Il y a un peu plus d’un an, nous vous parlions des Grandes personnes, structure éditoriale détonante dont chaque livre invite à une aventure matérielle avec l’objet même du livre. Nous vous proposons aujourd’hui un nouveau petit tour d’horizon de leurs dernières sorties qui permettra de percevoir l’originalité de leurs publications.
Le 29/04/2024 à 10:07 par Jean-Charles Andrieu de Levis
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29/04/2024 à 10:07
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Avec Dans mon monde Lois Ehlert nous invite à une célébration du monde et de la nature. Publié il y a plus d’une vingtaine d’années aux États-Unis, cet album nous entraine dans un jeu de découpes particulièrement sophistiqué : les formes (grenouilles, soleil, fruits, etc.) sont directement découpées dans les feuilles de papier couleurs ; les espaces intérieurs laissent alors percevoir les formes à venir qui elles-mêmes, à travers les motifs que leurs découpes, dessinent et précisent la forme principale que nous avons sous les yeux. Plus audacieux encore, aux pages de droites dont le continuum dessine les formes répondent les pages de gauches qui aménagent de nouveaux motifs, de nouvelles géométries et organisations colorées.
Avec cette accumulation de formes qui s’interconnectent, l’autrice nous raconte le cosmos, nous montre que nous formons un tout, que chaque animal, chaque chose de la vie communique avec les autres, que nous sommes tous liés avec le grand tout, que l’homme n’est qu’une petite part d’un univers qui le dépasse et s’enrichit de tout ce qui le compose. Que seraient les insectes sans les papillons, que seraient les papillons sans la lune, que serait la lune sans la pluie battante, et que serait la pluie battante sans les insectes, etc. Nous sommes emportés dans une ronde visuelle et poétique dont le lyrisme naît de l’enchevêtrement du monde qu’elle donne à voir.
La simplicité du dispositif dialogue ainsi avec la complexité de sa réalisation qui émerveille et stimule l’imagination.
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Florie Saint-Val va plutôt jouer la carte du ludique et de l’humour avec Les Maisons du jardingue. Plus simple dans sa conception, l’autrice nous fait visiter les différentes demeures qui se trouvent dans un jardin. Un cache dessine la forme globale et l’aspect extérieur de la maison (un chou pour la choumière), et si on le soulève se révèlent les différents espaces et personnages qui peuplent ces habitations.
Chaque image est remplie de jeux de mots idiots qui déforment les sons, de trouvailles désopilantes et d’habitants loufoques. L’autrice déploie un style plein de gaieté, usant de formes simples et de couleurs vives qui font de chaque double page une véritable fête pour les yeux et entérine toute la bonne humeur qui se dégage des compositions. Les Maisons du jardingue deviennent autant de cherche-et-trouves qui engagent le regard à parcourir attentivement tous les détails de l’image à l’exploration des blagues qui s’y cachent. C’est un livre jubilatoire et extrêmement drôle qu’on lit et relit toujours avec le même plaisir, se disant à chaque fois : « Bon sang, j’avais oublié que c’était si bête et inventif ! ».
Enfin, dans le courant du mois de février sont sortis plusieurs petits albums de Katsumi Komagata. Leur simplicité ne m’avait pas de prime abord amené à envisager ces quelques lignes. Cependant, l’insistance de mon fils à y revenir, à me les tendre pour que nous ouvrions les pages ensemble m’a finalement convaincu. Il s’agit de trois petits livres carrés à couverture blanche aux noms pour le moins sonores : Bon, Pon pan et Et après.
Les deux premiers se ressemblent dans leur principe : chaque double page est l’occasion d’associer un mot (et à l’évidence un son) à une forme graphique. S’y déploie une poésie sonore et visuelle dont la beauté transite non plus dans le langage mais dans l’interprétation de ces mots et images. Ces albums nous invitent à chanter les sons, à dérailler en fonction des transformations formelles, chromatiques ou typographiques. De plus, des découpes trouent les pages et créent des aspérités propices à la caresse de petits doigts.
Elles tissent aussi des liens entre les images qui jouent à cache-cache. Ce thème est justement au centre de Et après, album construit autour de la transformation de points qui deviennent tour à tour des yeux de poissons, des tâches sur le dos d’un serpent ou encore les yeux d’un ours. On incarne alors l’animal qui apparaît et ménageons le suspense quant au prochain à surgir. Ces livres sont savoureux et promettent de beaux instants d’échanges.
Katsumi Komagata est un artiste japonais mondialement connu pour l’ingéniosité de ses albums conçus comme autant d’espaces ludiques où les découpes et les couleurs interagissent pour amener à l’évasion et à stimuler l’imaginaire. Ces trois petits livres composent un exemple éloquent de l’art de réaliser des livres simples et pourtant merveilleux qu’affectionnent particulièrement les plus jeunes.
Chaque album publié par Les grandes personnes est une invitation à vivre le livre comme une aventure qui ne transiterait pas seulement par les mots et les images imprimées mais aussi, et surtout, par les différentes interactions qu’il aménage. Chaque album renferme quelque chose de précieux qui se délivre dès son ouverture, dans ses ouvertures, par cette expérience de la main qui découvre en même temps que les yeux les images qui apparaissent.
Par Jean-Charles Andrieu de Levis
Contact : jeancharles.andrieu@gmail.com
Paru le 05/10/2023
40 pages
Des grandes personnes éditions
20,00 €
Paru le 05/10/2023
16 pages
Des grandes personnes éditions
22,50 €
Paru le 22/02/2024
20 pages
Des grandes personnes éditions
10,50 €
Paru le 22/02/2024
20 pages
Des grandes personnes éditions
10,50 €
Paru le 22/02/2024
20 pages
Des grandes personnes éditions
10,50 €
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