La disparition de l’une de ses poules dans son poulailler n’a pas suffi pour faire changer d’avis à Nicolas Baron, malgré l’évidente signature du forfait que représentaient les quelques plumes retrouvées à l’extérieur de l’enclos : « Le renard […] n’était plus, à [ses] yeux, l’animal fourbe et doublement nuisible, en tant que prédateur et vecteur de maladies que la littérature et la législation avaient construit depuis très longtemps. »
Le 23/01/2024 à 11:41 par Mimiche
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23/01/2024 à 11:41
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Au contraire ! C’est avec un « œil plus bienveillant » qu’il nous propose de découvrir un « petit canidé sauvage doté de capacités remarquables » et notamment celle d’être, dans certains cas, « un allié face à certains défis écologiques » comme le mettent en évidence des ouvrages de plus en plus nombreux de biologistes et autres éthologues.
En trois étapes historiques récentes, l’auteur va nous amener du furtif habitant de la ruralité du début du XXe siècle à l’occupant opportuniste des territoires plus ou moins délaissés à la périphérie des activités anthropiques en milieu urbain au début du XXIe siècle, en passant par les heures sombres de l’épizootie de rage qui s’est abattue sur la France à partir des années 1968 et dont tant de renards ont été les victimes : « Sur les trente années de l’épizootie rabique, ce seraient donc entre quinze et trente millions [!!!…] de renards qui auraient été tués par les humains » !
D’abord, à rebrousse-poil des histoires, légendes et autres classifications dégradantes d’« Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts » (ESOD), Nicolas Baron entreprend une réhabilitation en bonne et due forme de Maître Goupil qui mérite toute la place qui est la sienne au sein du vivant ! Au sein de cet équilibre fragile et merveilleux de la chaîne dite trophique qui, depuis l’aube des temps, du producteur primaire au détritivore final en passant par les super-prédateurs, forme ce continuum du vivant (auquel l’homme ne manque aucune occasion, lui, pour occasionner des dégâts répétés et souvent irrémédiables), Maître Goupil n’usurpe rien, tient son rôle avec persévérance, envers et contre toutes les avanies qui lui sont infligées.
Et la rage dont il fut le vecteur a bien failli faire de lui (comme le loup pour d’autres raisons pas plus raisonnables) un autre disparu de nos campagnes que seule sa capacité d’adaptation et de reproduction lui a évité.
Aujourd’hui, Maître Goupil colonise les interstices des espaces urbains et profite sans vergogne de tous ces déchets dont l’homme aime à parsemer son chemin comme tout bon petit Poucet qui aurait perdu le sens commun.
Et bénéficie d’une image un peu redorée par une pénétration, bien involontaire de sa part, « au cœur des imaginaires » où, élevé au rang de star sur les petits et les grands écrans, sous l’effet d’un balancier redoutable, il en vient à susciter un désir d’appropriation, d’apprivoisement, pas plus souhaitable que l’extermination qui lui fut un temps promise !
Dans son livre, Nicolas Baron s’écarte délibérément de ce travers tant répandu qu’Éric Baratay, auteur de la préface, montre du doigt quand « niant leurs spécificités [celles des animaux, NdR]», « nous [les humains, NdR], nous pensons comme point absolu de référence » (et c’est vrai que ce qui se passe actuellement, entre autres, en Ukraine, au Haut-Karabakh, en Afrique, etc.… devrait tout de même nous faire descendre d’un cran dans nos imbéciles prétentions de supériorité…).
Par ce pas de côté, il accepte le challenge du regard différent, ayant « décidé d’adopter dans [ses] travaux le point de vue animal ainsi que le font de plus en plus de chercheurs » pour raconter, comme Éric Baratay le suggère, « une autre vision de l’histoire ».
Son ouvrage, factuel, clair, vivant, hors du champ de toute polémique, se lit comme un roman historique et nous fait traverser plus d’un siècle d’une cohabitation au monde qui n’est toujours pas apaisée mais dont la présentation très didactique ne peut que contribuer à la réhabilitation du renard dont l’ASPAS, associée à Actes Sud dans cette collection Mondes Sauvages en tant qu’association vouée corps et âme à la protection de la nature, a fait son logo et son combat fétiche.
Et ce combat n’est pas inutile, car, comme tant d’autres espèces vouées aux gémonies par la tradition, la loi, la peur, l’ignorance, la bêtise parfois, voire des intérêts pas toujours très clairs ni avouables, Vulpes vulpes reste accroché par le Ministère de l’Écologie (!!!) au diabolique acronyme : ESOD !
Il reste à espérer qu’il ne faudra pas encore attendre que l’espèce ait fourni aux partisans de sa destruction des millions d’autres victimes pour que, comme ce fut le cas lors du développement phénoménal de cette zoonose au siècle dernier, « l’effort financier et humain » soit réorienté dans l’intérêt de Maître Goupil, « les autorités ayant enfin compris qu’il vaut mieux combattre aux côtés des renards plutôt que de s’acharner contre eux »...
Par Mimiche
Contact : contact@actualitte.com
Paru le 05/04/2023
199 pages
Actes Sud Editions
21,00 €
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