Le genre post-apocalyptique désigne une histoire se déroulant suite à une catastrophe ayant manqué de raser l’entièreté de l’humanité. On suit le plus souvent des survivants égarés dans un monde hostile, à la recherche d’une humanité perdue. Affilié à la SF et aux romans d’anticipation, les œuvres "post-apo" ont toujours su cristalliser les plus grandes peurs de l’humanité : crainte de la fureur divine, d’une annihilation nucléaire, d’une épidémie mortelle… Mais après 2020 on risque de ne plus être impressionnés par grand-chose.
icheinfach CC 0
L’année avait pourtant commencé en douceur. En janvier après l’offensive américaine en Iran, naïf et innocent nous pouvions parler de troisième guerre mondiale et d’extinction de masse un verre à la main, dans des cafés ou dans des bars encore ouverts. Février fut certes un peu plus rude, les incendies géants qui ravagèrent l’Australie nous rappelaient jour après jour l’urgence climatique et la fragilité de notre mode de vie.
Mais c’est avec la venue du printemps que 2020 a réalisé son plein potentiel, le Covid-19 devenant la catastrophe incontestée, détrônant d’office la venue du pollen et le rhume des foins.
Aujourd’hui les invasions de criquets qui submergent l’Afrique de l’Est et les flammes qui lèchent sans doute en ce moment même les réacteurs de Tchernobyl font office de détails. Ceux qui survivront à ces 365 jours infernaux seront revenus de tout et risquent de n’être plus aussi sensibles aux malheurs des rescapés fictifs : voici trois romans post apocalyptiques que vous, survivant aguerri, ne pourrez plus lire de la même façon.
Une épidémie née au sein d’un village chinois, des mesures de confinement drastiques, la maladie qui se propage inexorablement aidée par l’incompétence des politiques et le comportement irresponsable de certains… L’univers de Word War Z, si l’on omet le détail que représentent les zombies, semble aujourd’hui proche du nôtre. Max Brooks à choisi de raconter cette histoire à travers une série de témoignages recueillis par son personnage, un représentant de l’ONU, qui cherche à sauvegarder la mémoire des survivants de ces années terribles.
Ces chroniques vous plongent dans la réalité glaçante de femmes, d’hommes et même d’enfants qui ont parfois vécu l’horreur absolue. Armé de son nouveau savoir de survivant, le lecteur risque cependant d’être moins marqué par l’ouvrage qu’il n’aurait pu l’être avant cette année. On ne peut plus ainsi plonger dans WWZ sans remarquer qu’aucune page n’est consacrée à la pénurie de papier toilette, première conséquence directe, nous le savons désormais, d’une pandémie sur les citoyens. Autrefois cette œuvre frappait par son réalisme et son sens du détail. Ce point crucial, jamais évoqué, portera un coup définitif à la crédibilité de l’univers proposé. (Le livre de poche, trad. Patrick Imbert)
Le quotidien de Malorie, notre héroïne, n’est pas toujours facile. Elle élève ses deux enfants seule, barricadée chez elle sans lumière du jour. Dehors rôdent des créatures étranges, qui ont la désagréable habitude de rendre folle et de pousser au suicide toute personne qui les apercevrait. S’aventurer hors des murs est donc exceptionnel et doit se faire les yeux bandés. Après quatre années cloitrée, sans voir personne, à sortir uniquement pour de la nourriture, Malorie craque et décide de partir dans une tentative désespérée de trouver d’autres survivants. Elle devra se frayer un chemin à l’aveugle dans un monde hostile, ses deux enfants encordés derrière elle.
Ce cheminement dans le noir amenait autrefois une tension de tous les instants et provoquait chez les lecteurs un sentiment d’angoisse presque claustrophobique. Habitué aux allées étroites des supermarchés, masque sur la bouche, où le client malpoli, créature infernale peut surgir d’un rayon et vous heurter à tout instant, le citoyen risque de ne trouver dans sa lecture qu’une pâle copie de son quotidien. Pire encore, comment s’attacher à un personnage aussi incivil, qui brise aussi rapidement les règles d’un confinement imposé à toute la population. (Livre de poche, trad. Sébastien Guillo)
Un père et son fils, que l’auteur ne nommera jamais autrement que « l’homme » et « le petit » errent dans un monde désolé, leurs maigres possessions rassemblées tant bien que mal dans un chariot de supermarché et des sacs à dos. À défaut d’espoir ou d’objectif précis, ils suivent « la route » en direction du Sud. Le froid, la faim et la solitude pèsent sur eux en permanence et les quelques survivants qu’ils croiseront sur la route ne seront pas d’une grande aide. Marquées à jamais par la catastrophe, courbées par la peur ou bien cannibales et agressives, les silhouettes qui hantent le roman sont à peine humaines.
Dire que le chemin de croix goudronné que suivent nos deux héros est long et difficile relèverait de l’euphémisme. L’œuvre de Cormac McCarthy avec son ton laconique et son monde crépusculaire bouleversera le lecteur par sa noirceur. Si vous voulez être touchés par un roman post-apocalyptique malgré votre expérience en survie, on ne peut que vous le conseiller. Mais dépêchez-vous, tâchons de ne pas oublier que nous ne sommes qu’au tiers de l’année, 2020 nous réserve sans doute bien des surprises. (Points, trad. par François Hirsch)
De manière générale beaucoup d’écrivains vont sans doute devoir adapter leur prochain roman aux évènements de cette année. C’est déjà le cas de Stephen King qui comptait ancrer son prochain recueil de nouvelles en 2020 et qui a dû remanier son intrigue pour placer son action en 2019 et ainsi autoriser ses personnages à partir en croisière.
Par Gariépy Raphaël
Contact : rg@actualitte.com
Paru le 03/11/2010
535 pages
LGF/Le Livre de Poche
8,90 €
Paru le 18/11/2015
382 pages
LGF/Le Livre de Poche
7,40 €
Paru le 07/05/2009
251 pages
Points
7,00 €
3 Commentaires
Sophie
23/04/2020 à 11:00
Bonjour,
On pourrait ajouter à cette liste "Malevil", de Robert Merle, "L'année du lion", de Deon Meyer, "Ravage", de Barjavel...
Mr-Butterfly
23/04/2020 à 11:06
Pensant attaquer un polar, j'ai commencé à lire "L'année du Lion" de Deon Meyer et j'ai été très surpris quand je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'un roman post apocalyptique dans lequel 95 % la population meurt d'une fièvre due à un coronavirus !...Eh bien il est passionnant, bien écrit et impossible à lâcher même en cette période de Covid 19.
Jujube
24/04/2020 à 00:01
Que des lecteurs privilégient des romans "postapo" (pause ta peau?) en pleine pandémie de covid-19 m'épate vraiment. Que recherchent-ils? Leur petite bouffée maso quotidienne? Une bonne grosse dose de frousse additionnelle? Une histoire plus abominable que la leur et dont la fin glisse vers l'horreur? Un vade-mecum pour pallier l'angoisse et la maladie?
On voit des choses étranges aux temps de virus.
En d'autres temps aussi d'ailleurs!