L'association HF Île-de-France, qui travaille pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine des arts et de la culture, organise la 7e édition des Journées du Matrimoine les 18 et 19 septembre prochains. Avec 21 événements gratuits — soit 39 rendez-vous culturels, à Paris et en Île-de-France —, cette manifestation met à l'honneur des créatrices du passé, qui ont contribué à notre histoire culturelle. Parcours architecturaux, lectures, concerts, conférences, performances ou spectacles de théâtre sont au programme… Focus sur les femmes de lettres de cette nouvelle édition.
Le mouvement HF a été créé en 2009 à l’initiative de femmes et d’hommes travaillant dans le domaine du spectacle, de la radio et du cinéma. Son but est le repérage des inégalités entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture, la mobilisation contre les discriminations observées et l’évolution vers la parité.
Historiquement, le Matrimoine désigne l'héritage des biens culturels des femmes et la transmission de leurs oeuvres. S'il réapparaît de nos jours, le mot « matrimoine » a été retiré de la langue française au XVIIe siècle. Sa disparition a eu pour conséquence de faire tomber dans l'oubli les créatrices mais aussi leurs œuvres.
Construire un Matrimoine consiste à rendre à nouveau visibles les œuvres oubliées des femmes du passé en les intégrant à notre héritage global pour leur donner la place qu’elles auraient dû avoir si l’histoire ne s’était pas écrite au masculin. Ce Matrimoine retrouvé permet aussi aux jeunes générations de se projeter dans des carrières en ayant des modèles féminins, il montre que les femmes artistes ont toujours existé. Ces femmes ont été romancières, poétesses, musiciennes, compositrices-interprètes, cinéastes, créatrices, intellectuelles, artistes... À toutes les époques, elles ont fait avancer la cause féminine, joué un rôle dans l’histoire, et pourtant… oubliées pour certaines, effacées par une société patriarcale pour d’autres, que sait-on d’elles aujourd’hui ?
Pour la 7e édition des Journées du Matrimoine, HF Île-de-France a lancé un appel à projets ouvert à toutes les disciplines artistiques auprès d’associations, de structures artistiques et des collectifs HF pour donner lieu à des spectacles vivants inédits pour la plupart. Une vingtaine de propositions a été retenue mettant en lumière des compositrices, autrices, poétesses, architectes, chanteuses du passé.
La femme au petit renard — Violette LEDUC (1907-1972)
Cette écrivaine a cherché dans l'écriture et le style, des formes absolument novatrices, qui demeurent très modernes à la lecture. Son style est vivant, brut. D'autant que ses sujets, les histoires qu'elles racontent, si elles sont souvent violentes, sont toujours empreintes d'une délicatesse, d'une forme de lumière qui en font toute la qualité. Souvent vue comme une autrice « marginale », alors qu'elle raconte des penchants humains, qu'elle aborde des problématiques féminines telles que le mutisme, la dépendance affective, les rapports mères/filles, qui sont souvent omises dans la littérature ou considérées comme des sujets annexes. Elle est au-delà de la morale et nous questionne à l'endroit du sensible, non pas de l'idée ou de l'avis. C’est ainsi qu'elle affûte son regard sur la société. Elle est au-delà de l'idée, mais dans l'intelligence de la sensation.
Lecture/performance du texte La femme au petit renard : un texte assez court et très moderne, assez méconnu aussi, qui décrit une femme mendiante, en marge dans une ville, rongée par la faim, et qui trouve de l'affection auprès d'une fourrure de renard qu'elle a trouvé — inventant avec cet objet une relation d'amour, de compassion, de proximité, qui lui manque dans une ville inhumaine. Cette femme, qui n'a jamais pu s'intégrer à la société telle qu'elle va, a faim, et la pauvreté la ronge.
Ce texte regroupe des problématiques telles que la solitude, la pauvreté, le rêve d'amour et l'émancipation et résonne terriblement avec aujourd'hui. On y questionne la précarité, la liberté, la féminité. En effet, elle finit par transcender sa condition, en prenant conscience que la déchéance n'est pas là où elle pensait et que de toutes façons, « naître c'est déchoir » redonnant au "déclassement", sa noblesse, brisant le tabou de la honte. Plusieurs comédiennes d'âges différents incarneront cette femme. Ce texte résonne aussi bien, aujourd'hui, chez des jeunes femmes que des femmes plus âgées, le partage de cette parole laisse entrevoir encore une autre dimension du texte : l’universalité.
Samedi 18 septembre à 11h
Dimanche 19 septembre à 14h30
Cité Audacieuse 9, rue de Vaugirard 75006 Paris
Bergerie — Catherine DES ROCHES (1542-1587)
Catherine Des Roches, écrivaine prolifique et reconnue de la seconde moitié du XVIe siècle, que les modes et l'histoire ont injustement laissée dans l'oubli. Certains de ses textes ont récemment été exhumés par Anne Larsen aux éditions Droz, puis par Aurore Evain, Perry Gethner et Henriette Goldwyn dans le premier tome du Théâtre de femmes de l'Ancien Régime (éditions Classiques Garnier).
Catherine Des Roches est une autrice de Poitiers qui vécut et écrivit dans une grande complicité avec sa mère, Madeleine. Appréciée des cercles littéraires, elle composa des lettres, des poèmes, des chansons, des traductions, mais aussi des dialogues et des œuvres s'approchant du genre dramatique. La préoccupation de l'autonomie des femmes est au cœur des œuvres et de sa vie, résolument célibataire pour pouvoir se consacrer à ses écrits. Elle mourut de la peste la même année que sa mère, laissant des textes d'une grande variété, mêlant virtuosité, humour et quête d'émancipation.
Bergerie est une pastorale écrite vers 1580, mettant en scène des bergers et bergères épris d'amour et d'amitié. Catherine Des Roches profite de la légèreté du genre pour faire souffler un vent de liberté et d'émancipation dans l'esprit des personnages, dont chacun et chacune représente une facette du sentiment amoureux. De l'amour platonique à l'hédonisme libertaire, et des badineries à l'affirmation d'une sororité puissante, la pièce affirme aussi discrètement que profondément une envie de liberté des femmes, précieuse à son autrice. Cette pastorale s’inspirera des codes de représentation de l'époque, en faisant résonner à nouveau la vivacité taquine de la langue de Catherine Des Roches.
Une interaction avec le public directement permettra de le faire entrer au cœur de ce divertissement amoureux. La guitare et le chant redonneront leur saveur aux chansons qui se font de plus en plus présentes au fil de la pièce. Une parenthèse de fantaisie et de poésie, d'où émanerait une volonté d'égalité et de tendresse mutuelle, propres à nourrir le quotidien de tous et toutes.
Samedi 18 septembre à 12h, 14h, 16h
Dimanche 19 septembre à 12h, 14h, 16h
Hôtel de Ville, 5, rue de Lobau, 75004 Paris
Découverte de l’oeuvre de Julia Daudet — Julia DAUDET (1844-1940)
Née Allard, Julia Daudet est élevée dans une ambiance artistique et intellectuelle. Elle écrit très tôt des poèmes qu’elle publie à l’âge de 17 ans. En 1867, elle épouse Alphonse Daudet et commence à animer un célèbre salon littéraire. Renonçant à sa carrière pour s’associer à l’œuvre de son mari, elle collaborera tout de même à diverses revues et publiera une dizaine de recueils de poésies. Membre du jury du Prix Femina dès 1904, elle sera aussi nommée chevalière de la Légion d’Honneur en 1922.
Invitation à découvrir au sein même de la maison où elle vécut, la vie et l’œuvre de cette autrice qui ne fut pas seulement la femme de, mais bien une artiste à part entière. Anne-Simone Dufief, spécialiste d’Alphonse Daudet, qui a préfacé le recueil L’enfance d’une Parisienne de Julia Daudet, paru aux Éditions Talents Hauts, évoquera la vie et la carrière de cette autrice, au cours d’une visite de la maison. Des lectures des textes de Julia Daudet seront également données.
Samedi 18 septembre à 15h ; intervention de Anne-Simone Dufief et présentation du livre de Julia Daudet et de la collection Les Plumées par Laurence Faron, directrice des éditions Talents Hauts.
Dimanche 19 septembre à 17h ; lecture de textes sur l’enfance écrits par Alphonse et Julia Daudet et leurs enfants par la comédienne Mathilde Bost.
Maison Alphonse Daudet 33, rue Alphonse Daudet Champrosay 91210 Draveil
Les évaporées — Marie-Anne BARBIER (1664-1745), Catherine BERNARD (1662-1712), Anne-Marie DU BOCCAGE (1710-1802)
Marie-Anne Barbier, première femme à avoir fait une carrière de dramaturge professionnelle.
Catherine Bernard, première autrice dont la tragédie a été jouée à la Comédie-Française.
Anne-Marie Du Boccage dont l’épopée Les Amazones fit grand bruit et démontra qu’il n’y avait pas de registre spécifiquement féminin.
Trois autrices du matrimoine tiennent entre leurs mains la charte égalité rédigée en mars 2021 par la « commission autrices » des États Généraux des Écrivaines et Écrivains de Théâtre. Elles la scrutent, la commentent, se questionnent, au-delà des siècles qui nous séparent, sur les obstacles auxquels elles ont dû faire face. Elles nous livrent leurs stratégies pour contourner les interdits et donnent, au passage, quelques conseils aux autrices d’aujourd’hui pour établir l’égalité avec les auteurs. L’occasion toute trouvée pour entendre quelques extraits de leurs pièces
Samedi 18 septembre à 16h
Dimanche 19 septembre à 16h
Cité Audacieuse 9, rue de Vaugirard 75006 Paris
Benoîte Groult, La mère morte, Spéculum #2, En chair et en os… — Benoîte GROULT (1920-2016)
Cette journaliste, romancière et militante féministe française, cultive, dès l'enfance, le goût de l'écriture mais c'est à l'âge mûr qu'elle se lance sur la scène littéraire. Sa vie et son œuvre font d'elle un témoin privilégié des bouleversements sociaux dans les rapports entre hommes et femmes qui ont marqué le XXe siècle. Son féminisme, déclaré tardivement lui aussi, est une clé de lecture essentielle de son parcours, un identifiant de sa personnalité. Elle est alors la première à dénoncer publiquement les mutilations génitales féminines. Elle publie en 1986 pour la première fois l'intégralité de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne de 1791, rédigée par Olympe de Gouges.
Cette femme féministe et militante évoque de nombreux sujets sérieux et drôles. Dans Spéculum # 2, En chair et en os, est abordée la question de la mort. Lecture de certains passages de l’ouvrage de sa fille, Blandine de Caunes, qui nous livre un recueil époustouflant d’amour sur le départ de Benoîte Groult, sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer. Blandine de Caunes aborde aussi le deuil d’une manière doublement tragique, celui de sa fille Violette décédée à 36 ans. Cette mise en voix est la douleur de perdre sa mère et sa fille certes, mais est avant tout la transmission de femmes. La représentation s’achèvera en joie et en musique féminine par Mia Delmae.
Samedi 18 septembre à 16h30
Bibliothèque Benoîte Groult 25, rue du Commandant René Mouchotte 75014 Paris
Être (dans) la nature
Cécile Sauvage est considérée comme la poétesse de la maternité.
Cécile Perin, membre des Poètes du divan, elle est la seule femme admise dans cette assemblée.
Lucie Delarue-Mardrus est une poétesse mais aussi journaliste, romancière, sculptrice, dessinatrice et historienne.
Anna de Noailles, poétesse et romancière, elle est la première femme élevée au grade de commandeur de la Légion d'honneur.
Gérard d’Houville, est le pseudonyme d’homme de Marie de Heredia, poétesse et dramaturge française.
George Sand, l’une des femmes de lettres les plus prolifiques de sa génération, prend la défense des femmes, prône la passion, fustige le mariage et lutte contre les préjugés d'une société conservatrice.
Marceline Desbordes-Valmore mène d’abord une carrière théâtrale avant de se consacrer à la poésie.
Ondine Valmore, cette poétesse et femme de lettres est la fille de Marceline Desbordes-Valmore.
Emily Dickinson, poétesse américaine auteur de 1.800 poèmes dont 12 seulement ont été publiés de son vivant.
Germaine Tailleferre, cette compositrice française est membre du Groupe des Six.
Voici l’occasion de (re)découvrir l’intérêt et la valeur de la production poétique de quelques autrices phares d’avant notre siècle et entendre des extraits de l’œuvre musicale de la Dame des Six. Les femmes poètes révèlent ici une relation essentielle, charnelle et spirituelle à la nature ; elles sont les magiciennes qui ouvrent en chacun de nous des espaces de résonnance, éveillent souvenirs et sens, réactivent quelques liens intimes - parfois mis en veille, à la nature. Les spectateurs seront disposés en cercle. La poésie se déploiera dans ce cercle d’écoute créé par tous. La comédienne donne vie, corps et voix, aux différentes écritures qui s’entrecroisent, surgissent pour se répondre et/ou s’entrechoquer, créent un univers bruissant et ressourçant. Les poèmes rencontrent la musique composée, mais pas seulement : à partir de sons issus de la nature nous créerons un univers sonore singulier et émouvant.
Samedi 18 septembre à 17h
Hôtel de Massa (SDGL) - 38, rue Saint Jacques 75014 Paris
Dimanche 19 septembre à 16h
Salle des Fêtes Familiales 1, allée de la Forêt 77185 Lognes (RER A – Parcours fléché)
Les hommes — Charlotte DELBO (1913-1985)
Charlotte Delbo est écrivaine et dramaturge. On lui doit notamment la retranscription des cours de Louis Jouvet, dont elle est l'assistante avant la Seconde Guerre Mondiale. Elle est arrêtée chez elle pour faits de résistance, avec son mari, en mars 1942. D'abord internée à la prison de la Santé, elle passe ensuite un an au fort de Romainville, avant d'être déportée vers Auschwitz dans un convoi de 230 femmes, le seul convoi de déportées politiques françaises.
Son œuvre, constituée de récits et de pièces de théâtre, se fonde sur ces deux expériences de vie : la lutte politique et la déportation. Grande figure de la Résistance, aux côtés de Germaine Tillion et Marie Claude Vaillant-Couturier, son écriture rend compte de l'événement concentrationnaire, et en particulier celui de l'enfermement collectif et déshumanisant de ces femmes, dont elle se fait le témoin et le porte-voix. Elle montre leurs luttes, leurs espoirs et leurs rencontres, dans une forme qu'elle cherche à rendre résolument sensible et poétique.
Dans cette perspective, Les Hommes, pièce en deux actes, écrite en 1978, se veut à la fois œuvre mémorielle, politique et littéraire. Au fort de Romainville, les résistantes prisonnières attendent la déportation. Pour passer le temps et tromper l'angoisse, elles décident de monter une pièce du répertoire, Un Caprice de Musset. Chacune prend son rôle, en fonction de ses capacités d'avant-guerre : Françoise à la mise en scène, Cécile aux costumes, Renée aux décors... Mais le théâtre suffit-il au réconfort en ces temps troublés ?
Les Hommes est une pièce au titre paradoxal puisqu’elle met exclusivement en scène des femmes. Des femmes telles qu’on n’en voit pas dans la littérature classique, dominée par un regard masculin, des femmes résistantes, combattantes, indépendantes. Des femmes qui nous racontent leur rapport au monde, leurs solidarités, leurs peurs et leurs luttes. Le choix de ce titre souligne le renversement du point de vue littéraire universel masculin et des imaginaires de la lutte. Ce n’est plus le masculin qui l’emporte, les hommes n’étant plus pour ces femmes que l’horizon vacillant de l’espoir.
Samedi 18 septembre à 18h
Dimanche 19 septembre à 11h
Cité Audacieuse 9, rue de Vaugirard 75006 Paris
Constance de Salm, pionnière de la chanson à texte — Constance DE SALM (1767-1845)
Injustement oubliée aujourd’hui, Constance de Salm est une femme de lettres, poétesse, autrice qui, entre autres, a écrit des chansons. Elle était très célèbre en son temps grâce à l’immense succès d’une chanson intitulée Bouton de Rose, publiée en 1785 dans l’Almanach des Muses. Cette chanson, qu’elle a écrite adolescente, est bien plus qu’une simple romance car elle aborde des thèmes encore tabous de nos jours.
Conférence chantée sur Constance de Salm et plus particulièrement sur ses chansons. Elle sera accompagnée d'un diaporama et illustrée de quelques mélodies au violon. L'importance de Constance de Salm dans l'histoire des arts n’est pas des moindres. Surnommée la Muse de la Raison par ses contemporains, elle s’impose dans son œuvre en femme libre et affranchie. Ses écrits questionnent avec talent les relations hommes-femmes à une époque où la place d’une femme dans l’art ne pouvait tout au plus qu’être celle d'une « muse ».
Dimanche 19 septembre à 15h
La Maison Baschet, 29, rue Contant 93220-Gagny (RER E : Gagny Direction : Chelles)
Commenter cet article