Les éditions Huginn&Muninn ouvrent une nouvelle collection, « Le frisson made in comics », avec trois nouvelles séries horrifiques, Killadelphia, Ice Cream Man et Silver Coin, traductions de comics américains reconnus outre-Atlantique et dont le premier figure notamment dans la liste des nominations des Will Eisner Award (équivalent américain de nos fauves d’Angoulême) de la meilleure série.
Le 28/09/2023 à 16:13 par Jean-Charles Andrieu de Levis
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28/09/2023 à 16:13
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Dans l’histoire de la bande dessinée américaine, les comics dédiés à l’horreur, les horror comics, ont une place de choix. Apparus dans les années 50 sous la bannière d’E.C Comics, ce genre de comics connu rapidement une popularité saisissante notamment avec des titres comme Tales from the Crypt ou The Vault of horror. Majoritairement lues alors par des GI rentrés de la guerre de Corée, ces publications constituèrent l’opportunité par des accusateurs et moralisateurs de tous poils, emmenés par le populaire psychiatre de pacotille Fredric Wertham, de clouer au piloris les comics dans leur ensemble en raison de leur influence néfaste sur la jeunesse. Légalement irréprochable, le secteur des comics s’est alors protégé en adoptant des normes d’autorégulation, le comics code authority, qui interdisaient en somme la publication des horror comics. Cette censure marqua toute une génération, mais ce genre trouva un nouveau souffle dans les années 70 pour recouvrer de nos jours une grande vitalité.
Évidemment, les albums publiés par Huginn & Muninn s’en démarquent par une grande modernité, même si certains préservent une forme de tradition créative. Nous pensons notamment à Ice Cream Man qui met en scène des histoires différentes les unes des autres, semblant disjointes d’un premier abord, qui introduisent le fantastique dans le quotidien, qui plus est dans le quotidien d’une banale banlieue américaine. Le surnaturel s’immisce dans l’intimité de chacun pour faire ressurgir les rêves déchus, les désirs refoulés et la tragédie de certaines destinées. L’horreur opère ici, à l’instar des comics des années 50, comme révélateur d’un inconscient collectif, comme catalyse d’une dramaturgie chronique et sociale paradigmatique de la société américaine.
Pas si éloigné, Silver Coin possède les contours de la série anthologique, prenant comme fil rouge une fameuse pièce de monnaie hantée qui possède celui qui la possède (si si, cette fin de phrase a du sens). Ici aussi, des récits séparés les uns des autres, dont la variété de registres constitue justement tout le sel, chaque épisode étant scénarisé par un auteur distinct, dont les confirmés Jeff Lemire et Chip Zdarsky (qui n’ont pas forcément livré les meilleurs épisodes). Ce premier volume regroupe 5 récits absolument réjouissants qui se concluent par un épisode permettant de comprendre l’origine de l’aura maléfique de cette pièce. Si d’ordinaire ce genre de justification appauvrit le mystère des univers développés, il n’en est rien ici et nous avons hâte de découvrir la nouvelle salve de récits qui saura à n’en pas douter faire couler l’hémoglobine et développer, en quelques pages seulement, un univers fort aux sensations garanties.
Troisième série de cette collection, Killadelphia, sous la plume de Rodney Barnes et le pinceau de Jason Shawn Alexander, nous a rendu d’un premier abord plus prudent, n’étant plus tellement friand d’histoires de vampires. La lecture de ce premier volume a désamorcé toutes les réserves et au contraire s’est révélée assez enthousiasmante. Les auteurs reprennent ces personnages maintes fois usés pour proposer une idée originale dans un récit en forme de thriller bien mené où les péripéties se suivent en cascade pour mettre à jour un complot ourdi depuis de longues années. Le dessin est particulièrement prenant, jouant sur du réalisme passé au crible d’une forme de plasticité numérique. Une ambiance originale et prenante plane dans ces pages que l’on parcourt avec plaisir.
S’ancrant donc dans la pure tradition des horror comics, cette nouvelle collection démarre très fort !
En plus de ces comics estampillés « horreur », Hugin&Munnin propose aussi des œuvres fortes, puissantes, souvent empruntées au catalogue de la prestigieuse maison d’édition Image Comics, comme Seven Sons. Ce comics est une œuvre pour le moins singulière, avec une réelle densité narrative assortie d’images à couper le souffle. Ce récit de l’ascension d’une nouvelle église érigée sur le statut de sept enfants identiques brille par son intelligence, par une construction particulièrement bien pensée qui permet d’approfondir pleinement son sujet sans pour autant perdre le lecteur ou se perdre en mystères inutiles. A l’image des dessins virtuoses, fouillés, qui prennent place dans des mises en page éclatées et vacillantes qui déstabilisent l’horizon tout en préservant une clarté dans la représentation. Jae Lee s’implique pleinement dans ce comics mystique et politique absolument passionnant que nous ne pouvons que trop vous recommander. Vous reprendrez bien un peu de comics indépendant !
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