[Avant-critique] Fire and fury, inside the Trump White House, de Michael Wolff, paru en janvier 2018 aux États-Unis est un livre bombe, selon l’expression du quotidien le Courrier international, décrivant la première année de la présidence Trump. Je me suis intéressée, tout d’abord, à son écho dans la presse. Ensuite je me suis livrée à une vague description de l’auteur, le journaliste controversé Michael Wolff, avant de donner mon regard sur l’œuvre.
Le 08/02/2018 à 14:16 par Auteur invité
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08/02/2018 à 14:16
Le quotidien Libération écrit à propos du livre que « son auteur, Michael Wolff, raconte les luttes de pouvoir homériques au sein du premier cercle du Président. La désorganisation, l’impréparation, l’incompétence, crise après crise. Mais également, un Trump qui radote, incapable de se concentrer, décrit par son entourage comme un imbécile quasi illettré — “post-lettré”, selon Wolff —, qui se gave de télévision et de cheeseburgers, se montre paranoïaque et obsédé par son image ».
Le quotidien Le Figaro voit le pamphlet anti-Trump d’un œil plus nuancé. L’opinion de ce journal sur Fire and fury, émis avec subtilité, est que l’engouement suscité par le livre parmi les détracteurs de Trump, qui se sont empressé de l’acquérir, ne leur permettra certainement pas de prendre la distance nécessaire pour en apprécier l’objectivité, vu les méthodes controversées de son auteur.
Pour faire une esquisse du personnage, on pourrait avancer que c’est un journaliste controversé aux méthodes peu orthodoxes. Les prises de liberté évidentes avec la déontologie journalistique et avec la vérité sont courantes chez Michael Wolff, le chroniqueur du magazine Vanity fair, qui se présente comme essayiste. Michael Wolff, qui avait déjà écrit en 2008 une biographie du Tycoon Australien Murdoch, propriétaire du New York Post, intitulée « L’homme qui possède les informations ». Le milliardaire qui faisait l’objet de cette biographie, Murdoch, n’avait pas apprécié alors le portrait que l’auteur dressait de lui. Par ailleurs, ce livre avait été critiqué à l’époque pour ses « histoires pas toujours obtenues selon les règles de l’art », comme le décrivait l’auteur lui-même.
Le New York Times quant à lui, décrit Michael Wolff comme « un piranha de premier choix dans la mare médiatique qu’est Manhattan ».
À titre d’exemple pour justifier les accusations qui pèsent sur Michael Wolff concernant son éthique journalistique, le livre qui fait l’objet de notre chronique actuelle est supposé être une enquête décrivant les coulisses de la première année de la présidence Trump. Mais le journaliste Michaël Wolff, qualifié de « fripon » par certains de ses pairs, y grille allègrement les « off », de même qu’il y remanie certaines situations sans s’embarrasser des principes journalistiques.
Pour en venir à mon regard sur l’œuvre, je dirais qu’en ce qui concerne les essais, ce ne sont pas les commérages qu’ils contiennent qui m’intéressent, mais la valeur ajoutée de ces derniers en termes de réflexion intellectuelle et d’apport pour l’humanité. Dans le cas de ce livre, il était intéressant pour moi, comme démarche intellectuelle, de rechercher des éléments qui nous permettraient de mieux cerner une personnalité, celle de Donald Trump, la psychologie et les méthodes de son environnement, ainsi que la politique intérieure et extérieure des États-Unis, qu’il gouverne.
Concernant ma quête de renseignements sur la personnalité du Président américain, elle a été satisfaite à moitié. En effet, je me suis frayé un chemin parmi la multitude d’informations que délivraient les commérages de Michael Wolff, pour en venir à la conclusion que Trump était un homme en déficit de culture et d’ouverture d’esprit, juste apte à vendre des produits et certainement pas capable de diriger un grand pays comme les États-Unis.
Mon appréhension concernait le crédit que l’on pouvait accorder à l’enquête, au vu des méthodes décriées de son auteur, même si l’on est plutôt enclin à croire que cette description du personnage qu’est Donald Trump soit conforme à la réalité, en considérant ses nombreux tweets impulsifs, ses gaffes diplomatiques et le remaniement constant de son équipe. L’environnement de Trump, lui, apparaît comme composé d’une équipe hétéroclite, plutôt occupée à cacher les lacunes et réparer les erreurs du « boss », qu’à faire son « job ».
Au titre de commérages, puisqu’il faut en parler, on trouve des déclarations-chocs à la hauteur de la réputation sulfureuse de Michael Wolff et de Donald Trump. Par exemple, l’auteur prête à l’ultra conservateur Steve Bannon, éminence grise de la campagne de Trump, des propos d’accusation de traîtrise à l’encontre de Donald Trump junior, accusé d’avoir organisé en 2016, une rencontre entre son père et trois ressortissants russes des milieux politico-affairistes.
Par ailleurs, selon l’auteur, Steve Bannon s’en prendrait violemment — et régulièrement — à son ancien patron, en dressant de lui un portrait peu flatteur, dans son dos bien sûr. En outre, toujours selon Michael Wolff, Donald Trump n’aurait pas apprécié le fait que les stars américaines de premier plan snobent « l’évènement » qu’était son investiture à l’occasion de son élection comme Président des États-Unis. Il affirme même que Trump avait supplié alors ses « amis » d’user de toute leur influence pour que ces stars hollywoodiennes soient présentes à la cérémonie en question.
De plus, les relations du Président américain avec son entourage (sa femme, ses enfants, son équipe de campagne, ses amis) qui sont décrites dans le livre, seraient plutôt utiles pour le contenu d’un show, une télé-réalité politique, que celui d’un livre qui se veut enquête journalistique.
Les noms qui reviennent souvent dans le pavé de Michael Wolff, au titre des relations de Trump avec son entourage immédiat, sont celui de Steve Bannon donc, l’ultra conservateur, ex-conseiller de Donald Trump, et celui de Jared Kushner, fils de Charlie Kushner, promoteur immobilier, pourtant du camp des adversaires de Trump, gendre de Trump (novice en politique jusque là), et haut conseiller à la maison blanche.
Le constat est palpable : Fire and fury, le pavé de 327 pages de Michael Wolff, subdivisé en 22 chapitres, n’aborde pas les questions de fond de l’Amérique, en matière de politique intérieure et extérieure. En termes de politique intérieure, il n’aborde pas la question du quotidien des Américains, comme celle de l’Obama Care, la couverture maladie pour Américains les plus précaires.
En matière de politique internationale, il n’aborde pas la problématique de la lutte contre le réchauffement climatique, les relations difficiles des États-Unis avec la Chine et désastreuses avec la Corée du Nord (même s’il aborde le sujet des relations avec la Russie et Israël).
Concernant la question du réchauffement climatique, nous connaissons tous la position de Trump, lui qui avait traité cette réalité de « connerie inventée par les Chinois » et qui avait retiré son pays de l’accord de Paris, alors que les États-Unis sont des acteurs de premier plan à propos du réchauffement de la planète. Ce sont bien les premiers pollueurs du monde.
Au sujet de la Corée du Nord, les relations très tendues entre ce pays et les États-Unis dont la question de fond est l’arme nucléaire, question très sensible de la présidence Trump, sont éludées dans le livre. Or la thématique de la force militaire est une thématique de premier plan pour définir les grandes puissances mondiales, dont les États-Unis se réclament.
Concernant la Chine, ce sont les relations commerciales, en plus des relations diplomatiques qui n’occupent pas une place satisfaisante dans le livre (comme on peut le déplorer à propos de la Corée du Nord). Pourtant, on connaît l’importance des relations commerciales, et plus largement économiques, entre ces deux pays qui sont aussi les deux premières puissances mondiales.
En guise de conclusion, je dirais que Fire and fury peut être qualifié à juste titre de recueil cancanier. C’est une télé-réalité politique aux relents de voyeurisme, un show à l’Américaine, comme Trump lui-même sait si bien nous en servir. La véritable question à se poser ici est de savoir si on peut écrire un livre sur Trump sans se livrer à ce voyeurisme indélicat.
Enfin, mon sentiment sur l’œuvre est que ce livre n’est pas sérieux. Ne vous attendez pas à y découvrir des secrets d’État. Mais au moins, il a le mérite de lancer le débat sur l’aptitude morale de Donald Trump, à être celui qui possède le bouton nucléaire le plus gros et le plus puissant, comme il s’en vantait récemment. Je termine mon propos sur cette phrase de Bannon : « Trump is Trump ».
Par Dr Aïcha Yatabary
Ecrivain, Médecin humanitaire,
Spécialiste en coopération internationale
(à paraître) Michael Wolff, trad. Nikki Copper, Valérie Le Plouhinec, Isabelle Chelley, Michel Faure – Le feu et la fureur ; Trump à la Maison Blanche – 9782221218365 – 20 € / ebook 13,99 €
Paru le 22/02/2018
369 pages
Robert Laffont
20,00 €
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