EXCLUSIF – Depuis septembre 2017, Kobo s’est lancé dans le livre audio, avec une solution uniquement accessible via les applications mobiles. Les titres disponibles à l’unité ou par abonnement via iOS ou Android, étaient cependant conscrits au Canada, Royaume-Uni, Australie et Nouvelle-Zélande. Mais le territoire s'élargit...
Le 29/03/2018 à 17:25 par Nicolas Gary
Publié le :
29/03/2018 à 17:25
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Le succès du livre audio, largement démocratisé en la matière par Audible (filiale d’Amazon) suscite un intérêt général. Pour preuve, une petite quinzaine de titres en italien est également présente dans le store de Kobo, mais les titres en langue française ne sont toujours pas affichés.
Originellement, et fort logiquement, le catalogue d’audiobooks de Kobo était alimenté par Overdrive, société rachetée par Rakuten, qui avait déjà acquis Kobo. Principalement dédiée à l’approvisionnement des bibliothèques publiques et scolaires, l’entreprise mettait donc à disposition son catalogue pour alimenter Kobo. La vente à l’unité, ou par abonnement, était ensuite très naturellement pilotée, avec la contrainte de disposer d’une application Kobo pour ce faire.
Il serait donc question d’un déploiement plus large de l’offre, prévue pour début avril, la semaine prochaine, selon nos informations. Ce qu’il faut également comprendre, c’est qu’avec Kobo, on peut compter sur l’arrivée de Fnac – le lancement pourrait survenir en juin, avec une plateforme de téléchargement pilotée par Kobo. L’enseigne ne dispose à ce jour que d’une offre de livres numériques (alimentée par Kobo) – et bien qu'engagée, aux côtés de Kobo, depuis le début du développement, elle n’accédera à l’offre de livres audio qu'un peu plus tard. Le groupe Orange serait également dans la boucle de ce projet. Contactée, la Fnac n’a cependant pas souhaité faire de commentaires sur le sujet.
Pour autant, les catalogues des éditeurs français se trouvaient déjà commercialisés par Kobo sur les territoires déjà couverts. Cet élargissement, après négociation des contrats, montre bien que la tendance est là. PDG d’Audiolib, filiale livre audio de Hachette, Valérie Lévy-Soussan, affirmait d'ailleurs avoir connu une croissance des ventes à deux chiffres. Responsable de la diffusion numérique chez Gallimard, Éric Marbeau confirme cette tendance, et souligne même que sur les deux premiers mois de l’année 2018, elle serait à trois chiffres.
L’une des difficultés, qui se pose déjà, réside dans l’obtention de chiffres de ventes – à ce jour le panel GfK a du mal à prendre en compte l’un des segments les plus importants : les bibliothèques. Et l’on ne parle pas simplement de téléchargements, ce sont les livres audio physiques qu’il reste encore à appréhender avec plus de précision.
« Quand une librairie vend des livres audio à un établissement de prêt, cette donnée échappe à l’éditeur », précise un responsable de maison. Or, une grande partie des ventes de livres audio s’opère avec les collectivités. Ainsi, pour les éditions Gallimard, 50 % des ventes d’audiolivres se font en numérique.
Or, les estimations des ventes physiques de livres audio, ne couvrant pas les collectivités, ne reflèteraient pas la réalité du marché. Probablement aussi parce que l’échantillon des libraires utilisé n’est pas représentatif. « Un point a été récemment fait entre le SNE et GfK », nous assure-t-on. Les solutions viendront avec les usages et le temps.
Reste que, pour les professionnels, l’arrivée de Kobo et de Fnac est une nouvelle réjouissante. « D’abord, cela permet de ne plus avoir à discuter qu’avec un acteur unique – Audible. Il existe d’autres vendeurs de livres audio en téléchargement, mais la filiale d’Amazon dispose d’une force de frappe... non négligeable. »
ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Rappelons qu'en janvier 2015, le Syndicat national de l’édition décidait de mettre en place un groupe dédié au livre audio, présidée par Paule du Bouchet (éditions Gallimard). Une manière de prouver l’intérêt économique que ce segment avait pris, mais également de répondre à l’évolution des pratiques, emportées à l’époque par l’intervention d’Audible.
De même, en acceptant de jouer le jeu des distributeurs français, Kobo a préféré opter pour une approche vertueuse. « Nous avions redouté qu’ils ne cherchent à imposer OverDrive comme solution de distribution, à laquelle il aurait fallu fournir les fichiers », indique Christine Villeneuve des éditions des Femmes-Antoinette Fouque. « Book d’Oreille, par exemple, fait un travail considérable, mais avoir d’autres interlocuteurs qu’Amazon, cela ouvre le marché. Et nous sommes dans une période où le livre audio connaît un certain essor. »
Impossible de le cacher toutefois, le livre audio a été poussé par Audible avec d’importants moyens financiers, publicitaires et une offre d’essai attractive – que ce soit aux États-Unis tout d’abord, et en Europe par la suite.
Précédemment, l’ouverture d’un segment consacré à l’audiobook chez Google avait déjà fait pousser des soupirs de soulagement. « Non seulement leur service donnait de l’air, mais, toutes proportions gardées, a réussi à mieux performer qu’avec le livre numérique. » Certaines sourient : « Ils touchent enfin un autre public que le lectorat romance et érotisme. » Mais les faits sont là.
Loin des géants du numérique, d’autres acteurs sont parvenus à fluidifier la commercialisation de l’audiobook, qu’il soit en dématérialisé ou non. ePagine et LesLibraires.fr proposent des fiches produits qui donnent un regard global sur les différents formats dans lesquels sont disponibles les livres. Et peuvent ainsi alimenter les sites des libraires indépendants avec une offre complète.
Bien sûr, Amazon affiche ce système depuis longtemps. « Il s’agit surtout de faire au moins aussi bien », reconnaît un libraire. Mais également de pointer qu’en respectant l’intermédiation entre éditeurs et libraires – c’est-à-dire le distributeur numérique – tout se passe bien.
« Audible, qui refuse tout intermédiaire a convaincu des éditeurs de leur confier les fichiers sources, ce qui a eu un effet néfaste », pointe Éric Marbeau. Une forme de déresponsabilisation pour les maisons, avec des conséquences que l’on mesure bien, même si elles sont peu visibles.
Pour référencer un livre, tout éditeur produit des métadonnées : il s’agit de la couverture, du titre, le prix, le résumé, etc. Toute mauvaise information peut faire sombrer le livre dans l’oubli – parce qu’il n’apparaîtrait pas en fonction des recherches effectuées.
« La gestion des mises à jour que l’on peut faire, en envoyant nos flux de données à Audible, est très mal gérée. Et seule une partie des informations que l’on met dans les flux est prise en compte », poursuit-il.
Ainsi, un changement de couverture ne se fera pas – c’est le cas de Collier rouge de Jean-Christophe Rufin, qui affiche toujours chez Audible celle du livre, et non plus l’affiche du film dont il est adapté. Se pose également la question des extraits, arbitrairement fixés à 5 minutes par la firme, même quand l’éditeur opère un autre découpage.
Or, en vertu des contrats signés, Audible est parfois distributeur exclusif des livres audio : c’est ainsi qu’Apple peut recevoir de mauvaises données, ou incomplètes. « Les distributeurs servent à faciliter le référencement des livres par les revendeurs », souligne-t-il.
Quand un éditeur envoie à Audible exclusivement un tableau de métadonnées qui pourraient servir à tous, alors les autres sont privés de l’offre. Et l’éditeur se trouve limité dans son recrutement d’auditeurs.
Des problèmes que les acteurs qui travaillent déjà avec Kobo ne rencontrent pas, avec une bien meilleure gestion du flux Onix. Et chacun espère qu’au lancement de la plateforme en France, et du service chez Fnac, il en sera de même.
On le saura très prochainement...
Contacté par ActuaLitté, Kobo n'a pas souhaité réagir.
mise à jour :
Une semaine après notre article, non seulement l'offre de Kobo est disponible, mais également celle de Fnac, qui se lie à Orange, comme nous l'avions pressenti.
Fnac et Orange inaugurent une offre de livres audio avec Kobo
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