Milan Kundera, né le 1er avril 1929 à Brno (Moravie, République tchèque), s'est éteint à Paris ce mardi 11 juillet, à 94 ans. Exilé en France depuis 1975, il est l’auteur d'essais, pièces de théâtre, nouvelles et romans, dont le plus célèbre reste L’insoutenable légèreté de l’être (Gallimard, 1984). Une carrière d'autant plus marquante qu'elle est intimement liée à l’histoire et à la géopolitique du XXe siècle.
Le 12/07/2023 à 16:24 par Julie Mahé
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Publié le :
12/07/2023 à 16:24
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Milan Kundera, issu d’une famille de l’élite cultivée de la république indépendante, étudie à Prague et devient assistant en littérature. Il s'inscrit parallèlement à l’Académie du cinéma de la capitale, où il découvre les fondamentaux de la réalisation et de l'écriture de scénario.
En février 1948, âgé de 29 ans, il assiste au renversement du gouvernement de la République de Tchécoslovaquie, le « Coup de Prague », par le Parti communiste du pays. Jusqu'en 1989, il sera désormais désigné comme la République tchécoslovaque socialiste.
Influencé par l’intelligentsia, Milan Kundera intègre le parti communiste peu de temps avant ce coup d'État. Il en est exclu une première fois, pour des raisons toujours inconnues. Au milieu des années 1950, il réintègre le parti, et se met à son service en tant qu’auteur-propagandiste.
Il publie deux recueils de poésie lyrique (L’Homme ce vaste jardin, en 1953, et Monologues, en 1957, non traduits), ainsi qu’un grand poème épique dédié à un communiste exécuté par les nazis, le résistant tchèque Julius Fucik (Dernier Mai, 1955, non traduit). Son travail lui vaut plusieurs prix officiels, et divers avantages.
Il publie en 1967 son premier roman, La Plaisanterie. Au moment de la parution du livre en France en 1968, Louis Aragon y lit « une œuvre majeure », rappelle Le Figaro. Kundera y évoque la confrontation à la fois dramatique et comique entre la vie intime de l'individu et la fiction d'une idéologie collective, en particulier le communisme stalinien. Sans surprise, cette parution marque son éloignement de la ligne du Parti communiste.
Nous avons compris depuis longtemps qu'il n'était plus possible de renverser ce monde, ni de le remodeler, ni d'arrêter sa malheureuse course en avant. Il n'y avait qu'une seule résistance possible : ne pas le prendre au sérieux...
- La Fête de l'insignifiance, Milan Kundera, 2014
Pièce créée en 1963, Les Propriétaires des clés connaît un grand succès à sa parution en livre, en 1969 en France (Gallimard). Le thème de l'emprise politique et de la résistance à celle-ci y est central, en mettant en parallèle l'occupation allemande et la situation tchèque en 1963, mais Kundera le mêle à une situation initiale burlesque, la perte d'un trousseau de clés.
Avant son exil à l'étranger, il publie en 1969 La vie est ailleurs. Traduit en français en 1973 (Éditions Gallimard), il reçoit la même année le Prix Médicis étranger. En 1970, la rupture avec la ligne communiste est consommée et Kundera est exclu de l'organisation politique, accusé d'en contester les décisions.
En 1975, il s’exile en France avec son épouse Véra Hrabankova, pour y séjourner pendant « 730 jours » d'après la législation française alors en vigueur. En 1981, il obtient la nationalité française et, à partir de 1985, se choisit une « seconde première » langue, le français. Elle devient alors la langue de référence pour traduire ces ouvrages.
À LIRE - “Tout le tragique du XXe siècle se lit sur le visage” de Milan Kundera
Une fois sa maîtrise du français terminé, il corrige la traduction de plusieurs de ses ouvrages. Il continue d’écrire, en français désormais, et revient notamment sur son passé de communiste. En 1978, il achève Le Livre du rire et de l'oubli, publié en 1979. Il y dénonce l’idéologie à travers des thèmes comme l'oubli ou l'idéal d'une société communiste, mais cette fois d'un point de vue externe, « de l'Ouest ».
En France, son roman le plus connu est L’insoutenable légèreté de l’être publiée en 1984. Philip Kaufman et Jean-Claude Carrière ont réalisé son adaptation cinématographique en 1988.
Ses livres sont publiés dans le monde entier, et abordent des thématiques récurrentes dont la disparition, la dérision (Risibles amours en 1970, La Valse aux adieux en 1976) ou encore la nostalgie (L’Ignorance en 2003, Le Rideau en 2005).
Dessin de Milan Kundera, 1975 (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
En 2011, son oeuvre entre dans la Pléiade, consécration du travail de toute une vie : détail qui n'en est pas un, particulièrement symbolique, il est le premier auteur à accéder à cette publication de son vivant.
Milan Kundera a été récompensé à de nombreuses reprises, du Grand Prix de littérature de l'Académie française (2001) au prix mondial Cino Del Duca (2009) en passant par celui de la Bibliothèque nationale de France (2012).
Son succès lui a notamment permis de retrouver sa nationalité en 2019, perdue en 1979 en raison de ses prises de position contraires à la ligne politique du parti communiste, alors au pouvoir en Tchécoslovaquie.
Milan Kundera, qui n’a pas eu de descendance biologique, a cependant de nombreux héritiers en littérature, dont le Polonais Marek Bienczyk, le Français Patrick Chamoiseau, le Britannique Adam Thirlwell, le Grec Lakis Proguidis ou encore l'Italien Massimo Rizzante, énumère Martine Boyer-Weinmann, professeure en littérature française à l'université Lyon-II, dans Le Monde. L'aura européenne de son oeuvre est ainsi significative.
Milan Kundera avait choisi la France pour ne jamais cesser d’être libre. Au fil des pages, il nous aidait à découvrir qui l’on est, à trouver un chemin dans l’absurdité du monde. Avec lui, une des plus grandes voix de la littérature européenne s’éteint.
- Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture
C’est d’ailleurs en Italie que parut d’abord ce qui reste le dernier roman de Kundera, La Fête de l’insignifiance, sorti en France en 2014.
La chaine de télévision tchèque ČT24 a annoncé la disparition de l'auteur, qui s'était retiré de la scène médiatique et littéraire depuis plusieurs années.
Photographie : Milan Kundera, dans les années 1980 (Elisa Cabot, CC BY SA 2.0)
Par Julie Mahé
Contact : jm@actualitte.com
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2 Commentaires
KitelJ
13/07/2023 à 14:27
Si on ne peut connaître M Kundera, qui doit-on connaître donc?
Marie
13/07/2023 à 17:40
Pensées pour ceux qui l'aimaient. Impossible d'aller au bout de la lecture de "L'insoutenable légèreté de l'être" (trop jeune?) à sa parution. A présent il faudrait l'envie...Je retiens, tout en me demandant comment faire, "ne pas prendre le monde au sérieux, faute de pouvoir le remodeler ou le changer"