Les éditions Grasset viennent de sortir dans leur fameuse collection « Les Cahiers Rouges », Marie-Antoinette… racontée par ceux qui l’ont connue. Qui sont-ils ? Des courtisans, des ministres, des amis…
La baronne d’Oberkirch, tout d’abord, qui à travers ses Mémoires sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789 donna de précieux renseignements sur la reine. Madame Vigée Le Brun, peintre officielle de Marie-Antoinette et amie ; le duc de Croÿ qui nous raconte, dans son Journal, les magnificences du mariage du dauphin, futur Louis XVI avec la dauphine ; Madame Campan, première femme de chambre de Marie-Antoinette ; la fidèle duchesse de Tourzel qui était avec le couple lors de leur tentative de fuite, et d’autres encore.
Kimberly Vardeman, CC BY 2.0
De nombreux mauvais procès ont été faits à Marie-Antoinette. L’appeler « l’Autrichienne » d’abord, comme on la surnommait pendant la Révolution Française. Elle était l’arrière-arrière-petite-fille de Louis XIII. Les monarques qui ont gouverné la France étaient, certes consanguins, pour la plupart, mais européens avant l’heure. La mère de Louis XVI était Marie-Josèphe de Saxe, une Allemande, celle de Louis XIV, une Espagnole… Comme me disait, il n’y a guère, un ami proche, « les chats n’ont pas le monopole des généalogies troubles ».
On lui a reproché ses fréquentations. Arthur Chevallier, qui a réalisé et préfacé cette anthologie, nous le dit : « Ses proches ont une responsabilité dans sa mauvaise réputation. Elle détestait les vieilles dames de la cour et s’entourait de jeunes gens beaux, frivoles et sympathiques ». Mais est-ce un crime que de vouloir s’entourer de jeunes gens quand on est jeune soi-même. La jeunesse a toujours agacé les plus anciens, c’est toujours et encore le cas.
Est-il encore besoin de réhabiliter cette reine ? De nombreuses biographies s’en sont déjà chargées. Il n’en reste pas moins intéressant, pour ne pas dire passionnant, de lire ce que l’on en pensait d’elle alors.
Que nous disent-ils ? Qu’elle était plus gracieuse que belle. Blonde aux yeux bleus, pleine de vie, elle charmait toutes les personnes qui croisaient son chemin. Mariée à 15 ans au dauphin, d’un an son aîné. Le futur Louis XVI était mal dégrossi, timide et gauche avec les femmes, il ne ressemblait en rien aux deux monarques précédents.
Ils sont sacrés Roi et Reine de France en 1774, elle a 19 ans, lui 20 et n’ont toujours pas consommé leur mariage. Ce n’est que dans « les derniers mois de 1777 », comme le raconte Mme Campan dans ses Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette, que le mariage sera consommé, soit sept ans après leur mariage (la cause était liée à une malformation des organes génitaux de Louis XVI, qu’il ne fera donc opérer qu’au bout de sept longues années… pas pressé le garçon).
Résumons, arrivée à 15 ans dans un pays qu’elle ne connaît pas, loin de sa famille, de ses amis. Mariée à un jeune homme maladroit qui essaiera pendant sept ans d’en faire sa femme et vivant dans un palais où la rigueur du cérémonial ne laisse que peut de place à l’improvisation… et l’on devrait réellement s’étonner qu’elle recherche la compagnie de jeunes gens avec lesquels elle puisse s’amuser ? Parmi ces jeunes gens, se trouvaient, entre autres, Mme de Polignac, dont nous vous avons parlé cet été, Mme de Lamballe, le Prince de Ligne et puis le fameux Comte Fersen. Amants supposés (chacun se fera son opinion sur le fait qu’il y ait eu relation sexuelle ou non) mais sans aucun doute amoureux, deux lettres « qui n’ont jamais été publiées en volume » avant, nous le prouvent, si l’en était encore besoin.
Marie-Antoinette avait un goût très prononcé pour la musique, la baronne d’Oberkirch nous apprend, toujours dans ses Mémoires, qu’elle était « fort bonne musicienne et élève du chevalier Gluck ». Elle aimait aussi le théâtre, elle jouait elle-même la comédie avec le frère du roi, le comte d’Artois, avec qui elle s’entendait merveilleusement. Elle se rendait fréquemment à Paris pour voir jouer des pièces ou aller à l’Opéra. Cependant, tout en aimant les arts, nous ne pouvons pas dire qu’elle fût très clairvoyante sur le potentiel de certaines pièces, en effet, d’après Mme Campan, elle trouva Le Mariage de Figaro, de Beaumarchais, « mal conçue et dénuée d’intérêt ». Pour sa défense, la monarchie y est assez mal traitée, par ailleurs, d’aucuns considèrent cette pièce comme l’un des premiers actes de la Révolution française… peu surprenant, en reconsidérant la chose, qu’elle ne la goûta guère.
Parmi les nombreux reproches qui lui ont été faits, figure celui de son ingérence dans les affaires du royaume et il semblerait, cette fois-ci, qu’elle aurait effectivement mieux fait de ne s’intéresser qu’à ses toilettes. S’il a été prouvé qu’elle correspondait avec sa famille pendant les heures sombres de sa vie, dans l’espoir d’une aide finalement assez légitime, il s’avère également, comme l’écrit le baron de Besenval dans ses Mémoires, que Louis XVI avait du mal à remettre sa femme à sa place. Ainsi quand elle avait une idée en tête elle finissait, semble-t-il, par arriver à ses fins. Elle réussira à faire évincer de duc d’Aiguillon même si, comme le dit le baron, « elle ne parvint cependant à son but qu’au bout de six semaines ». Il en sera de même pour Necker avec les résultats que l’on sait pour la suite des événements.
Bien sûr, la fameuse Affaire du Collier est très longuement relatée dans cette anthologie. Nous ne reviendrons pas dessus, nombreux sont ceux qui, historiens ou romanciers, se sont emparés de cette histoire rocambolesque où la réalité a de maintes fois dépassé la fiction. Et bien qu’elle soit complètement innocente, cette histoire finira de discréditer la reine aux yeux de peuple.
Les 5 et 6 octobre 1789 furent les jours où les Parisiennes allèrent chercher le roi et la reine (« le boulanger, la boulangère et le petit mitron ») pour les ramener à Paris et ainsi ne plus manquer de pain, croyaient-elles. Désormais logés aux Tuileries, un premier projet de fuite se profile mais sans le roi. Jacques-Mathieu Augeard, marquis de Buzancy, nous rapporte qu’après bien des préparatifs, la reine renonça finalement à son projet en déclarant : « Toute réflexion faite, je ne partirai pas : mon devoir est de mourir aux pieds du roi. » La jeune femme éprise de liberté est devenue une reine forte et somme toute assez lucide sur ce qui se passe, ainsi après avoir accepté les termes de la Constitution dira-t-elle : « Nous succomberons à leur tactique perfide, mais très bien suivie ; ils démolissent la monarchie pierre par pierre. »
La suite est bien connue, la fuite et l’arrestation à Varennes, l’assaut des Tuileries le 10 août 1792, la prison du Temple, la mort de Louis XVI, la Conciergerie, son procès, dont on retrouve ici les comptes rendus, et le réquisitoire qui se conclut sur une condamnation à mort le 16 octobre 1793 : « À midi, étant arrivée sur la place de la Révolution, elle devint beaucoup plus pâle qu’elle n’avait été jusqu’alors ; elle monta ensuite sur l’échafaud avec assez de courage : après sa mort, l’exécuteur montra sa tête au peuple, au milieu des cris mille fois répétés de vive la république. »
Par Audrey Le Roy
Contact : aleroy94@gmail.com
Paru le 02/11/2016
286 pages
Grasset & Fasquelle
9,80 €
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