Attention, l’auteur sent le soufre. Ça ne date pas d’hier, mais jusqu’à peu, il était encore invité dans les médias qui comptent pour présenter ses livres, car la générosité de sa plume est indéniable. Pour cette réédition de toutes les parutions de l’auteur d’Alain Zannini au Dilettante entre 1986 et 2009, silence radio. Un petit livre rouge, un autre, qui n’aura certes pas l’influence de son illustre précédent. Aphorismes et pensées sans freins, Houellebecq mon voisin, Django dans les nuages, l’anti-Marseillaise d’Albert Ayler, et même un Nabe poète. Avec en prime, une préface inédite qui rend compte du personnage : provocateur, excessif et parfois, méchamment drôle.
Le 23/05/2022 à 09:35 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
23/05/2022 à 09:35
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« J'écris avec le bâton pour me faire battre. (...) Suis-je grave docteur ? »
Marc-Édouard Nabe a basculé depuis plusieurs années dans l’auto-édition, ou « anti-édition ». Nombre de ces écrits et des ennemis qu’il s’est construits tout au long de sa présence dans le monde littéraire exigent que l’on mette en perspective son travail à l’aune de ses dérapages. Pour cette édition des plaquettes publiées dans la maison de Dominique Gautier, l’entreprise devrait être moins délicate vu les thèmes des textes.
Un recueil d’aphorismes anarchisant, un petit texte virtuose sur la version déchirée et anti patriotarde de la Marseillaise par le jazzman Albert Ayler, une histoire de son ancien voisin du 103 rue de la Convention, Michel Houellebecq, et en creux, un portrait de lui-même, à l’étape du 27e livre (pour celui qui est né un 27 décembre), en maudit des lettres. Mais également un beau portrait du beau manouche compositeur de Nuages, et un recueil de poésie humoristico-scato-sonneto-jazzy. Environ 280 pages pour le tout, une couverture toute rouge d'effarouchement, et le titre en jaune souffr(ant)…
Le Dilettante, de 86 à aujourd’hui, selon Nabe...
Dans la préface inédite de cette intégrale, les noms (d’oiseaux) fusent, et les coulisses du Dilettante sont révélées, comme on pouvait s’y attendre de la part de l’admirable délateur (notamment dans ses journaux intimes et aujourd'hui son site) des lettres françaises. « Voici donc mon grand retour en librairie ! (rires) » Ainsi démarre ce texte d’une trentaine de pages où l’auteur de L’homme qui arrêta d’écrire ne se berce pas d’illusion sur le destin de cette nouvelle parution. Il s’attelle à décrire cette surprenante amitié entre le « dilettante » Gaultier et l’exalté Nabe, en inscrivant ce récit dans l’histoire de la maison d'édition à partir du milieu des années 80.
À l'époque, l'éditeur-libraire se trouvait encore dans ce XIIIe arrondissement décrit par Houellebecq dans son dernier roman. Le graphomane entre dans la maison à côté de Limonov et de Rebatet, dont on publie la correspondance… Anna Gavalda et Romain Puertolas viendront bien plus tard.
D’un premier soviet de 5 membres, le Dilettante et Gautier, dans un esprit libertaire, s’ouvrent à des « clients-amis » qui deviennent partie prenante de toute la politique éditoriale, et dont les portraits qu’en fait le kamikaze valent le détour : « Cette bande de ratés. » C’est au sujet de la publication ou non de son recueil de poèmes, Loin des fleurs, que tous ces « gueux pataugeant dans la boue de leurs névroses » quittent le navire. La fin du Dilettante anarchisant actée, Gaultier signe Anna Gavalda en 1999, installant, côte à côte, la best-seller avec son worst-seller… La question qui parcourt toute la préface : qu’est ce que l’anarchie ? Selon Nabe : « Une jubilation sadique à voir la Société en chaque individu se prendre des coups. » Ici, comme ailleurs, le finaliste Renaudot 2010 (une autre époque) envoie des tacles les deux pieds décollés, tel un Momo Sissoko époque PSG.
L’anarchie, mais également l’amitié, qui pour l’auteur du Bonheur, se trouve dans « une réciproque admiration psychologique ». Et plus spécifiquement avec Dominique Gaultier, « partager chacun la vision amusée du caractère de l'autre ». « Il (Gaultier) n’aime pas du tout ce que j’écris, et moi je n’aime pas du tout ce qu’il édite, mais il comprend pourquoi je le fais, c’est là qu’il m’est supérieur, car moi je ne comprends toujours pas pourquoi il publie toutes ces merdes ! » L'écrivain finit par se laisser aller au sentiment.
5 plaquettes en vitesse express
« Tous ceux qui sont dans la vie comme des poissons dans l'eau noient le poisson. » Voici un des aphorismes de Chacun mes goûts qui, dans les plus réussis, comme l’exercice devrait l’exiger, ouvrent une porte vers un abîme : de quoi s’opposer ou développer sur des centaines de pages. Les premières phrases de la Marseillaise, écrites à l’occasion du bicentenaire de la Révolution française, sont en apesanteur, et le texte, d’un lyrisme sombre, comme le jazzman, mort à 34 ans au bout de la nuit. « Ayler montre ce que les airs occidentaux les plus jolis sont devenus des zombies vermineux et ridicules. » « Le fantôme d'Albert m'empêche de dormir. Les feux d'artifice seuls m'éclairent. J'écoute la Marseillaise d'Albert Ayler. »
Le Vingt-septième Livre expose Houellebecq avec cruauté, non sans reconnaître les raisons du succès de l’auteur de l’Extension du domaine de la lutte. Avant tout, il est le miroir de son échec. Une ironie du sort qu’il regarde de manière presque amusée. « D’accord, je n’étais pas programmé pour réussir, mais à ce point de ratage foireux, ça fait peur ! » La thèse du succès de Houellebecq, et en face, de son insuccès : le premier « fait bander les débandeurs. Ça en fait des lecteurs. » Quand l’autre se veut être un absolutiste de l’art. « Roman à thèse + écriture plate + athéisme revendiqué + critique de son temps (mais pas trop) + culture rock-pop + défense du capitalisme + attaque des Arabes = succès garanti. Qui a réussi ça ? Ne cherche pas davantage dans ton miroir, c’est toi, Michel, mon cher voisin… » En passant, il massacre Philippe Sollers.
A LIRE:“Le petit Nabe dit du mal de moi dans son dernier bouquin”
« Django (Reinhardt) était un bienheureux. L'extase rend lucide. Surpris par tout, y compris par lui-même, il se promenait, plein de sensations, comme un nuage gorgé de pluie. » Django et ses deux doigts, vague tant il était absent, lyrique, car précis : « Il est passé au-dessus du monde. Bien ouaté, tout en vapeur d'amour, il flotte dans le ciel inquiet, pour toujours. » Et des poèmes pour finir : des muses énuclées, un orang-outan, des sonnets, des quatrains, des fleurs, l'anus… Il n’est pas poète pour un sou. Il est réfléchi, observateur, voilà le grand secret de l’auteur de L'Âge du Christ.
Crédits : Eclats de Nabe (Youtube)
Paru le 13/04/2022
288 pages
Le Dilettante
30,00 €
Paru le 30/08/2012
421 pages
Editions Gallimard
8,70 €
Paru le 25/09/2006
490 pages
Editions Léo Scheer
21,00 €
Paru le 16/05/2007
267 pages
Editions de La Table Ronde
8,70 €
16 Commentaires
Amoris
23/05/2022 à 16:47
Ce Nabe mérite à peine une ligne dans Nouveau Détective.
Sébastien Lamarre
24/05/2022 à 13:58
Enfin vous parlez de Nabe sur votre site! Il était temps.
Paul Verjus
25/05/2022 à 09:24
"l’admirable délateur des lettres françaises"
Ce "délateur", ce disciple de Brasillach (son sosie) n'a rien d'admirable. Mais passons. Ressusciter l'immondice est un sport très prisé des lettres françaises. On réédite bien Drieu, Maurras, Rebatet et autres funiculaires de l’extrême droite donc pourquoi pas le fils spirituel de ces gens-là ?
Il faut déconstruire le délateur.
Il s'est cancellé tout seul.
Son vrai visage nous le connaissons.
Volt
31/05/2022 à 10:41
"ce disciple de Brasillach (son sosie)"
Brasillach, inspiration de Nabe ? SI c'était vrai, il serait sur WikiNabia...
Marie
26/05/2022 à 09:19
Bien qu'ayant des qualités, cet écrivain, m'est avis, cherche un peu trop la facilité...Je n'ai jamais pu terminer la lecture de la biographie de Lucette Destouches, épouse de Céline...pour ce relâchement de l'écriture (à l'opposé de celui, construit, de Louis-Ferdinand).
Henri Moulinier
26/05/2022 à 22:34
Monsieur Paul Verjus dans les commentaires devrait se renseigner et lire un peu plus avant de causer. Non seulement Nabe ne se revendique pas disciple de Brasillach mais il ne s'en est jamais rapproché en aucune manière sur le plan littéraire. Les textes de ce recueil le prouvent à ceux qui daignent les ouvrir plutôt que de cultiver le ouï-dire.
Paul Verjus
27/05/2022 à 08:56
Henri Moulinier ne faites pas semblant... ces textes sont la petite monnaie qui cachent le méchant sourire du requin Nabe... fils spirituel ai-je écrit... ça vaut pour tout le reste des écrits... délateur un jour délateur toujours...
Sébastien Lamarre
27/05/2022 à 14:07
Mais de quelle délation parlez-vous?
Paul Verjus
27/05/2022 à 20:13
Lisez donc l'article.
Henri Moulinier
28/05/2022 à 12:39
Ne lui demandez-pas, il n'en aura aucune idée...
Il lui suffit de brandir un mot facile, un anathème bêbête tiré de sa boîte à malices. Il devrait s'associer avec Mme Alina Reyes ci-dessous.
Volt
01/06/2022 à 14:11
Paul Verjus... Jouons à un petit jeu.
Qui a dit "Brasillach, je m'en fous complètement. Ce qui m'intéresse c'est le symbole qu'il est devenu, la peur que son seul nom dégage. Qu'on cesse d'en faire un martyr pour petits fachos ou un grand méchant loup pour petits chaperons roses, et il n'en restera rien" ?
Qui a dit "Sa place dans la littérature, moi, je serai net : aucune. Il n'en laissera jamais aucune." ?
Qui a dit "Brasillach est un pompier, un rococo, un classique, un cornélien." ?
Qui a dit "“Comme le temps passe” est un roman pour ceux qui ont du temps à perdre." ?
Un épigone de Brasillach ? C'est tout le contraire : Marc-Édouard Nabe !
Alina Reyes
27/05/2022 à 22:15
"Suis-je grave docteur ?" Après l'article de l'auteur malade du vaccin, l'article sur l'auteur malade de la haine antisémite. Actualitté tourne louche, ou devient le média des écrits maudits ? Remarque, c'est toujours mieux que d'être celui des prix littéraires.
Maurice André
02/06/2022 à 12:22
Marc-Édouard... rien que ça suffit à vous disqualifier devant l'Histoire... un auteur de génie ne se nomme pas ainsi... Marc-Édouard OMG!! il suffit comme disait l'autre... il suffit... passer de Alain à Marc-Édouard faut être sacrément tordu...
Marie
02/06/2022 à 13:23
Et vous, vous êtes le fantôme de l'ultra célèbre trompettiste?? Au petit jeu des noms, patronymes et tutti quanti, vous auriez pu préciser...encore fallait-il savoir?
Roland le bars
02/06/2022 à 17:51
Personnellement les gens qui se planquent en Suisse je trouve ça très suspect. Les coupables ont toujours une valise toute prête. On ne sait jamais.
Amerik Joe
04/06/2022 à 22:57
Houellebecq comme voisin ça rend jaloux forcément. Comment relever le défi ? Marc edouard zanini a semble t-il oublié d'être un écrivain. Un photon de Léon Bloy peut-être ?