pour les éditeurs. « Notre stratégie reste ainsi orientée B to B to C destinée à des bassins de clientèle circonscrits. Le streaming est par ailleurs une solution idéale pour diffuser et protéger les œuvres dans l’environnement numérique et dans les régions éloignées », précise le PDG de YouScribe.
Le modèle économique de la solution de streaming de YouScribe se veut le plus transparent possible pour les éditeurs, les auteurs et les partenaires : 60 % de tous les revenus perçus sont reversés aux ayants droit en fonction des pages lues. Chaque page lue bénéficie de sa quote-part de rémunération, dès la première page lue par un utilisateur. C’est un peu comme si chaque livre bénéficiait d’une rémunération pour une lecture in situ ou un prêt dans une bibliothèque traditionnelle.
Et pour 2017, à l’intention des éditeurs, YouScribe apportera de nouvelles solutions de reporting, de plus en plus détaillées pour mieux partager les usages des lecteurs. Une meilleure compréhension des outils et des approches pour définir les catalogues les plus adaptés, en somme.
D’autre part, la société prévoit de nouveaux services, ainsi que de nouveaux produits, notamment pour améliorer le confort de lecture. Cela passera par des investissements technologiques de R&D. « Avec l’intégration de Readium, qui sera effectif en octobre 2016, nous recherchons systématiquement l’amélioration de notre système de lecture. L’an prochain marquera également l’arrivée d’une offre de livres audio ainsi que de catalogues en format EPUB3 », promet Juan Pirlot de Corbion.
Une offre complémentaire de presse professionnelle, limitée, en adéquation avec les attentes des lecteurs, pourrait faire son apparition.
En renforçant les animations éditoriales et les partenariats avec de grandes institutions, YouScribe souhaite faire la différence et démontrer à la filière que le développement de la lecture numérique en streaming est une bataille qui met en jeu un individu face à de multiples occasions qu’il a de passer son temps avec de la musique, des films, des jeux, de aussi la lecture, qui sont en compétition permanente.
YouScribe veut « contribuer à ce que la lecture puisse gagner davantage le temps d’attention limité de l’individu, ce temps que d’autres industries sont parvenues à capter avec succès ». La société prévoit de dépasser le cap de 10 M€ de chiffre d’affaires d’ici 3-4 ans.
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