k-libre, les mondes policiers
Le 11/03/2013 à 11:33 par k-libre Julien Vedrenne
Publié le :
11/03/2013 à 11:33
Chaque semaine k-libre et ActuaLitté vous proposent par le biais d'une sombre collaboration une revue de presse croisée, qui filtre l'actualité des littératures policières et du monde qui les entoure. Vous aurez d'un côté des chroniques littéraires d'ouvrages très récents, et de l'autre des informations concernant cet étrange monde. Comment il vit, de quoi il est fait, et comment parfois il meurt. Le tout formant une ActuaLitté policière bien k-librée !
Roman : Angle mort, de Ingrid Astier
Après Quais des Enfers, et une embarcation morbide et/ou mortifère en compagnie de la Brigade fluviale, Ingrid Astier revient, accompagnée par l'essentiel de ses personnages, mais s'aventure dans les banlieues, aux alentours d'Aubervilliers, en compagnie de très mauvaises fréquentations pour lesquelles le lecteur se surprendra à avoir, tout comme son auteur, de l'empathie. Tout débute dans la capitale lorsqu'un buraliste est braqué, agressé, puis pulvérisé à coup de batte de baseball sous les yeux de flics impuissants alors même qu'ils espéraient un flagrant délit. L'histoire ne sent pas bon pour les galons du commandant Duchesne, alors il est urgent d'obtenir des résultats probants. C'est le branle-bas de combat pour des hommes et des femmes en mal de repos.
Roman : Un arrière-goût de rouille, de Philipp Meyer
Philipp Meyer prend le soin de décrire l'itinéraire de différents personnages : le policier, Poe, sa mère, Isaac, une petite amie qui dispose d'une bourse d'études et d'un mari mais ne peut qu'essayer d'aider ici et là... C'est principalement cette interaction des personnages, et leurs façons de réagir aux difficultés, qui constituent l'essentiel de ce roman, très ancré dans la littérature réaliste à l'américaine, dans la lignée d'un Jack Kerouac qui n'arriverait pas à partir. Ce qui montre que les rêves eux aussi rouillent, c'est tout l'arrière-plan de cet ouvrage car ceux qui essaient de s'en sortir en partant, en allant vers d'autres régions, ne peuvent que revenir, comme collés par leurs racines, bloqués par les fidélités, saisis par le passé ou la passion qui n'ose même pas dire son nom. Il n'y a que peu d'espoir dans Un arrière-goût de rouille, mais dès que l'on sort, c'est pire : la guerre de chacun contre chacun, la violence. Autant pourrir entre soi semble nous dire Philipp Meyer.
Roman : Carmen (Nevada), de Alan Watt
Carmen, Nevada, son lycée, son équipe de football. Soir de fête classique, alcool à flot, les gars tentent de séduire les filles et humilient les plus faibles pensant prouver leur virilité... Neil, qui a emprunté l'Eldorado de son père, repart bourré bien que ses amis lui enjoignent de rester. Il joue à se faire peur sur la grande ligne droite du retour, en éteignant les phares, et... écrase l'un des adolescents qui rentrait à pied. Paniqué, il le met dans le coffre, rentre chez lui et peine à trouver le sommeil. Le lendemain matin, ne sachant que faire, il se précipite à la voiture : le coffre est vide et immaculé. Le père de Neil est le shérif du village, un mur de briques, dur et violent, qui a élevé son fils seul depuis que sa mère les a quittés alors que le petit n'avait que trois ans. Pas causant, intimidant, il ne dit évidemment pas un mot à son fils, qui ne sait sur quel pied danser, et qui se doute bien que d'un côté ou d'un autre, les ennuis vont arriver. Les affronter, se défiler ? Telle est la question...
Roman : Il pleut sur Nantes, de Daniel Braud
Il pleut sur Nantes. "Oh oh !", me suis-je dit en soupesant le livre avant de me plonger dedans. Espérons que cela n'annonce pas une lecture qui me barbera ! Barbera... Barbara ! Ah ah ! Bon, je vous l'accorde, j'ai fait mieux... Bref, trêve de plaisanteries, entrons dans le vif du sujet. Nous sommes en 1966 à Nantes. Hélène, trente-huit ans, professeur au lycée Clemenceau n'est pas insensible au charme de Marc, l'un de ses élèves, âgé de seulement dix-sept ans. L'idylle démarre bien ce qui laisse vite imaginer au lecteur qu'elle finira mal (selon la logique du célèbre théorème du "Double Retournement Narratif" qui stipule que "toute histoire qui commence bien finit mal et inversement". Quoi ? Vous ne connaissez pas ce théorème ? Dites que je l'ai inventé, aussi, pendant que vous y êtes !)
Roman : L'Énigme de Flatey, de Viktor Arnar Ingólfsson
Comment aller encore plus loin dans l'exotisme généré par les pays nordiques et leur version glaciaire du polar ? Viktor Arnar Ingólfsson nous offre une double réponse. Tout d'abord, en nous forçant à reculer dans le temps car l'action de son intrigue se déroule au début des années 1960 dans un décor encore plus décalé - les îles à l'extrême ouest de l'Islande, ce qui doit en faire la partie la plus occidentale de l'Europe. Enfin, en ancrant son intrigue meurtrière autour de l'étude de manuscrits qui racontent les premières sagas du peuplement islandais.
Nous voici donc plongés dans une enquête ethnographique aux décors accidentés - des îles perdues au bout de nulle part, peuplées des derniers irréductibles de l'espèce humaine, tandis que la jeunesse part se concentrer vers la terre principale où elle trouve le confort. Une vie rude, alcoolisée, en contact sauvage avec la nature, où l'on vit de la chasse de phoques, de la pêche de poissons et des plumes d'eider.
Jeunesse : Show BiZZ, de Pénélope Pastel
Avec un humour décapant, Pénélope Pastel entraine ses jeunes lecteurs dans l'univers impitoyable du show-biz sur les pas de son héroïne masquée. C'est en effet l'effervescence au collège de Clara, alias Zigomette : le tournage de l'une des plus célèbres émissions de télé va s'ouvrir dans ses locaux, et les élèves sont invités à s'inscrire. L'espoir, l'ambition, la déception et les paillettes se côtoient, dissimulant de sombres manipulations. Mais rien n'échappe à notre héroïne pleine de ressources, déterminée à mener l'enquête lorsque le concours dérape. Ce roman de Pénélope Pastel s'attache, sur fond de concours télévisé, à aborder des thèmes très sérieux, allant des amours naissantes entre adolescents à l'ambition dévorante de certaines personnes, qui n'hésitent alors pas à écraser leurs adversaires ou à tromper les participants. Avec un style, une intrigue et des mots adaptés, l'auteur dénonce une industrie encensée par les magazines et les adolescents mais dont la "vraie réalité" est tout autre.
BD : Du plomb dans la tête, de Colin Wilson & Matz
Walter Hill a adapté librement le triptyque Du plomb dans la tête, de Wilson & Matz avec Sylvester Stallone en guest star. Cela valait bien une réédition de la part des éditions Casterman avec en sus des préfaces du réalisateur du film, et du scénariste de la bande dessinée. Le pitch de départ, très cinématographique vous l'aurez deviné, tient en deux lignes : des tueurs à gages éliminent un sénateur piégé en pleins ébats avec une prostituée mineure. Mais alors que le scandale est censé faire la Une des journaux, il est étouffé au grand dam des tueurs et des flics, et suscite l'interrogation de journalistes. À partir de ce moment-là, on se demande comment Matz va faire pour éviter de nous sortir un énième scénario de thriller politique sur fond de complot où au final les tueurs sont traqués et une vérité - qui ne sera pas forcément la vérité - éclate au grand jour.
Par k-libre Julien Vedrenne
Contact : julien@k-libre.fr
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