En comprenant mieux l’univers capitaliste dans lequel nous évoluons, il est à la fois possible d’étendre de façon astucieuse sa surface financière tout en réduisant ses dépenses, avec une vision plus juste de la gestion d’un budget.
Le 02/05/2024 à 09:26 par Victor De Sepausy
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02/05/2024 à 09:26
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Gérer le budget d’une famille peut s’apparenter, sur de nombreux points, à la gestion d’une petite entreprise. Il y a des sources de revenus, souvent diverses, et des dépenses multiples. Certaines paraissent incompressibles quand d’autres peuvent constituer des variables d’ajustement. Il peut apparaître aussi nécessaire d’épargner en fonction d’objectifs futurs, mais aussi de mettre en place des stratégies d’investissement plus ou moins offensives selon les problématiques auxquelles on doit faire face. Penser au financement des études de ses enfants quand ces derniers sont encore au primaire est aussi une bonne façon de faire preuve de prévoyance et d’anticipation. Ce sont là des qualités requises également lorsqu’il s’agit de gérer une entreprise.
La question, comme pour l’Etat actuellement, est aussi celle de l’endettement juste. A quel moment est-il opportun de faire appel à de l’endettement dans un ménage ? Est-ce uniquement une possibilité en cas d’investissement dans le logement ? Ou peut-on recourir à l’emprunt dans d’autres situations ? On dit généralement qu’il ne faut surtout pas recourir à des prêts pour assurer des dépenses de fonctionnement. Mais, dans les autres cas, recourir à un prêt, en faisant appel à des établissements spécialisés comme ici est une pratique courante. Cela va de la voiture à financer aux études des enfants quand il s’agit par exemple de parcours particulièrement sélectifs. On peut être sûr d’avoir un retour sur investissement, ce qui justifie la dépense importante.
Milton Friedman et la théorie du revenu permanent
Pour gérer efficacement ses finances, il est toujours pertinent de connaître quelques-unes des grandes théories d’économie présentées ces dernières années et qui ont donné lieu à la publication d’ouvrages ayant connu d’importants succès. On peut ainsi faire appel aux idées développées par Milton Friedman, et notamment son concept de revenu permanent. Cette théorie postule que les consommateurs basent leur consommation non pas sur leur revenu actuel, mais sur leur revenu permanent, c'est-à-dire la moyenne de leurs revenus passés et futurs. Ainsi, pour adopter une gestion saine de ses finances, un ménage devrait prendre en compte ses perspectives de revenus à long terme et lisser sa consommation dans le temps.
Né en 1912 aux Etats-Unis, Milton Friedman a fortement marqué l’histoire récente de l’économie, en publiant notamment Capitalisme et liberté en 1962, puis en intervenant à la télévision dans une série d’émissions intitulées Free tot Choose. La pensée libérale de Friedman a eu un retentissement très important à partir des années 80, aux Etats-Unis, en conseillant le président américain Richard Nixon, mais aussi, de façon bien plus controversée, au Chili, avec les fameux Chicago Boys. Ce terme a fini par désigner des étudiants chiliens venus se former à Chicago dans les années 70, notamment auprès de Friedman.
Franco Modigliani et le cycle de vie
Une théorie qui peut intervenir de façon complémentaire à celle de Friedman, est celle du cycle de vie. Selon ce principe, les individus cherchent à répartir leur consommation de manière optimale tout au long de leur vie. Durant leur vie active, ils épargnent en prévision de leur retraite, puis dépensent leurs économies une fois à la retraite. Pour appliquer cette théorie, les ménages doivent anticiper leurs besoins futurs et adapter leur épargne en conséquence. Les ouvrages de Midigliani sont essentiellement disponibles en anglais, ainsi de Capital Markets, son titre le plus célèbre.
Développée par l’économiste italo-américain Franco Modigliani (disparu en 2003), cette théorie vient mettre en lumière la situation patrimoniale des individus selon leur âge. Ainsi, l’enfant, s’il n’a pas de moyens en tant que tels, contribue cependant à influencer certains achats de ses parents. Devenu adolescent, il développe des besoins qui lui sont propres, et cherche souvent à suivre des modes. Quand on entre dans la vie active, on peut consommer, en contractant notamment des dettes, mais aussi se constituer une épargne, qui pourra être mise à contribution plus tard. Enfin, lorsqu’on arrive à la retraite, on cherche souvent à détenir un patrimoine plus liquide, pour assurer des besoins en financement qui peuvent être plus ou moins importants, selon la situation de ses enfants, mais aussi selon sa santé.
Les finances du ménage et la théorie keynésienne :
John Maynard Keynes soutenait que la consommation est principalement déterminée par le revenu disponible. Ainsi, pour améliorer leur situation financière, les ménages devraient chercher à augmenter leur revenu, par exemple en investissant dans leur formation ou en négociant une augmentation de salaire. Finalement, la vision de Keynes est assez simple : si vous considérez que vous avez besoin de davantage de fonds pour assurer votre quotidien, mais aussi vos investissements, il est nécessaire de mettre en œuvre des stratégies pour mieux gagner sa vie.
Rentrer dans un parcours de formation pour élever son niveau de qualification, et donc sa valeur sur le marché du travail, est un principe souvent payant. Quand on est employé du public, on peut par exemple préparer des concours pour passer dans une catégorie de rémunération supérieure. Une dernière solution reste de chercher à garder son poste, mais à développer la pratique des heures supplémentaires, ou, de façon plus radicale, prendre un second travail, comme cela se fait beaucoup aux Etats-Unis. Pour entrer dans l’œuvre de Keynes, on peut faire un tour du côté des éditions Ellipses, avec Introduction à la pensée de Keynes (2019, 336 pages) de Giuseppe Pagano, ou alors directement s’emparer de sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (Payot, 2017, 496 pages, 26.40 €).
La théorie du revenu relatif :
Cette théorie, développée par James Duesenberry, affirme que les individus comparent leur niveau de consommation à celui de leurs pairs. Ainsi, les ménages peuvent être incités à dépenser davantage pour maintenir leur statut social. Pour éviter ce piège, il est important de se fixer des objectifs de consommation personnels et de résister à la pression sociale. L’économiste américain est allé théoriser un principe que l’on a vu par le passé fortement contribuer à ruiner la noblesse française, prise dans une frénésie de dépenses de représentation au XVIIe siècle et XVIIIe siècle. Si l’on n'avait pas le dernier carrosse, ou la dernière tenue d’apparat, on était parfaitement « has been ». Résultat, des sommes folles peuvent partir en fumée.
Parfois appelés en français « effet de démonstration », ou encore « effet d’imitation », les principes établis par Duesenberry sont en réalité vieux comme le monde. On a notamment tendance à ressentir très fortement les décalages de moyens au regard des gens qui nous sont proches, que ce soit les amis, la famille ou les voisins. Qu’il y ait des personnes très riches, à partir du moment où l’on croise rarement leur route, le problème existe assez faiblement dans notre esprit.
Si le voisin construit une piscine, gardez à l’esprit que c’est votre liberté de ne pas vouloir en construire une un peu plus grande, histoire de lui montrer que la pelouse est résolument plus verte de l’autre côté de la clôture ! Il en va de même lorsqu’il décide de changer de voiture pour passer dans une gamme plus premium. Inutile de revendre votre vieux tacot pour chercher à rivaliser dans de telles dépenses ostentatoires. Contentez-vous plutôt d’investir dans un nouveau rosier. Il durera certainement plus longtemps que la dernière voiture du voisin…
La théorie de la préférence pour la liquidité :
Keynes a également développé cette théorie, selon laquelle les individus préfèrent détenir des actifs liquides (comme l'argent) plutôt que des actifs moins liquides (comme les actions ou l'immobilier). Pour gérer efficacement leurs finances, les ménages doivent donc trouver un équilibre entre la détention d'actifs liquides pour faire face aux imprévus, et l'investissement dans des actifs moins liquides mais potentiellement plus rentables. On pourra notamment aller faire un tour du côté de son Traité sur la monnaie qui est disponible en français de façon récente.
Il faut encore tenir compte du fait que cette rentabilité des actifs est très variable selon le moment où l’on investit, selon l’endroit où sont détenus les actifs, et selon la façon dont on finance ces investissements. C’est sans doute pour toutes ces raisons qu’il est important de se documenter de façon approfondie avant de passer à l’action en matière de finances personnelles. Et les grandes théories économiques peuvent avoir leur intérêt pour la gestion de sommes qui peuvent pourtant paraître dérisoires au premier abord.
Crédits illustration Pexels CC 0
Par Victor De Sepausy
Contact : vds@actualitte.com
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