« Le devoir de qui aime les hommes est peut-être de faire rire de la vérité », écrivait Umberto Eco dans Le nom de la rose. Cette citation résume bien la démarche de Priscille Lamure, dont les Drôles d’histoires, cabinet de curiosités historiques et déjantées est le premier ouvrage (Éditions du Trésor).
Le 07/11/2018 à 08:44 par Justine Souque
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Publié le :
07/11/2018 à 08:44
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Ancienne danseuse ayant repris ses études en médiation culturelle à 24 ans, elle tient depuis trois ans le blog Savoirs d’Histoire, dont 15 articles pittoresques ont été choisis pour une édition papier. Bloggeuse, et désormais autrice, Priscille Lamure nous parle du numérique et de l’objet livre : deux formats de transmission des connaissances, deux espaces d’écriture qui ouvrent la voie vers tous les possibles.
Écrire des articles sur des anecdotes historiques via un blog permet une grande liberté, mais implique aussi une rigueur implacable : « J’écris sur les sujets que je veux, nous confie Priscille Lamure. Parfois des internautes ne comprennent pas mes choix, comme celui d’aborder le thème de la poupée érotique, mais j’assume tous mes articles. En revanche, je m’impose une méthodologie draconienne, car je traite de sujets en lien avec notre patrimoine, et, à la moindre erreur, Internet ne t’épargne pas : les commentaires vont immédiatement pointer le détail incomplet ou inexact. »
C’est pourquoi Priscille Lamure s’appuie autant que possible sur des sources authentiques qui ont été numérisées et peuvent être consultées sur Gallica, Bibliothèque numérique de la BnF. Un travail de recherche scrupuleux, selon les règles de l’art, qui a retenu l’attention de Retronews puisque, depuis 2017, Priscille Lamure contribue aux publications du site de presse de la BnF.
Les sources citées dans son blog sont d’ailleurs le point de départ de ses rédactions. La blogueuse et autrice passe « des journées entières à tenter de dénicher la perle rare parmi les archives et les manuscrits ». Elle ajoute : « Je le fais avec passion, la quête est aussi exaltante que la découverte. » Chasseuse de trésors infatigable, Priscille Lamure partage avec enthousiasme son butin de petites merveilles. Enfin, pas si petites, si on en croit le calibre des pénis égyptiens dévoilé sans pudeur dans le papyrus pornographique de Turin ! Et en feuilletant l’ouvrage, on se rend très vite compte de son appétence pour les sources insolites...
Priscille Lamure déclare « Avec mon éditeur, on a choisi ensemble les articles que je voulais réunir. Il n’y a pas de fil conducteur thématique. Je raconte des histoires qui dénotent de la grande Histoire enseignée, et j’embarque mes lecteurs, qui suivent seulement un ordre chronologique. C’est une exploration à travers le temps et l’espace de sujets étonnants, et pour lesquels j’ai nourri une certaine affection, car je les connais par cœur. »
En passant du blog au livre, le voyage est cependant moins grisant : on ne promène plus à travers les archives et manuscrits grâce aux hyperliens (il est tout de même plus sympathique de voir le papyrus de Turin en entier !), et le lecteur peut ressentir une certaine frustration en constatant l’absence d’illustrations en couleur. En bref, étonnamment, avec la matérialité du livre, nous perdons celle des archives, qu'il est en revanche possible d'approcher grâce au numérique.
Toutefois, l’objet livre permet une lecture plus fluide, et le plaisir de troquer la lumière bleue de l’écran contre le toucher du papier [et l’odeur aussi... Note fétichiste de la rédactrice]. Pour Priscille Lamure, c’est aussi la fierté de voir le fruit de son travail concrétisé : « Je ne pensais pas être éditée un jour et plusieurs maisons m’ont contactée. J’ai choisi les Éditions du Trésor pour l’esthétique de leurs couvertures, avec la typo dorée sur fond mat, et leur mise en avant des histoires de femmes. Quand le livre a été publié, j’ai aussi bien aimé le décalage humoristique de la couverture avec, sur le portrait de Charlotte-Élisabeth de Bavière, une bulle de BD et des idéogrammes de jurons. Ça illustre parfaitement le caractère fort et atypique des personnages historiques que j’apprécie. »
Sur le blog Savoirs d’Histoire, c’est l’oralité et l’humour du style qui ont séduit l’éditeur. « Le travail de correction a été rapide. Les articles ont plu tels quels. J’ai néanmoins atténué le ton propre au blog en supprimant par exemple la première personne du singulier, et j’ai apporté des améliorations », confie Priscille Lamure. Mais dans le blog comme dans le livre, les écrits restent volontairement comme en suspension, sans conclusion qui donnerait un éclairage plus personnel au propos.
« Je n’ai pas besoin de donner mon avis. Toutes ces histoires parlent d’elles-mêmes, elles témoignent des aventures épatantes qui ont eu lieu partout, à toutes les époques. Par exemple, je n’ai pas un discours féministe, mais je raconte la vie de Jeanne de Belleville. Pour moi, ça a plus d’impact, j’ouvre le débat et je laisse les gens réfléchir. »
Et c’est sans doute cette manière décomplexée de raconter l’anecdotique qui permet à Priscille Lamure de toucher une large communauté, malgré des articles longs et fournis : « Quand tu scrolles, tu n’en vois pas la fin ! Mais je ne veux pas raccourcir mes textes. Pour moi le blog est un format exigeant, où j’approfondis au maximum mes sujets. » Une densité qui change des formats courts que l’on peut retrouver sur les chaînes de vulgarisation YouTube.
Mais profondément attachée à l’écrit, Priscille Lamure ne désire pas, pour le moment, s’orienter vers la vidéo : « Je suis consciente que lorsque l’on se plonge dans l’un de mes articles, on ne peut pas faire autre chose en même temps. C’est pourquoi je suis d’autant plus surprise de constater qu’avec mon blog, je touche aussi les 18-25 ans, qui lisent et partagent, sachant qu’ils n’ont pas tous fait des études. » Preuve que le numérique peut aussi être au service d’une lecture lente et attentive.
Les abonnés de Priscille Lamure représente la grande majorité du lectorat : « Sur Savoirs d’Histoire, j’ai environ 25 000 abonnés, et quand je poste un article, ça fait dans les 6000 vues le jour où je publie, puis, beaucoup plus. D’après les statistiques, le plus grand nombre de vues (100.000), c’était pour Le pénitentiel de Worms sur la sexualité au Moyen-âge. Afin d’augmenter ma visibilité, je partage mes contenus et interagis avec les internautes grâce aux réseaux sociaux. Mes recherches, la rédaction, et la communication sont très chronophages. Quand j’ai songé à tout arrêter, c’est vraiment le soutien de ma communauté qui m’a incité à continuer. »
Une bienveillance qui vient aussi de professeur.e.s et de directeurs.trices d’institutions culturelles, surtout sur Tipeee. Et entre blogueurs, quel soutien ? « Les Gallicanautes sont très soudés. On est tous des passionnés, on échange sur nos méthodes de travail et on se félicite quand on trouve un document inédit ! »
Si les abonnés de Savoirs d’Histoire réclament un tome 2, avec ce premier ouvrage, Priscille Lamure espère que de nouveaux lecteurs suivront son blog. La promotion de l’ouvrage est ainsi une grande première pour la jeune autrice, qui aimerait rencontrer davantage son public et, pourquoi pas, profitant de l’oralité de son écriture, lire plus d’extraits en librairie. Petit avant-goût, Priscille Lamure s’étant prêtée à la lecture à voix haute à l’occasion de notre article (les coulisses de cet enregistrement ne seront pas dévoilées ici !).
La publication de ce livre est un plongeon dans le monde de l’édition. L’autrice souhaiterait, pour la suite, publier des romans historiques et humoristiques : « Avec la fiction, je peux vraiment m’amuser, avoir plus de liberté, même si le fond est historique. Il y a d’ailleurs 4 fictions sur mon blog, 4 épisodes qui peuvent se lire indépendamment, et toujours avec des liens vers les archives qui sollicitent le lecteur, comme dans la collection Le livre dont vous êtes le héros. Mais grâce à Drôles d’histoires, je vais pouvoir me rendre compte si mon style plaît, continuer d’apprendre et avancer. »
Par Justine Souque
Contact : justine.souque@gmail.com
1 Commentaire
Marie
24/09/2019 à 09:04
rencontrer davantage son public et