2013 est l'année zéro de l'édition numérique en France. J'y vais, parce que je sais que c'est le bon moment. J'ai l'esprit pionnier et comme tout pionnier qui se respecte, je ne resterai sans doute jamais dans l'Histoire, je ne marquerai pas mon temps, je ne ferai que survivre avec mes écrits, mais je serai allé là où je pense qu'une majorité de mes écrits devaient être diffusés. D'autres écrivains ont franchi le pas avec le même élan, mais aussi pour pallier l'étouffant étau que peut constituer l'édition papier pour un scribouillard libre. Il faut ajouter qu'il faut vendre cinq à six fois moins d'exemplaires en numérique pour gagner autant de droit qu'en format papier.
Le 04/06/2013 à 14:40 par Léonel Houssam
Publié le :
04/06/2013 à 14:40
Pour ce dernier, les droits d'auteur ne dépassent que rarement les 6-7% contre 20 à 40% pour le format numérique (le prix de vente étant beaucoup plus bas sous ce dernier format). Car je parle bien de parution à compte d'éditeur et non d'auteur. Éditeur est un métier à part entière. Les écrivains, selon moi, ne doivent pas succomber à la tentation de l'autoédition même si la technologie semble faciliter cette démarche.
Soumettre son texte à un tiers, un professionnel, relève de la lucidité quant à sa création. Les passionnés d'écriture –affreuse comme géniale- pourront continuer à diffuser via leurs blogs (ce que je fais dans mon labo d'écriture en ligne sous licence Creative Commons), mais je suis assez halluciné par la réussite des plateformes d'autoédition et autres attrape-nilgauts de ce genre. L'éditeur (numérique ou non) est une sorte de dénicheur, de sélectionneur, un correcteur, un interlocuteur et chargé de la diffusion et de la commercialisation de l'ouvrage.
Tout le monde n'a pas les moyens, le temps et la patience de supporter la sueur
Chacun son métier et celui d'éditeur est d'une complexité et d'une technicité qui ne s'improvisent pas. Un écrivain « déjanté », « décalé » comme moi n'a ni l'esprit d'un businessman ni celui d'un technicien de la langue. Il lui faut un allié, mais aussi un « critique maison », et cet allié, ce critique, c'est l'éditeur. Or, rares sont ceux qui font bien leur travail. En France et en Belgique (ce que je connais), des maisons numériques comme Publie.net et Numeriklivres sont sérieuses, professionnelles, pionnières. ONLIT en Belgique fait aussi ce travail, avec une optique légèrement différente. Mais ces avant-gardistes du genre semblent être partis un peu avant le départ effectif du secteur et cherchent actuellement à se caler sur la course folle qui s'engage depuis quelques mois.
Certains affirment que le livre numérique tue des métiers comme celui d'imprimeur ou de libraire. Mais stop avec ce discours ! L'imprimerie a été largement laminée depuis des années par la mondialisation. Quant aux libraires dits « indépendants », ils ont toujours été précieux, mais rares et localisés dans les centres urbanisés ou quelques villages ou villes moyennes. Mais en banlieue, aucune trace de ce type de commerçants. Les gros libraires tels que la FNAC ont été les seuls présents dans les centres commerciaux hideux des villes champignons. Pour acheter une rareté, un roman, un recueil d'un auteur pointu, il faut compter le prix du livre, le billet de train.
Tout le monde n'a pas les moyens, le temps et la patience de supporter la sueur, l'atmosphère glauque des transports en commun ou l'asphyxiante ambiance des bouchons routiers pour acquérir le sésame littéraire. Internet le permet ainsi que les bibliothèques municipales, lorsqu'on leur en donne encore les moyens. Je rappelle également que ce ne sont pas les ouvrages littéraires qui font vivre ces professions, mais plutôt les livres techniques, scolaires, de loisirs, etc.
Le refus du livre numérique est pour moi le fruit d'un auto-conditionnement
Bien sûr les lecteurs habituels invoqueront leur préférence pour le papier, leur attachement à l'objet autant qu'au contenu. Cependant, ceux qui s'opposent au livre numérique lisent des tas d'articles affreux en ligne, des fiches techniques, des commentaires, des textes courts, etc. Le refus du livre numérique est pour moi le fruit d'un auto-conditionnement et un vrai travers consumériste où l'acheteur ne peut apprécier sa Danette si elle n'est pas dans son pot, avec son étiquette, et son opercule à retirer.
Mais pour l'écrivain, l'important est de taper directement dans l'esprit du lecteur et de se libérer des chaînes commerciales ainsi que des pillards que sont souvent les intermédiaires comme les diffuseurs/distributeurs et un certain nombre de libraires et d'éditeurs qui cannibalisent les auteurs... Le livre est ainsi constamment disponible dans les « rayons » des librairies virtuelles alors qu'en moyenne, un livre ne reste en rayon que trois mois (au mieux six mois pour un écrivain à petite notoriété) dans une librairie de type « espace culturel Leclerc », FNAC et même la librairie-papeterie de Madame Dudule qui « n'aime pas trop les auteurs comme ce Vérol, trop violent, trop choquant, ça plaira pas à ma clientèle » (rapporté par des dizaines de mes lecteurs, ou entendu en live).
Le seul salut pour celui qui écrit et se voit « choisi » par Dieu-l'Editeur, c'est de réussir un coup commercial qu'il ne peut ni anticiper, ni maîtriser, ni vraiment évaluer. Les petits éditeurs papier sont actuellement dans une mauvaise passe et n'ont pas les moyens de risquer un tirage de mille exemplaires d'un livre « décalé » et donc en difficulté pour rencontrer un public dans la jungle dense de la littérature et surtout le diktat des diffuseurs.
Il fallait continuer à proposer des écrits courts et longs aux lecteurs
Je ne cherche pas à convaincre. Je fais un constat et je fais un choix. Le format papier n'est pas banni, bien au contraire. Comme indiqué ci-dessus, le livre papier reste une valeur sûre, un plus pour la lecture de certains formats. Je lui réserve des romans longs ainsi que d'autres travaux en cours. Mais j'ouvre aussi une nouvelle phase de mon parcours avec deux éditeurs numériques que j'ai rencontrés après moult péripéties, recherches, projets sabordés et phases d'épuisement avancé. Il fallait continuer à proposer des écrits courts et longs aux lecteurs avec une exigence que seuls des éditeurs sérieux pouvaient assurer. Les éditions La Matière Noire et L'Ivre-Book ont deux démarches différentes. Elles répondent pourtant à deux voies que j'emprunte depuis toujours : les écrits poétiques et noirs et les récits courts et expérimentaux.
Nous lançons donc deux ouvrages : le premier est une longue nouvelle au titre de « Seconde Chance » éditée par La Matière Noire. Le second est « Planning», édité par L'Ivre-Book est un texte dévoilant mes nuits et mes jours à une cadence rapide inaugurant une collection appelée « Les Sur-Intégrales de Andy Vérol ». Voilà une nouvelle phase pour les écrivains qui nous permettra de renouer avec l'esprit dadaïste, permettant aux poètes, aux détraqués des mots, des tocards de la « basse littérature », d'expérimenter, d'être lus, de se répandre et parfois d'emmerder l'ordre littéraire établi depuis l'industrialisation du livre. L'édition numérique permet également de remettre le feuilleton littéraire au goût du jour.
Le livre papier a de beaux jours devant lui.
Je ne me leurre pas. L'avenir appartiendra toujours aux escrocs, aux démagos, aux lèche-culs et aux têtes de gondole merchandiseurs ! Ceux qui s'opposent au « système » sont souvent absorbés, « récupérés » (comme on disait auparavant), ils sont les gens « à la marge » qui servent à le renforcer. Je n'entre donc pas du tout en résistance contre qui que ce soit, je décide d'ouvrir l'horizon, de diversifier mes collaborations et en rien considérer que le progrès technologique doit passer devant la qualité littéraire. Le livre papier a de beaux jours devant lui.
Le livre numérique n'est pas l'ennemi du premier, il n'est pas un concurrent (sauf pour les gros éditeurs et quelques « réacs » du livre), il est un peu ce que fut le cinéma pour le théâtre en d'autres temps. Les deux modes de construction du livre feront toujours naître des projets minables, commercialement miraculeux dans certains cas, et d'autres géniaux, plus intimistes, des échecs, des œuvres éclatantes et des navets littéraires dans d'autres cas. Je ne joue pas l'un contre l'autre, je choisis les deux et j'irai là où ma liberté, du moins la sensation d'écrire ce que je veux, sera la plus grande.
Pour les actualités de ces deux éditeurs, mais aussi pour vous procurer « Seconde chance » et « Planning » qui paraîtront le 24 juin 2013:
La Matière Noire : http://lamatierenoire.net/
Par Léonel Houssam
Contact : contact@actualitte.com
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