ESSAIS - Henry David Thoreau est une icône de la pensée écologique autant qu’écologiste, un penseur des premiers parcs nationaux américains, un précurseur du Nature Writting. Quatre de ses ouvrages viennent d'être republiés par les éditions Le mot et le reste.
Le 23/11/2018 à 09:13 par Mimiche
Publié le :
23/11/2018 à 09:13
C’est une démarche éditoriale originale que d’avoir ressorti nombre de ses ouvrages de manière coordonnée et à des tarifs défiant toute concurrence (pour autant justifiés par des textes très courts, quelques dizaines de pages au plus, accompagnés d’une post face répétitive à chaque opus mais complétée de quelques notes introductives plus ciblées, de Michel Granger), dans un format de poche agréable, rendant ces textes particulièrement accessibles.
Cité par un auteur aussi emblématique qu’Aldo Léopold ou, plus près de nous, par Baptiste Morizot, j’ai plongé dans cette lecture avec la curiosité d’un chercheur de champignons, limitant toutefois cette découverte aux ouvrages immédiatement accessibles sur l’étal de mon libraire.
Teintes d’automne est une bonne introduction aux écrits d’Henry Thoreau.
Observateur attentif, ouvert, émerveillé de tout, il est bien agréable de le suivre dans ses errances naturalistes où il mélange l’approche scientifique de ses rencontres avec les plantes et une vision simplement esthétique de celles-ci, des sous-bois et, d’une manière générale, de tous les milieux dans lesquels le mènent ses pas.
Il reste cependant assez déroutant de découvrir parallèlement des propos assez péjoratifs sur ses semblables qui, contrairement à lui, ne sauraient avoir la sensibilité suffisante pour atteindre à la félicité de la « nature (qui) ne jette pas des perles aux cochons »…
Même s’il admet son privilège de pouvoir goûter aux trésors que la nature lui offre, il fait preuve de bien peu de considération à l’égard de ceux dont l’étroitesse d’esprit en ferme l’accès, qu’ils soient agriculteurs, chasseurs voire gitans ou membres du clergé !
Et si je n’ai aucune difficulté à préférer, avec lui, les splendeurs des feuillages en octobre à tout « défilé militaire avec écharpes et bannières », il reste nécessaire d’avoir une vision prospective de son fil rouge pour ne pas se laisser dérouter par des propos annexes.
La randonnée au Mont Wachusett est une ode à la découverte de ce qui est de l’autre côté de la montagne et qui ne devient visible qu’en gravissant cette dernière.
Mais cette découverte de l’ailleurs reste seulement surplombante car, s’étonnant de se voir remettre un journal de son propre village alors qu’il est accueilli dans une ferme isolée lors de cette randonnée, on ne peut pas dire qu’il fasse preuve de beaucoup d’empathie à l’égard de ses congénères.
Son voyage est naturaliste mais misanthrope alors que l’intérêt de l’ailleurs chez les autres devrait révéler (et l’amener à accepter) une curiosité du même ordre que la sienne.
La promenade en hiver est amusante par toutes les digressions qu’elle lui donne l’occasion de faire. Tant médicales (le froid chasserait les contagions de toutes sortes…) que religieuses (quand il constate que « la bonne Apocalypse hébraïque ne fait aucunement état de toute cette neige joyeuse » sans laquelle les « hommes du Maine » ne peuvent pas reconnaître leur pays) ou philosophiques (quand la neige lui permet de constater combien « il faut si peu d’effort de la part de la nature pour (…) effacer la trace des hommes »).
J’ai terminé mon tour d’horizon par Marcher et c’est heureux car il n’est rien de moins sûr que j’aurais autrement poursuivi mes lectures.
J’attendais quelque chose qui fasse écho à une certaine éloge de la lenteur et l’approche de la nature entraperçue dans les ouvrages précédents, mais ce n’est que fugitif. Sa démarche misanthropique (« en une demi-heure de marche, je peux atteindre une partie de la surface de la terre où personne ne va »), bien que parsemée de fulgurances intéressantes qui prônent l’élévation de soi, et vantent les bienfaits de la nature sauvage (« les hommes dans l’ensemble sont semblables », « nous sommes (…) happés par la société (…), une sorte d’élevage en vase clos ») rend assez laborieuses les dernières pages de cet opuscule, et nébuleuses certaines théories sur la fertilisation des sols, l’attribution de noms aux hommes ou l’intervention du « Malin » dans le comportement des hommes. L’année de rédaction de ces textes n’excuse pas tout.
Bercé et cerné par les habitudes de son époque, Henry Thoreau a su s’élever au-dessus de ces conventions prégnantes mais a gardé malgré tout l’empreinte d’une société coercitive. Il est certainement intéressant de faire de l’archéologie écologiste dans ses écrits mais on trouvera aussi certainement ailleurs des idées moins empoisonnées dans un carcan social dont, malgré ses visons très progressistes sur certains points, il peine à s’extraire sur certains autres.
Mais quatre brèves lectures, pas plus qu’une hirondelle, ne peuvent faire le printemps de mon jugement.
Henry D. Thoreau, trad. anglais (US) Nicole Mallet - Editions Le mot et le reste - 3 €
Teintes d’automne - 9782360543922
Randonnée au Mont Wachusett - 9782360544738
Une promenade en hiver - 9782360544721
Marcher - 9782360543915
Par Mimiche
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