ROMAN FRANCOPHONE – Oh, le joli gueuleton qui s’achève, alors que s’avance le prochain. Des tables aristocratiques aux misérables bas-fonds de Lisbonne, Le Mangeur de livres, c’est une histoire pantagruélique. Avec du vélin pour changer des porcs, veaux et autres victuailles.
Le 08/01/2019 à 09:08 par Nicolas Gary
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08/01/2019 à 09:08
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Voilà bien une présentation qui méritait un peu d’attention. L’histoire de deux garnements, dont la naissance même a quelque chose de miraculeux. Quand la mère de l’un meurt en couche, la mère de l’autre l’adopte, au débotté, sans poser de question. En 1477, les Amériques de Christophe Colomb sont encore lointaines, et ni Adar ni Faustino n’ont l’archange Gabriel pour simili géniteur.
Surtout que ce sont des monarques espagnols qui furent à l’origine du mandat donné à Colomb d’aller par les mers voir si l’on pouvait faire plus rapidement du business en Inde.
Les deux bambins ont le diable au corps, à force de le tirer par la queue. Toute leur vie se déroule dans une honorable (mais chafouine) misère jusqu’au jour où les deux découvrent une voie d’accès aux festins des puissants de la ville. Là commence alors une autre aventure, de miette et de restes, qui tombent de tables ou que l’on chaparde avec crainte puis, avec l’habitude, plus audacieusement.
Quand on n’a rien, le moindre moins que rien devient un trésor : les récits que les frères de lait font à leurs ainés deviennent des bombances pour toute la famille : la parole est nourriture, certes spirituelle, mais c’est toujours ça de pris aux nobles. Et s’il se peut, rapporter quelques vestiges de ces repas…
Viendra le jour où les deux Lisboètes dénichent une paire de ciseaux : un monde de crétineries effrénées s’ouvre à eux. Couper, trancher, tailler… un autre régal que celui des enfantillages ! La punition qui leur tombera malgré tout dessus sera des plus douloureuse…
Stéphane Malandrin — quel joli nom, pour un pareil ouvrage ! – n’avait probablement pas à l’esprit de vouloir tuer un prêtre, comme un certain Umberto Eco s’y était décidé avant de se lancer dans Le nom de la rose. Pourtant, il faut la mort d’un moine violent, pour que la prophétie s’accomplisse : dévorant un livre, parce qu’il meurt de faim, Adar va subir une mutation terrible.
C’est avec une gouaille rabelaisienne qu’il nous entraîne sur les traces de cet enfant, condamné à manger littéralement des livres, passant des mets dérobés aux manuscrits engloutis. Que la faim est une vilaine compagne, aux mauvais penchants…
Si l’expression dévorer un livre n’a jamais vraiment trouvé son pendant littéral, on biche ici d’entendre cet enfant métamorphosé parler de ces livres qu’il déguste. Les bibliothèques sont devenues son garde-manger et l’on savoure avec complicité cet appétit contagieux.
D’ailleurs, pas de bon repas sans dessert : 10 pages de recommandations attendent le lecteur, en fin de roman. Des livres à découvrir sur la toile, des articles à lire, pour nourrir son propre imaginaire et l’esprit qui, insatiable, sait qu’on n’a jamais mal au foie à se goinfrer de lectures.
Stéphane Malandrin – Le mangeur de livres —
Seuil — 9 782 021 414 547 – 17 €
Points - 9782757878675 - 6.10 €
[Dossier]Rentrée d'hiver 2019 : une nouvelle année littéraire lancée
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 03/01/2019
190 pages
Seuil
17,00 €
Paru le 13/02/2020
155 pages
Points
6,10 €
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