« Ce n’est pas seulement la vie de Louis XIV qu’on prétend écrire ; on se propose un plus grand objet. On veut essayer de peindre à la postérité, non les actions d’un seul homme, mais l’esprit des hommes dans le siècle le plus éclairé qui fut jamais. » C’est en ces termes que Voltaire introduit le premier chapitre de son livre, Le Siècle de Louis XIV publié en 1751 en deux tomes à Berlin, chez Henning. Quelque deux cent soixante-quatre ans plus tard, sous la direction de Jean-Christian Petitfils, les éditions Perrin publient de nouveau un livre intitulé Le Siècle de Louis XIV. Ce 1er septembre, nous commémorons le tricentenaire du décès de ce grand roi.
Vous ne pouvez l’ignorer, tous les médias en parlent, des dossiers spéciaux dans nos magazines aux émissions de TV et radios ; depuis plus d’une semaine, Louis XIV est partout.
À peine quarante ans après la mort du Roi Soleil, Voltaire publiait donc ce que nous pourrions appeler la somme des savoirs concernant le règne de Louis XIV. D’une qualité littéraire non discutable, ce livre renferme cependant de nombreuses inexactitudes, sans parler de quelques légendes que Voltaire contribua à propager comme sa vision de l’histoire du masque de fer.
Si de nombreux historiens se sont penchés sur la vie de ce grand monarque ainsi que sur les grands échecs et réussites de son règne, il manquait, depuis Voltaire, une grande rétrospective traitant certes de l’homme, mais surtout de la société française de cette époque.
Jean-Christian Petitfils a su s’entourer des plus grands spécialistes pour faire un tour d’horizon exhaustif de la France au XVIIe siècle : son roi, son royaume, son gouvernement, sa cour, ses croyances, sa relation avec les autres pays européens, sa culture, tout est étudié et analysé avec rigueur.
Louis XIV est né le 5 septembre 1638 dans le château neuf (aujourd’hui disparu) de Saint-Germain-en-Laye. Naissance inespérée vu l’entente quelque peu tendue qui régnait entre Louis XIII et Anne d’Autriche. Pour tout vous dire, si sur le moment la paternité du roi n’est pas remise en cause, dès 1692 on fait planer le doute (à des fins politiques ça va sans dire) – au mépris de la chronologie – tant le fils ressemble peu au père et tant la mère était notoirement connue pour être plus attirée par les charmes du duc de Buckingham et plus tard par ceux de Mazarin.
Les toutes premières années du roi semblent plutôt se passer sereinement, mais à partir de ses neuf ans, le ciel s’assombrit. En 1647, il est atteint de la variole qui laisse envisager le pire et à peine est-il remis qu’il va devoir affronter les épisodes de la Fronde qui s’étendra de 1648 à 1649 (Fronde parlementaire) puis de 1650 à 1651 (Fronde des princes).
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Contrairement aux idées reçues, et largement répandues par ce cher duc de Saint-Simon, Louis XIV, malgré ces périodes mouvementées, a reçu une éducation des plus satisfaisantes : latin, droit, histoire, italien, espagnol, musique, danse, équitation et j’en passe… sans compter l’école de la vie. On le dit « vif et intelligent, doté d’une bonne mémoire. »
Faut-il revenir sur les amours du roi ? Eh bien oui ! Jean-Paul Desprat remet les pendules à l’heure. Louis XIV ne fut certes pas un époux fidèle, et vous retrouverez la liste de toutes ses maîtresses (connues) dans le chapitre consacré à ses idylles, mais il ne délaissât pour autant jamais sa femme, « Ils s’aimaient pour être persuadés l’un et l’autre que c’était le dessein de Dieu de les avoir mis ensemble. » Et à l’époque on ne badine pas avec ces choses-là… enfin… et puis Louis rejoignait sa femme toutes les nuits là où les maîtresses ne pouvaient aspirer qu’à en profiter l’après-midi ! Ah c’est beau, l’amour !
Louis XIV, par ses enseignants : "vif et intelligent, doté d’une bonne mémoire. "
D’ailleurs à en croire son agenda, il ne devait pas prendre beaucoup de temps pour converser avec ses belles, jugez plutôt : 8 h 30, cérémonies du lever ; 10 h, messe ; 11 h, conseil ; 13 h, dîner ; 15 h, chasse ou promenade ; 19 h, soirée d’appartement ou divertissement en plein air selon la météo ; 22 h, souper et 23 h 30, cérémonies du coucher.
Il s’agit là d’une idée de ses journées vers 1701, certes il était déjà un brin âgé et il est fort à parier que lorsqu’il avait la trentaine ses journées étaient autrement plus dynamiques, mais admettez qu’avec un agenda comme ça, si Louis aimait les femmes, elles ne risquaient pas de prendre le dessus sur son métier de roi. À propos de ce planning rigoureux, Saint-Simon disait « Avec un almanach et une montre, on pouvait, à trois cents lieues de lui, dire avec justesse ce qu’il faisait. » C’est un peu caricatural, mais assez bien vu, pour une fois.
La vraie valeur ajoutée de ce livre réside dans l’étude de la société française au temps de Louis XIV. L’action accrue des pouvoirs publics, le rôle des intendants dans la gestion et la protection des provinces et la baisse des impôts, au moins jusqu’en 1700, feront que le peuple aura une bonne opinion de son roi.
Jean-Pierre Poussou nous parle de l’agriculture, des spécialités par région, de la prédominance dans le nord de la culture céréalière « destinée à assurer le pain quotidien dont la place est primordiale dans l’alimentation. », mais également de la vigne et de l’élevage. Nous appréhendons également les faiblesses de cette agriculture qui est extrêmement dépendante du climat, du mauvais état des voies de circulation et du trop grand nombre de petits exploitants qui rendent compliquée la mise en place de changements globaux.
La crise de 1693/94, liée à un hiver 93 que l’on qualifiera de mini âge-glacière et les mauvaises récoltes qui s’en suivront, verra mourir 2.836.000 personnes, soit environ 12 % de la population.
ActuaLitté CC BY SA 2.0
Il semble alors évident que la France, bien que très riche en hommes et en terres, était en retard dans bien des domaines. Elle ne tire « pas parti de ses possibilités commerciales et industrielles, elle perdait ainsi la “guerre de l’argent ‘». Si la politique extérieure menée par Colbert ressemble de prime abord à un échec, sa politique intérieure va être plus réussie. Ainsi petit à petit, il va y avoir une amélioration des voies de communication, qu'elles soient terrestres ou fluviales. De nombreux canaux vont être créés dont le canal du Midi en 1681. La création de nombreuses manufactures comme les tapisseries des Gobelins, les glaces à la vénitienne à Saint-Gobain et bien d’autres vont permettre d’accroître la compétitivité de la France face aux autres puissances européennes.
"une merveilleuse radioscopie d’une époque qui a marqué l’histoire de France"
Mais les efforts de l’état ne sont pas les seuls à devoir être mis en avant. Ainsi, malgré les famines, la révocation de l’édit de Nantes et le départ de négociants, artisans et ouvriers protestants, les Français vont faire preuve d’innovation et de dynamisme concernant l’exploitation des vignes, par exemple, avec la création du champagne mousseux ou la mise en place dans le bordelais de vins de garde qui préfigureront les futurs grands crus.
Si les guerres coûtaient certes beaucoup en vies humaines, elles procuraient aussi de nombreux emplois puisqu’il fallait alors acheter du bois, des produits métallurgiques, des vivres pour les soldats, sans oublier du tissu pour les uniformes, etc.
Cette volonté de Colbert d’accroître la productivité du pays, si elle met du temps à faire sentir ces effets, ne sera pas pour rien dans « la brillante croissance économique du XVIIIe siècle. » Ce livre est une merveilleuse radioscopie d’une époque qui a marqué l’histoire de France. Il met aussi en avant les erreurs du règne avec, pour ne citer que cela, la révocation de l’édit de Nantes en 1685 qui ne contenta personne et excita un peu plus l’Europe contre la France.
Le royaume en guerre est également décortiqué. Entre les envies de gloire du jeune roi Louis XIV, des désirs d’expansion et de fortification du territoire et le casse-tête des attributions de couronnes que cela concerne l’Espagne ou le Saint-Empire romain germanique, la France fut en guerre trente-trois ans sur cinquante-quatre de règne personnel. Louis XIV pouvait bien conseiller à son successeur de ne pas aimer la guerre autant que lui pour le bien des peuples…
Ce remarquable travail mené par des historiens reconnus est une vraie mine d’informations, bien que, mais faute avouée, faute à demi pardonnée, on regrette le peu de place accordée au roi artiste et au roi mécène qui est pourtant la facette la plus importante qu’il ait laissée à la postérité. Mais comme le dit Jean-Christian Petitfils « traiter des arts et des lettres aurait nécessité un volume entier. » Comme lui nous recommanderons donc en complément Louis XIV artiste de Philippe Beaussant publié chez Payot & Rivages.
Louis XIV n’a jamais dit « L’État c’est moi », « Sur son lit de mort, le 26 août 1715, il s’adressa une dernière fois aux courtisans rassemblés dans la chambre, le marquis de Dangeau rapportant ses paroles, d’un sens opposé à celles qu’on lui prêta faussement : “Je m’en vais, mais l’État demeurera toujours.” (Louis XIV, vérités et légendes, Jean-François Solnon, Éd. Perrin, 2015) »
Louis XIV ne souhaitait qu’accroître le rayonnement de la France à travers la chrétienté et de fait Versailles rayonne toujours puisque le château est l’un des monuments les plus visités au monde. Il y a 300 ans, le plus grand roi que la France et l’Europe aient jamais porté (et donc à l’époque le monde) mourait !
1 Commentaire
Octowood
26/11/2020 à 14:31
bonsoir,
Je me présente je suis "octowood" (pseudo obligatoire sur internet), je viens en paix sans contexte particulier notable, cependant, je me dois de vous dire les différents défauts de votre site internet.
En effet, je n'ai put m'empêcher de rester une journée entière sur votre site tant la qualité était exceptionnel, pour autant, j'aimerai pointer dans votre espace commentaire les défauts (potentiels) associés à celui là.
Tout d'abord, :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake: :snake:
Voilà.