HISTOIRE - Bercé par le patois parlé par mes grands-parents, par ma famille et plus généralement par tous les habitants des campagnes de mon Haut-Languedoc natal, j'ai eu tôt fait de l'appeler Occitan en l'accompagnant, bien sûr, de rêves régionalistes aussi bien politiques que linguistiques largement alimentés par des discussions véhémentes avec Joan Larzac... (je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans, … !!!).
Parler l’Occitan, c'était vouer Louis XI et Simon de Montfort aux gémonies, les transformer en ignobles envahisseurs, en valets de l'asservissement du Sud par le Nord, en fossoyeurs des troubadours (tellement plus érudits, romantiques et humanistes que les trouvères du Nord), de leur poésie et de l'amour courtois qu'ils chantaient pour les dames des châteaux où la tolérance était une vertu essentielle comme en témoigne l’apparition et l'acceptation d'une nouvelle religion.
Et puis aussi découvrir l'invasion française (capétienne est quand même plus adapté) des territoires de ce Sud devenu le terroir où germait l'opposition à ce Nord parisien, centralisateur, écraseur de spécificités linguistiques (ne punissait-on pas ma grand-mère, à l'école du début du début du XXème siècle, pour avoir laissé échapper un mot de patois pourtant quasi exclusivement utilisé dans sa campagne natale ?!), aplatisseur de différences et pourfendeur de tolérance.
Pourquoi je vous parle de cela ? Parce que c'est ce qui m'a conduit à chercher à comprendre cette guerre, cette « croisade des Albigeois » qui, étonnamment, a conservé cette appellation historique alors que les terres du Comte de Toulouse étaient plus largement visées par ceux qui ont pris la croix et l'épée (même forme : quelle symbolique!) pour répondre aux bulles des papes successifs et, ainsi, profitant de la mission « divine » d'éradication de l’hérésie cathare, annexer un immense territoire au bénéfice final de la couronne de France.
L'Histoire des Cathares de Michel Roquebert n'aura été que l'une de mes lectures sur le sujet. Et une bonne révision.
Étonnamment, sa conclusion, à l'issue d'un ouvrage à l'érudition incontestable, rejoint le titre de l'ouvrage de Jacques Madaule qui avait été mon « entrée en matière » : Le drame albigeois et le destin français (Grasset, 1962). Ce qui a commencé par une croisade que les papes et la chrétienté ont lancée contre l’expansion d'une Église Cathare à l'influence grandissante (face à une Église Catholique qui manquait de plus en plus de spiritualité !) s'est transformé en une guerre de conquête dont l'issue a esquissé les frontières actuelles de l'Europe.
Au départ, une lecture différente de l'origine du « Mal » (Dieu, dans la lecture dualiste des Écritures ne pouvait pas en être le Créateur), à la fin, un découpage géopolitique qui redessine les influences politiques.
Mais, entre les deux, l'Enfer sur Terre pour tous les habitants de la région concernée et convoitée : de sièges en batailles, de « dégâts » dans les campagnes en « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » devant Béziers, de prisons à vie en bûchers à Minerve ou à Montségur (et tant d'autres), ce qui peut être retenu de ces pages, c'est que, au fil des siècles (des millénaires), l'Homme a été, reste et (malheureusement) restera la pire calamité de son espèce !
Est-ce une illusion de penser que les Cathares auraient pu être une occasion (ratée) de trouver une autre voie dans la tolérance, la mesure et une autre façon de vivre ensemble ?
J'aime à croire que cela aurait pu être le cas ! Et il faut une sacrée dose d'optimisme pour continuer à croire que nos sociétés humaines nous conduisent vers une telle utopie !
Ce n'est certainement pas ce que raconte Michel Roquebert dans cet ouvrage qui s'attache à montrer, par les évolutions des alliances et par les compromis, comment les intérêts des uns et des autres ont sous-tendu l'évolution des situations sur le terrain. Y compris d'ailleurs, au sein de l'Inquisition qui a largement oublié le message chrétien de tolérance, de partage, de pardon et d’universalité. Mais comment faire preuve de ces qualités quand l'objectif de la croisade est de « combattre l'hérésie », c'est-à-dire d'interdire à un tiers de penser autrement que soi !
Mais si c'est, sans nul doute, un ouvrage de référence qui fourmille de détails de toutes sortes sur cette période lointaine, le livre (déjà ancien : 1999) de Michel Roquebert n’éclaire toutefois pas, faute de documents fiables ou complets, le lecteur sur les fondamentaux de cette religion qui, essentiellement orale, a disparu avec les Parfaits et les Parfaites. Qu'était cette religion ? Mystère !
L'Histoire des Cathares est avant tout l'histoire d'une guerre de religion qui, comme telle, montre la puissance de l'intolérance, le ridicule du dogmatisme au même titre que l'inhumanité de l'être humain, cette dernière symbolisée par l'Inquisition qui a inventé des moyens de contrainte, de coercition encore utilisés de nos jours (après toutes les améliorations que les siècles ont su lui apporter!). Elle est aussi l'histoire d'une guerre de conquête dont le moteur reste la soif de puissance.
Les « Châteaux Cathares » n'ont rien de cathares puisque cette Église revendiquait l'absence de possession et la pauvreté, le refus des biens matériels et l'illusion (avis tout personnel, je le confesse) d'un futur bienheureux des âmes après la mort ! Ils sont seulement la trace laissée par des hommes qui, au-delà de motivations certainement moins glorieuses, ont jugé utile de se battre pour une certaine idée philosophique de l'appartenance du « Bien » et du « Mal » à des mondes différents.
Le sous-titre du livre ( Hérésie, Croisade, Inquisition du XIème au XIVème siècle ) nous rappelle comment cela commence, comment cela se traduit et comment cela finit !
Si seulement nous étions collectivement capables d'en tirer les leçons (soyons clairs : certainement pas celle qui s'énoncerait « tapons plus fort que l'autre pour avoir raison » ...) !!!
Excellente lecture à tous.
Michel Roquebert – Histoire des Cathares – Perrin, Coll. Tempus – 9782262018948 – 11 €
Paru le 23/05/2002
538 pages
Librairie Académique Perrin
11,00 €
2 Commentaires
Parti pris
09/10/2020 à 08:49
Présenter le catharisme comme une (ancienne) religion de paix et d'amour face à l'enfer de la religion catholique, hégémonique et intolérante, est une réécriture fausse de l'histoire qui ne fait pas honneur à la vérité. Mais c'est dans la veine actuelle où l'on aime bien dénigrer les racines chrétiennes du monde, et de la France en particulier.
La vérité historique est que le catharisme fut le premier intolérant, créant finalement la corde qu'il s'est passé au cou. Mais bien sûr, il est très politiquement incorrect de le dire.
Je ne sais ce que vaut cet ouvrage, mais en tout cas, sa présentation ne plaide pas en sa faveur...
Anwen
13/10/2020 à 16:56
La doctrine professée par les Cathares, dans les anciennes provinces de Macédoine et de Thrace, avait été importée par les Pauliciens, Manichéens venus de l’Asie Mineure.
Ces sectaires firent leur apparition en France au commencement du deuxième millénaire et bientôt se répandirent dans toutes les directions. On les trouve en Aquitaine dès l’an 1010 ; en 1023, on en brûlait 11 à Orléans ; vers 1035, on en trouva une petite communauté à Montfort ; on les brûla. Cent ans plus tard, on en trouvait partout.
On leur donnait différents noms. Un de leurs principaux centre était Albi ; on les appela Albigeois. Ils furent impitoyablement poursuivis de 1210 à 1228.
Le Catharisme était une révolte de la conscience et de la raison contre le désordre catholique. S’il ressemble au Manichéisme, c’est qu’il a la même origine : un soulèvement des bons instincts contre l’excès du mal, une réaction contre le désordre social généré par le pouvoir du prêtre.
L’oppression continue de la meilleure partie de la société sous la tyrannie des grands soulevait l’exaspération des gens intelligents et bons. L’iniquité des lois appuyées par la force aveugle entretenait la pire des souffrances, celle des plus nobles instincts. Les femmes révoltées et outragées refusaient d’être mères pour ne pas donner de nouvelles victimes à la tyrannie.
En 1025, on trouva des Cathares à Arras. Interrogés par l’évêque sur leur doctrine, ils répondirent « qu’elle consistait à se détacher du monde, à réprimer les désirs de la chair, à vivre du travail de ses mains, à ne faire de tort à personne et à exercer la charité. Nous croyons, ajoutèrent-ils, que, en gardant ainsi la justice, on n’a pas besoin de baptême, et que, si on la viole, le baptême ne sert de rien pour le salut. Ils ajoutèrent que leur religion excluait tout culte extérieur, les bonnes œuvres étant le seul hommage que Dieu agrée ; qu’ils se mettaient fort peu en peine qu’on les enterrât n’importe où et n’importe de quelle manière, les cérémonies des funérailles n’étant, du reste, qu’une invention de l’avarice des prêtres. Quant au mariage, ils ne l’admettaient pas comme sacrement, se passant, pour les unions, de la bénédiction du prêtre. »
On le voit, à toutes les époques il y a eu des gens sensés. Malheureusement, ce ne sont pas eux qui ont écrit l’histoire ; ils étaient les humbles, les petits, ils étaient même les ignorants, car ils ne savaient pas le latin, ils ne savaient même pas lire, ni écrire, talents rares alors. La science de l’époque, c’était la théologie ; tout le monde appelé savant était perverti par les idées dites chrétiennes, la raison et le courage s’étaient réfugiés chez les ignorants de cette science vaine.
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