Un nouvel Astérix, c’est une fin d’année heureuse pour Hachette Livre, et l’assurance d’écouler au cours des prochaines semaines plus d’un million et demi d’albums — un classique. L’Iris blanc apporte un véritable vent de fraîcheur, tout en installant le lecteur dans une paire de confortables chaussons. L’arrivée de Fabcaro bouscule bien des choses et Conrad à son contact semble émancipé. Alors, grand cru ?
Le 26/10/2023 à 15:46 par Nicolas Gary
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Publié le :
26/10/2023 à 15:46
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Les troupes de César n’ont plus le moral : les légionnaires rechignent à combattre et préfèrent un bon papyrus avec une infusion de laurier au fracas des armes. Torpillé, Jules confie au médecin-chef de ses armées le soin de remettre en quinconce — quoique cette stratégie fut peu utilisée par les troupes de Jules à l’époque (la vraie).
Vicévertus, inspiré de BHL et de Villepin, fondateur de l’école de L’iris blanc (vivement celle du Micro d’argent) obtient de partir à Babaorum, pour expérimenter ses concepts et préceptes sur les soldats : la pensée positive, ou l’art de partir en guerre, sourire aux lèvres. Dans la foulée, le tribun militaire expérimente une méthode au sein même du village gaulois pour « tempérer un peu leur agressivité ».
Et ça marche : les belliqueux fidèles de Bélénos troquent leur sale caractère pour les phrases de sagesse qui fleurent bon la manipulation mentale. Regonfler le moral des troupes romaines d’un côté, saper les fondements de la société gauloise de l’autre : le plan machiavélique se déroule. Avec, en prime, une Bonemine, femme du chef Abraracourcix, littéralement envoûtée par les paroles de Vicévertus : l’entreprise de séduction et de retournement de cerveau fonctionnera au point qu’elle se confie, avouant son regret profond de n’avoir pas vécu à Lutèce, comme son frère (voir Les Lauriers de César, FARPAITEMENT !).
Tout aurait fonctionné sans Astérix, futé comme toujours, qui parvient à faire sortir le médecin-chef de ses gonds : calme, luxe et volupté, certes, mais ne poussons pas mémé dans les orties. Le plan s’adaptera alors de manière fulgurante : embarquer, de son plein gré, Bonemine dans un voyage vers Lutèce, pour la livrer à César. Sous l’emprise du philosophe bonimenteur, elle ne laissera qu’un mot gravé dans le marbre à son mari de chef, lequel s’effondrera de tristesse. Ni une, ni deux, Astérix et Obélix montent à la capitale, en compagnie d’un Abraracourcix qui affiche une tête de déterré ronchon.
L’album réveillera sans aucun doute quelques souvenirs de lecture des précédents ouvrages. Outre les références directes, comme celle du frère de Bonemine, Homéopatix, on en devine d’autres dans la structure narrative peu subtile, mais ô combien rassurante. D’abord, le recours à des personnages déjà apparus permet de rassurer le lecteur.
Ensuite, l’histoire présente de très belles similitudes avec Le Devin — on change l’imposture divinatoire par un gourou du bien-être : les mêmes causes provoquant les mêmes effets, c’est encore Bonemine qui trinque. Ce fil-là tient carrément de la corde à nœuds. De même, l’expédition du trio Astérix, Obélix, Abraracourcix rappelle évidemment Le Bouclier arverne qui les avait menés en Auvergne, là où tout le monde connaît Gergovie, mais jamais personne n’a entendu parler d’Alésia…
En somme, c’est confortable, rassurant, comme un bol de chocolat chaud ou une madeleine, selon les goûts de chacun. Le lecteur amateur s’y retrouvera, avec plaisir ou pas du reste, mais ces grosses ficelles servent avant tout à faire passer une modernité étonnante chez Astérix.
Nul ne l’a oublié, Astérix chez les Pictes, le premier volume qu’avaient cosigné Jean-Yves Ferri au scénario, et déjà Didier Conrad pour les dessins, ressuscitait le héros aux jaunes moustaches dont la douceur donne envie de chanter ses louanges (pensée positive inside). Ce 35e tome renouait avec le dessin d’Uderzo au plus proche de ce que l’auteur avait laissé d’héritage graphique, mais surtout, ne dépassait pas d’un cheveu ni d’un poil de tresse.
Au fil du temps, une parution tous les deux ans, du merchandising et des produits dérivés pour patienter : une forme de routine s’était installée. Tout était là, le goût, l’odeur, mais on stagnait dans un Astérix s’enlisant jusqu’à ce 39e opus, définitivement manqué. Sans apport de sang neuf, on avait bien les ingrédients, mais ça manquait de vie. Autant dire que dans ce 40e volume Fabcaro fait littéralement péter la baraque.
Entre la profusion de calembours généreusement distribués comme des baffes d’Obélix à des soldats romains et les fulgurances scénaristiques, Astérix revit. Mieux : il renaît, pour de bon. Notons par exemple l’apparition du Char à Grande Vitesse, propulsé par la Société Nouvelle des Chars et du Foin et déjà on biche. Laquelle, comme son héritière moderne, accuse et cumule les retards, pour des raisons parfois fantasques (fantastiques ? que dire de cette chute de plusieurs châtaignes sur l’un des chevaux qui ralentit encore le convoi…).
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Certes, le scénario reprend des trames de précédents livres, mais la complexité de l’intrigue diffère radicalement de tout ce que l’on avait pu connaître. La comparaison avec Goscinny n’aurait aucun sens : ici, Fabcaro s’approprie l’univers et délivre son Astérix, puisant dans des ressorts et rebondissements multiples de quoi donner une véritable énergie.
Et s’étonnerait-on que, porté par ce vent de nouveauté, le dessin de Conrad s’affirme nettement plus, en introduisant des expressions de visages ou des postures de personnages que l’on n’avait pas l’habitude de voir sous le trait d’Uderzo. Si le mimétisme d’avec des derniers tomes demeure, L’Iris blanc affiche une liberté des expressions que l’on ne trouvait pas dans les autres tomes.
Mention toute particulière à la mine déconfite d’Abraracourcix page 30 : sur quatre cases, il tire une tronche d’enterrement, sans aucune variation, dans une méthode qu’affectionne un certain… Fabcaro (cf Zaï Zaï Zaï Zaï, pour plonger plus loin dans l’absurde et le comique du principe). Bonemine elle aussi, véritable héroïne de cet album, a un visage qui reflète des sentiments plus complexes, plus profonds. Certains faciès auraient presque une touche cartoon, grossissant l’effet pour un ressort comique plus marqué.
Une aventure plus construite, truffée de péripéties, un pari audacieux : ce 40e épisode s’offre aussi le luxe d’un coup de griffe contre les Lutéciens, ces futurs Parisiens prétentieux, imbus et méprisants vis-à-vis de la province. Alors, oui, les embouteillages de la capitale avaient déjà fait l’objet de clins d’œil, notamment dans Le tour de Gaule d’Astérix. Et la vie mouvementée des Lutéciens n’a jamais manqué d’en prendre pour son grade.
Cette fois, les embouteillages reviennent — on garde le lecteur dans sa zone de confort —, mais les Parisiens se font délicieusement laminer, plus pédants que jamais avec leur amphorette en terrasse. Saynète d’anthologie lors d’une exposition d’art contemporain (ou content pour rien…), quand les visiteurs s’extasient devant les œuvres de Banksix ou encore Andivouaros. Délectable.
Sarcasme, ironie mordante, voire méchanceté gratuite, jeux de mots… tout cela ne cache pas le thème choisi : la manipulation mentale. Avec Le Devin, Goscinny et Uderzo avaient exploré le sujet, dézinguant les diseurs de bonne aventure et autres escrocs liseurs d’entrailles. Cette fois, on pousse le bouchon plus loin avec Vicévertus en chef de file d’une école de pensée propre à faire prendre des vessies pour des lanternes.
Emprise, le mot est lâché dans l’un des dialogues, car c’est bien de cela qu’il s’agit : tourner et rallier à soi les pauvres hères (ou les tristes époques) qui prennent pour argent trop comptant les propos de leur gourou du moment. Car la menace et le danger n'en demeurent pas moins réels. Évidemment, à se servir des principes moraux d’autrui pour assouvir sa volonté de pouvoir ne mènera pas bien loin : après tout, rien de tel que l’iris au menu des lions « pour leur équilibre alimentaire », conclura César, encore et toujours perdant.
Alors que retenir de cette nouvelle parution ? D’abord, qu’elle cache sous un apparent vernis de classicisme des changements profonds — ce calin tendre qu’échangent Bonemine et Abraracourcix réunis (p.47) en dit long à ce sujet. On sourit plus que par le passé, au fil d’une aventure plus convaincante — plus convaincue ?
Une liberté véritable : comme sorti d’un carcan commercial pour plonger dans une liberté marchande, cet Astérix fait plaisir. Astérix a toujours su se montrer moderne, dans son traitement : on le trouvait englué depuis son reboot et L'iris blanc fourmille d'éléments qu'il fait bon de voir. Et plus encore quand on entend Assurancetourix chanter : « Besoin d’Orion envie de Troiiiie. » Ou : « On s'était dit rendez-vous dans Byzance... »
L'album ne fera pas l’unanimité, tant s’en faut, mais réveille un peu le lecteur qui, secoué, estimera que c’était mieux avant, ou qu’enfin le village gaulois a retrouvé un barde.
Paru le 19/01/2005
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Paru le 03/12/2004
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Paru le 25/05/2005
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Paru le 26/10/2023
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8 Commentaires
Necroko
27/10/2023 à 05:29
L'Iris Blanc va devoir attendre le mois de Novembre, je peux pas le prendre avant...
jujube
27/10/2023 à 18:22
Mais c'est génial: le monde attendait cette merveilleuse nouvelle!
TG le demeuré
29/10/2023 à 02:27
On te demande ton avis ducon ?
Necroko
29/10/2023 à 02:55
Je me demande l'ypnide si je dois prendre en même temps "Le Chevalier au Dragon" donc dans ce cas ça va devoir attendre Décembre, une idée l'ypnide ?
Paul
27/10/2023 à 18:20
D'accord pour les dessins de Conrad, ils sont excellents. Je suis autant déçu par le scénario de Fabcaro que j'ai été déçu par ceux de ferri. Ils sont l'un comme l'autre d' excellents auteurs, mais là, avec Astérix c'est raté. Je commence à penser que Goscinny est irremplaçable.
Haute
04/11/2023 à 16:37
C'est une histoire qui se veut dans l'air du temps mais qui magnifie la beauferie. L'oeuvre d'un quinquagénaire qui a arrêté d'évoluer à l'inverse des premiers Astérix bien plus moderne.
sabine hécébon
31/10/2023 à 20:07
Article plein d'erreurs et de fautes d'orthographe. Fidèle reflet de la médiocrité des journalistes français actuels...
Marioniet
02/11/2023 à 08:23
Vous voulez rire? Ou c'est de (très) mauvais goût, rien d'étonnant (détonnant), c'est le goût actuel. A part "principaux" moraux pour "principes", tout est bon. Par contre, je méconnais "reboot", de l'anglais.
Mais peut-être faisiez-vous de l'humour? Au temps pour moi. Et pas "autant".