One-shot exceptionnel, Silver Surfer — L’Obscure clarté des étoiles porte déjà un titre emprunté au Cid de Corneille. Un oxymore qui résonne à 250 ans d’intervalle, loin de la puissance SF du dessin de l’Italien Claudio Castellini. Et pourtant, ce vers revêt soudain une dimension fantastique qui épouse parfaitement le projet éditorial remontant à 1996.
Le 24/03/2024 à 11:48 par Nicolas Gary
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Publié le :
24/03/2024 à 11:48
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Certains admettront avec Vincent Bolloré que servir au cinéma Spider Man ou Batman ad nauseam devient lassant. Mais cet épisode de Silver Surfer se distingue comme une œuvre — aussi remarquable que le Silver Surfer Requiem de Joe Michael Straczynski et Esad Ribic (trad. Laurence Bélingard). Souvent célébrée pour sa profondeur thématique autant que ses visuels époustouflants, cette BD est rééditée en édition spéciale noir et blanc. Un classique absolu, immanquable.
Une comète énigmatique, semblant contenir une énergie illimitée, est sur le point de pénétrer dans notre galaxie. Galactus convoque son héraut : bien qu’il ait pris son indépendance de l’emprise destructrice de son ancien maître, le Silver Surfer répond à l’appel.
De son côté, Thanos mandate une mercenaire sans trop de scrupules, White Raven, rencontrée dans une taverne d’une obscure planète. Chacun mobilisera les forces de son représentant pour qu’il s’empare de ce précieux artefact. Mais une fois arrivés sur cette comète, la découverte est de taille : la civilisation a abandonné les lieux, depuis bien longtemps. Quant à la source d'énergie où ils puisèrent leurs ressources, comment dire... elle n'était certainement pas aussi verte qu'on l'aurait imaginé !
Dans L’obscure clarté des étoiles, le lecteur est invité à un spectaculaire voyage cosmique avec le Silver Surfer : en confiant à Castellini le soin du dessin, Tom DeFalco, rédacteur en chef de Marvel, apporte une autre lecture de Norrin Radd. Plus de science-fiction, plus d’emphase, plus de détails dans les machines et les bâtiments (spatiaux aussi bien que terrestres). Même le mouvement semble emprunter des directions encore inédites.
Or, ce qui est finalement un assez bref récit fut contrarié par ses qualités mêmes : Claudio Castellini, infatigable perfectionniste, mit beaucoup de temps (trop...) à finaliser les pages de cet album. Quand tout fut achevé, une nouvelle équipe éditoriale était en place, peu encline à poursuivre le travail des précédents.
L’édition noir et blanc en grand format fut abandonnée et la version en couleur a été dégradée en un simple album relié : « Le premier tirage de l’album était épouvantable : la couleur n’avait pas de sens et le tracé formait une sorte de tache noire », admet le scénariste.
Le second tirage fut meilleur, mais avec des pages mal découpées, entraînant l’amputation de têtes, mains et autres détails. « C’était démoralisant de voir deux années de la vie de Claudio consacrées à cette œuvre gâchée par une reproduction imparfaite. »
En outre, une traduction italienne en N&B sortit avant la version américaine, mais le texte contenait de méchants. Finalement, l’édition limitée cartonnée allemande était la meilleure en termes de qualité d’impression. « J’ai déjà dit que je considère L’obscure clarté des étoiles aussi bien comme un triomphe que comme une angoisse. Je pense que c’est une bonne manière de décrire le personnage du Silver Surfer lui-même. Peut-être qu’il doit en être ainsi », conclut Ron Marz…
Cette nouvelle sortie est une remastered edition basée sur les planches originales numérisées, avec toutes les modifications et améliorations que l’artiste a apportées au fil des années — la dernière édition datant de 2015 pour l’Espagne.. En outre, il a redessiné des sections, tout en complétant des séquences inachevées du fait des dates limites de rendus.
Les techniques d’impression modernes ont été utilisées pour obtenir un noir profond et un niveau de détail élevé. Comprendre : à ce jour la plus complète et la mieux réalisée techniquement…
Alors oui, les 30 € de cet album de 90 pages — qui compte en réalité une jolie cinquantaine consacrées au périple cosmique du Surfer et de White Raven — représente une somme non négligeable. Sur un tel volume de pages, difficile de dresser un portrait profond du Surfeur d’argent, seul face à l’immensité de l’espace : dilemmes moraux et questionnements existentiels ne manquent pas.
Et que l’on se rassure, ses tourments face à sa propre culpabilité, l’infini de l’espace et la nature éphémère des civilisations qu’il rencontre sont bien présents. Cela manque un peu de souffle ou de profondeur — sauf que quelques pages de plus auraient entraîné plus de retard encore et certainement, le récit n’aurait jamais vu le jour, tout court.
Ensuite, la construction narrative sera au choix, soit astucieuse dans le parallélisme des itinéraires qu’empruntent les deux héros, soit une simple astuce scénaristique. En tant que one-shot, l’épisode doit faire du sur-place tout en donnant le sentiment d’une résolution majeure. Personnellement, je savoure la fin proposée avec un certain plaisir : j’aime les pieds de nez de ce type…
Mais certainement, le prix est à la hauteur de l’ouvrage : assez historique…
En revanche, d’abord le N&B est splendide, on ne le redira jamais assez, ensuite la maîtrise artistique de Castellini transcende le projet. Son interprétation du Surfer d’argent et des vastes étendues cosmiques est à couper le souffle. Chaque planche est une œuvre d’art, où l’utilisation dynamique de la perspective et du contraste entre lumière et obscurité amplifie la sensation d’immensité de l’univers (ou de Galactus, pour le bonheur des yeux)…
Castellini déploie un talent dingue : ses illustrations, d’une précision chirurgicale, sont un festin pour les yeux. On pioche, on y revient, on s’incline devant le foisonnement, la dimension épique, les paysages cosmiques grandioses sublimés par un jeu d’ombres et de lumières qui nourrit une atmosphère unique.
Le design du Silver Surfer, à la fois élégant et puissant, est parfaitement maîtrisé, reflétant avec justesse sa dualité intérieure. Quant à White Raven, elle est tout aussi bien traitée, mais avec plus de rudesse : contrepoint de Norrin Radd, elle est la mercenaire sans scrupules ni remords, toute en violence.
Bref : coûteux, certes, mais complet, augmenté d'une interview avec l'illustrateur et d'autres éléments plus classiques (couvertures, croquis, etc.). Cette Obscure clarté des étoiles est un bijou, avec tout ce que cela implique.
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 07/02/2024
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Panini France
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1 Commentaire
Necroko
25/03/2024 à 00:30
Je l'avais lu il y quelques temps déjà sous le titre "Silver Surfer - Paradis artificiel" chez Marvel France (en vo "Dangerous Artefacts"), j'avais beaucoup aimé cette histoire du Surfer. Dessins très impressionnant de Claudio Castellini.