BIOGRAPHIE HISTORIQUE - Aucune femme de l’Histoire de France n’a été autant haïe que Catherine de Médicis ; et même si depuis la seconde moitié du XXe siècle des historiennes et historiens essaient de la réhabiliter, des siècles de médisances ont laissé des traces pérennes. Céline Borello, professeure à l’université du Mans et historienne du protestantisme de l’époque moderne a signé il y a peu une biographie remarquable aux Presses universitaires de France. Biographie faite en collaboration avec la Librairie sonore Frémeaux & Associés qui vous propose 1 coffret de 4 livres audio dans la série Figures de l’Histoire.
Le 22/04/2021 à 18:45 par Audrey Le Roy
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Publié le :
22/04/2021 à 18:45
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Si Voltaire et Alexandre Dumas ont sérieusement écorné son image, des historiens comme Jules Michelet ne s’en sont pas privés non plus, sans parler de l’Éducation nationale qui a longtemps cautionné l’idée qu’elle avait été l’instigatrice de la Saint-Barthélemy le 24 août 1572. Quel adulte n’a pas vu dans son manuel d’histoire d’écolier ce tableau du peintre François Dubois (1529 – 1584), Massacre de la Saint-Barthélemy où l’on peut apercevoir la reine mère toute de noir vêtue regardant, fière du devoir accompli, « un entassement de corps dénudés, symbole qui condense les meurtres dont elle [se serait rendue responsable] » ?
Née le 13 avril 1519 à Florence, elle est orpheline à l’âge de trois semaines et l’unique héritière des Médicis, « on mesure la proie qu’elle peut être alors pour des princes et des rois en mal d’alliance ».
Elle va devoir apprendre à se battre et à survivre dès son plus jeune âge.
Lorsque nous entendons parler de Renaissance italienne, nous viennent très vite à l’esprit des tableaux de Michel-Ange, Léonard de Vinci et une architecture magnifique, mais nous oublions bien vite qu’au milieu de tant de beautés nous sommes en pleines guerres d’Italie qui courent de 1494 à 1559. Et Florence n’échappe pas aux tensions qui secouent le pays.
Ainsi la jeune Catherine va connaître le siège de sa ville, être enfermée dans différents couvents, sa mort va être envisagée. En définitive, être l’héritière des Médicis n’attire pas que les maris en mal de dot, mais également les gouvernements qui ont besoin d’une monnaie d’échange, et celle-là vaut son pesant d’or ! À onze ans Catherine de Médicis n’a déjà plus l’innocence qui siérait à son âge.
C’est finalement son grand-oncle, le Pape Clément VII qui va récupérer sa garde, et elle aura quelques années de repos à Rome où elle va grandir au milieu d’artistes de génie au Vatican.
Mais tout protecteur que soit le Pape, cette jeune fille doit être mariée. Elle est riche, c’est vrai, mais elle n’est pas de la même catégorie que les grandes familles aristocrates. Tout le monde reconnaît le caractère important du clan des Médicis mais tout de même, ils n’en restent pas moins que des marchands, des banquiers...
Enfin avec une dot de 100.000 ducats, des bijoux et « surtout la promesse faite par son grand-oncle, le Pape, de livrer à la France Pise, Livourne, Modène, Parme, Plaisance et d’aider François Ier dans la conquête de Milan, Gênes et Urbino, rêve que poursuivent les rois de France depuis des années », on peut bien consentir à une petite mésalliance surtout qu’elle n’est promise qu’au second fils de François Ier.
Aussitôt dit, aussitôt fait : à 14 ans Catherine quitte son Italie natale pour la France le 1er septembre 1533, est mariée le 28 octobre et celui-ci est « promptement consommé ». Son mari, Henri, duc d’Orléans, a le même âge qu’elle.
Jeune fille cultivée, curieuse, gaie comme un pinson et aimant l’activité physique – « elle introduit l’usage de monter en amazone, ce qui permet aux femmes d’aller au trot et au galop avec les hommes » - elle fait le ravissement de son beau-père, pour son mari c’est une autre histoire, amoureux qu’il est depuis toujours de sa gouvernante Madame de Valentinois, la fameuse Diane de Poitiers.
Les premières rumeurs autour de Catherine de Médicis apparaissent lorsque le Dauphin de France meurt le 10 août 1536 après avoir bu un verre d’eau. Évidemment l’on pense tout de suite à un empoisonnement. À qui profite le crime ? Son mari Henri devient le nouveau Dauphin et par conséquent elle sera la future reine de France … une italienne, détestée par les Français. Elle représente le parfait bouc émissaire.
Mais Catherine a des problèmes plus importants à régler que ces rumeurs idiotes, elle est mariée depuis maintenant 10 ans et n’a toujours pas enfanté, elle risque la répudiation. On finit par appeler le médecin Jean Fernel au chevet du couple. Ils semblent avoir, tous deux, de petites malformations. On trouve la position adéquate et battez tambours, sonnez trompettes, « le miracle tant attendu se produit enfin : en mai 1543, Catherine de Médicis tombe enceinte ». Le futur François II, sera le premier d’une longue série, bien que comme toutes les femmes de cette époque, quelques-uns de ses enfants soient décédés fort rapidement, voire mort-nés.
Qui va l’aider pendant ses couches et dans la prime jeunesse de ses enfants ? La maîtresse du roi en titre, Diane de Poitiers. Beaucoup de choses ont été dites autour de ce couple « à trois » et bien que cela ne soit pas réellement choquant à l’époque, il ne faut pas s’imaginer que la jeune Catherine, qui plus est amoureuse de son mari, voyait cela d’un bon œil, simplement elle ne pouvait pas faire grand-chose. Ce qui ne l’empêchera pas d’écrire : « Je faisais bonne chère à Madame de Valentinois, c’était le roi, et encore, je lui faisais toujours connaître que c’était à mon grand regret ; car jamais femme qui aimait son mari n’aima sa putain. »
François Ier meurt le 31 mars 1547, Henri II est sacré roi à Reims le 26 juillet de la même année, Catherine devient reine de France, que de chemin depuis sa naissance mais, hélas, le pire reste à venir.
Si François Ier était relativement tolérant vis-à-vis des huguenots, l’agacement commença à se faire sentir au moment de la fameuse affaire des Placards « qui a lieu dans la nuit du 18 octobre 1534. Des affiches portant un texte très violent contre "la messe papale" sont en effet placardées dans l’espace royal, au château d’Amboise et, dit-on, sur la porte de la chambre du roi ».
L’agacement monte encore d’un cran sous le règne d’Henri II, cette fois quand le 4 septembre 1557, environ 400 protestants se réunissent clandestinement à Paris. Pour le roi c’en est trop, il y voit « la preuve d’un complot contre lui et contre l’État ».
Il faut dire que pour un roi catholique, les chiffres que nous donne Cécile Borello peuvent effectivement s’avérer inquiétants : « 10 % des Français sont réformés soit à peu près deux millions de personnes, et 30 % des nobles semblent convertis. » La position de Catherine de Médicis face à la question huguenote penche plutôt du côté de l’apaisement et de la communication mais là encore elle va avoir plus grave à affronter.
Le 10 juillet 1559, Henri II est tué accidentellement lors d’un tournoi. Catherine devient veuve à 40 ans après 25 ans de mariage. Son fils ainé devient le roi François II, il est âgé de 15 ans mais est bien trop jeune pour régner réellement, Catherine devient son soutien. Mais les drames se succèdent et François II meurt le 5 décembre 1560. Doit lui succéder sur le trône son frère Charles, qui n’a que 10 ans. La reine mère devient régente ou « plus exactement le Conseil lui décerne le titre de "gouvernante de France" le 21 décembre 1560 ».
Elle n’aura pas le temps de les pleurer, même si dorénavant elle ne s’habillera plus que de noir, elle qui était pourtant connue pour le raffinement de ses tenues.
Les tensions entre protestants et catholiques se font de plus en plus intenses. Elle fait tout pour les apaiser, ce que tous – bien le seul moment où ils sont d’accord – lui reprochent, y voyant de la faiblesse là où elle essaie juste d’éviter une guerre civile. En janvier 1562, elle fait signer un édit « qui installe en France une courte période d’acceptation du protestantisme [après l’échec du colloque de Poissy en 1561]. Il accorde aux huguenots la liberté de conscience et de culte dans les faubourgs des villes fortifiées ainsi qu’à l’intérieur des maisons particulières » mais cela ne sera pas encore suffisant.
De tous temps, les mariages royaux ont permis des alliances entre pays pour éviter les affrontements. Catherine se dit que cette technique, dont elle a elle-même été le jouet, vaudra peut-être pour calmer les tensions religieuses en France. C’est ainsi qu’elle organise le mariage de sa fille Marguerite de Valois, qui deviendra la reine Margot, avec le chef des protestants, Henri III de Navarre, futur Henri IV, le 18 août 1572. Malheureusement le but recherché vire au drame et au massacre de la Saint-Barthélemy.
Pourtant, jusqu’à la fin elle fera tout pour ne pas « rompre le fil des négociations ».
Le Massacre de la Saint-Barthélemy de François Dubois, musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne
Passionnée par les arts dans toute leur diversité, elle a eu conscience très vite de l’importance de ces derniers dans l’art de gouverner. Les rois bâtisseurs l’ont souvent été pour marquer l’Histoire de leurs empreintes, en tant que femme, Catherine de Médicis se devait de faire mieux : « Cette passion [qu’elle a] pour l’art de bâtir, cette ambition qui pourrait tendre parfois vers la mégalomanie, est un moyen de pérenniser le pouvoir féminin dans un royaume qui pourtant met les femmes à l’écart. »
Fascinée par la nature, elle s’impliquera dans les réaménagements des châteaux et jardins de Fontainebleau, Chenonceau, Blois, Les Tuileries, « elle en fait indéniablement un cadre de sa politique en y organisant de brillantes festivités et des rencontres politiques de premier plan ». Ça ne vous rappelle personne ? Sans parler des personnes qu’elle protège à l’image de Ronsard, Remi Belleau, Baïf, Dorat, etc. « Les lettres sont pour elle un outil politique par excellence. »
Balzac, un des rares à lui rendre hommage, dira « la figure de Catherine de Médicis apparaît comme celle d’un grand roi », alors pourquoi cette image peu avenante lui colle-t-elle à la peau ?
En fait c’est assez simple : c’était une femme et comme dans son cas on ne pouvait s’attaquer à sa vertu (Marie-Antoinette n’aura pas la même chance), on s’attaqua au reste. Une étrangère, qui plus est Italienne à une époque où l’anti-italianisme était à son paroxysme ; une femme qui a tout fait pour assujettir ses enfants afin de garder le pouvoir et qui s’adonnait à l’astrologie. Peu importe qu’à l’époque cette matière soit encore enseignée à l’Université, peu importe que le Pape lui-même ait un astrologue, c’était une femme qui s’entourait d’astrologues … Et puis rappelez-vous comment elle est devenue reine ! Qui meurt de boire un simple verre d’eau ?
Non décidément si les femmes de pouvoir ne sont pas des femmes de petite vertu c’est qu’elles doivent forcément être soit des empoisonneuses, soit un peu sorcières. Que de sornettes, et dire que nombre femmes de pouvoir, aujourd’hui encore, doivent se justifier de leurs réussites.
Catherine de Médicis meurt d’une pleurésie à la fin du jour le 5 janvier 1589 à l’âge canonique de 69 ans et 9 mois – là où l’espérance de vie des reines de France à l’époque ne dépassait que rarement les 45 ans. De ses trois fils régnants, pas un ne lui donnera de petits-fils. La branche des Valois s’éteindra avec Henri III pour laisser place au plus célèbre des huguenots, Henri III de Navarre, devenu Henri IV et catholique.
« Paris vaut bien une messe ».
Céline Borello - Catherine de Médicis - Presses Universtaires de France - 9782130818892 - 14 €
Par Audrey Le Roy
Contact : aleroy94@gmail.com
Paru le 13/01/2021
213 pages
Presses Universitaires de France - PUF
14,00 €
4 Commentaires
Giovanna
03/08/2021 à 18:09
Très interessant et bien écrit.
Vertecampagne
18/10/2022 à 23:24
C’est très intéressant 🧐 et j’avais une fois entendu sur France -culture ( ou inter) une émission sur la vie de cette dame…Orpheline dès toute petite et vivant dans la peur, la cruauté, voire l’horreur. Elle était quand même intelligente, sinon « belle » mais souriante et pleine de charme en arrivant à la cour de France. Elle n.a pas eu trop de chance et a été beaucoup vilipendée. Un ange, sans doute pas’ mais sans doute une femme énergique et de bonne volonté qui a aimé son époux et ses 👧 Et cette époque était très noire, autant que les robes de deuil de Catherine…. Eh bien je pense qu’elle a eu tort d’être une femme, elle aussi
.
???
29/05/2024 à 17:50
bon
Vertecampagne
30/05/2024 à 13:40
Tout à fait d’accord. Et RIP, Catherine de Médicis….