C’est à la fin du XIXe siècle, et plus exactement en 1896, que le savant Suédois Svante August Arrhenius – futur Prix Nobel de chimie –, évoqua pour la première fois la théorie de la serre chaude. Selon lui l’accroissement de la quantité de C02 dans l’atmosphère sous l’effet de l’utilisation des énergies fossiles réchauffe la Terre. Mais il estimait que cette hausse des températures ne présageait pas forcément un désastre écologique.
Le 11/04/2023 à 16:33 par Jean-Luc Favre
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11/04/2023 à 16:33
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Depuis cette date inaugurale, de l’eau a coulé sous les ponts, avec la forte industrialisation des années soixante, la course aux armements et la conquête spatiale.
Il faut cependant attendre 1988, pour que le scientifique James E. Hansen, climatologue auprès de la NASA, interpelle les autorités sur le fait que l’atmosphère terrestre est en train de se réchauffer, en créant du même coup dès l’annonce, un certain émoi international face à un nouveau mal grandissant qui va changer durablement la destinée de la planète et l’ensemble de ses habitants.
Nous entrons alors et presque logiquement dans une nouvelle ère, celle de la pensée (ou du penser) écologique qui originellement n’a rien de suspect, tant s’en faut. Le 2 septembre 2002, le président français Jacques Chirac, lors du Sommet mondial du développement durable ; à Johannesburg en Afrique du Sud, lâche sa célèbre phrase, « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Une alerte décisive ! L’opinion internationale est désormais organiquement informée.
Les dirigeants planétaires prennent pleinement conscience du danger imminent qui nous guette. L’Apocalypse frappe désormais à notre porte ; des mouvements citoyens de toutes sortes voient le jour et s’amplifient, les manifestations internationales se multiplient dans de nombreux pays Nord/Sud. En 2007 en France, le président Sarkozy, lance le Grenelle de l’environnement qui donne lieu à la Loi de programmation du 3 août 2009 et qui trace les grandes lignes d’une politique nationale ambitieuse dite post-réchauffement climatique, avec des objectifs précis pour parvenir à l’horizon 2050 à une réduction par quatre des effets de serre, regroupée autour de six grands secteurs : Le bâtiment et l’habitat, les transports, l’énergie, la santé, l’agriculture et la biodiversité.
La France montre l’exemple à l’aide d’un programme engageant, parfaitement réalisable dans les faits qui démontre et valide une prise de conscience solidaire des risques encourus par le progrès humain. La Cop 21, le 12 décembre 2015, sous la présidence de François Hollande, emboîte le pas. Un accord historique entre en vigueur le 4 novembre 2016, signé par 175 parties et l’Union européenne, dont la Chine et les États-Unis qui produisent à eux seuls 40 % des émissions mondiales.
La planète est-elle sauvée pour autant ? Certes non ! Avec en ligne de mire des causes plus que significatives de la déliquescence planétaire et qui semble pour le moins irréversible, sauf si ? Appauvrissement de la couche d’ozone, diminution de la disponibilité en eau douce, destruction des forêts, déclin de la vie marine, destruction incontrôlée de la biodiversité, et cerise sur le gâteau, la croissance exponentielle de la population humaine.
Un tableau pour le moins noir, sur lequel viennent se greffer, la famine, les maladies, la pauvreté, les guerres localisées, et pourquoi pas, le clonage et les OGM. Tout un panel de réalités affligeantes qui fragilise l’espèce humaine dans sa durée. Avec pour conséquences des impacts indéniables sur la santé mentale et physique des individus. Une gangrène donc, insidieuse, et progressive — pas toujours immédiatement perceptible, et qualifiable autrement que quantifiable, mais qui petit à petit fait son nid.
L’Homme ne s’alarme plus, il angoisse carrément ! À la clé, un fort sentiment d’impuissance et de culpabilité pour les générations futures. Sans occulter évidemment la pandémie planétaire liée à la Covid 19. Un mal va toujours avec un autre mal déjà existant comme une étrange combinatoire de la fatalité. L’homme est désormais confiné « chez soi », et il porte le masque. Il ne manquait plus que çà !
De quoi en effet perdre la boule ! Au cœur d’un modèle occidental boosté à la surconsommation outrancière des ressources économiques et environnementales et devenu conséquemment un « réflexe comportemental habituel » pour des millions d’usagers potentiels.
L’homme occidental a ainsi perdu la raison pervertie par un schéma d’habitudes et de pratiques qui n’a rien de glorieux fondé sur une négation presque évidente de « ce qu’il a été, et ce qu’il est » en rêvant paradoxalement d’un monde meilleur catégorisé par la seule notion du bien-être universel accolé à « une conscience rationnelle en voie de disparition ». En clair l’homme du XXIe siècle prend la fuite, il la précède même parce qu’il a peur ! Mais de quoi au juste qui n’est pas déjà inscrit dans ses gènes ?
De ce point de vue certes minimal, c’est le philosophe de l’environnement Glenn Albrecht, dont les travaux en la matière son mondialement reconnus, qui emploie pour la première fois le terme quelque peu barbare de « solastalgie » - qui provient de solacium, « réconfort » en latin, et d’algie en grec ancien, algos, « douleur », et qui tire principalement son essence de la « perte du réconfort engendré par l’atténuation d’un environnement, d’un chez-soi familier ».
Ainsi l’effondrisme (de la Maison Mère) quelles qu’en soient la nature et la provenance « pose la question de se positionner, mais pas uniquement par rapport à la théorie elle-même, mais également du rapport à des expériences individuelles et collectives ».
Sur un plan sociologique rien de bien nouveau. Les mutations sont toujours inscrites dans un schéma donné de probabilités, constantes selon les époques. L’homme est toujours en mesure de s’adapter face à ce qui le trouble et le gêne, sauf que dans ce cas précis le sentiment de solastalgie intègre des « aspects environnementaux, mais également sociaux, culturels, spatiaux et temporels ».
Le régime de l’angoisse n’est donc pas spécifiquement établi et globalisant, « je suis régulièrement victime d’angoisses, mais je ne sais pas d’où elles proviennent, il n’empêche que c’est très oppressant », mais plutôt sectoriel, qui vise une traduction très précise du sens à donner à la souffrance ressentie.
« Il ne s’agit pas simplement d’une détresse psychologique autocentrée sur l’acteur, mais plutôt d’une préoccupation d’ordre ontologique » comme le souligne très justement le docteur Alice Desbiolles dans un excellent ouvrage intitulé « l’éco-anxiété — vivre sereinement dans un monde abîmé », échappant alors à toute cartographie et lecture antérieures et qui affecte « tout individu ayant un degré d’empathie écologique suffisamment élevé pour appréhender la Terre dans son ensemble et la considérer comme son foyer, sinon comme sa mère ».
Ceci dit, ce n’est pas la première fois dans l’histoire de l’humanité que la Déesse-Mère, féconde et protectrice est évoquée, il existe une vaste littérature sur le sujet, pour finalement surseoir au malheur humain : « Je nais puis je meurs ».
Une fatalité qui n’a rien de temporaire celle-là, et qui considère l’aspect intégral et perceptible de la toute finitude. « Ainsi la solastalgie constitue la réponse émotionnelle à l’évolution du monde. Elle incarne seulement la nostalgie du futur, une angoisse existentielle face à la destruction de l’environnement et des êtres vivants qui l’entourent. L’éco-anxiété reflète quant à l’elle l’inquiétude anticipatoire que peuvent provoquer les différents scénarios ». « Les grandes civilisations naissent, grandissent, prospèrent, s’affaiblissent et déclinent à la manière d’un corps humain ». Pourquoi pas !
De fait « les éco-anxieux pâtissent de leur vision holistique du monde, de leur empathie pour le vivant, les écosystèmes et la souffrance d’autrui. Ils souffrent de ce qui ne dépend pas d’eux en tout cas directement ». Une détresse (à ne pas confondre avec le stress) du « lieu » et « en lieu » « qui doit être compris comme un traumatisme ontologique en tant que fabrication du — lieu —, de l’appartenance, des relations sociales enchâssées dans des sentiments ou d’associations avec le domicile ».
Aussi et pour aller plus avant en prenant quelques raccourcis toutefois, « l’écologie posséderait-elle le pouvoir de rassembler au-delà des différences de culture ou de conditions en ce qu’elle détermine la pérennisation ou la chute de nos sociétés ? ».
Je ne suis pas persuadé quant à moi qu’il existe une seule porte d’entrée, aux maux qui assaillent la planète, en vertu précisément d’une longue et tumultueuse histoire de l’humanité, et qui n’est pas seulement référentielle ou classificatoire, mais engage au contraire un processus plus complexe dont la survie demeure le moteur probant.
Certes le mal-être est un phénomène indéniable, dont témoignent les grands événements du XXe entre autres ; mais je suis prêt à parier que « Dame-Nature » est plus « puissante et robuste » qu’il n’y paraît (l’ère glaciaire n’a pas fait disparaître la Terre) et dont nous ne sommes d’ailleurs que de simples hôtes. Et même si nous sommes bien les comptables de nos propres erreurs, nous disposons également de la formidable capacité créatrice d’endiguer la « démonstration eschatologique » dont nous restons malgré tout les insidieux et vulnérables promoteurs. À condition de le vouloir vraiment ?
Crédits photo : dmbosstone (CC BY-NC-ND 2.0)
Paru le 09/09/2020
233 pages
Fayard
18,00 €
2 Commentaires
Aurelien Terrassier
12/04/2023 à 10:17
L'eco-anxiété existe bel et bien. Antoine Pellisolo, célèbre psychiatre en a parlé sur France Inter il y a quelques mois. Dès l'instant que celle-ci ne dérive vers des théories complotistes qui sont contraires au savoir de l'histoire et la science, elle est tout à fait recevable et elle peut être traité si possible mais ce n'est pas pour autant qu'il faudrait oublier d'autres types d'anxiété comme la peur de finir ses jours seul.e ou encore celle d'une troisième guerre mondiale. Je ne dis pas que la seconde option puisse autant avoir d'impact dans le débat public que l'eco-anxiété, mais avec la guerre en Ukraine, peut-être que c'est aussi l'anxiété d'une majorité silencieuse de même que le sentiment d'agonie qui est peut-être le paraxysme de toutes les anxiétés confondues. Cela dit, il faut agir contre le réchauffement climatique et la dernière bonne nouvelle, c'est quand même que la production des énergies renouvelables a dépassé celle du charbon aux États-Unis! Donc certes il faut agir mais si l'on ne parle que de l'eco-anxiété et que l'on parle de la lutte contre le réchauffement climatique par le biais du declinisme voir pire par la collapsologie une idéologie réactionnaire qui n'a rien à envier à sa jumelle qu'est le transhumanisme (Didier Raoult c'est le pont levi idéologique de ces deux idéologies néfastes), on se tire carrément une balle dans le pied! Le point commun entre la collapsologie, la théorie de l'effondrement qui n'est autre que la prédiction la disparition de l'humanité dans cinquante ans et le transhumanisme qui est la prédiction d'une humanité transformée plus ou moins en humains augmentés ou cyborgs dans cinquante ans, c'est le capitalisme vert dont beaucoup de produits et autres gadgets connectés qui ne servent à rien juste à enrichir des entreprises qui se rapprochent de la logique de la la logique d'Elon Musk et d'autres de la Silicon Valley. Le combat n'est donc pas civilisationnelle contrairement à ce que prétend la mouvance neo-reactionnaire et l'extrême droite mais bien sociétale et je pense que les gens raisonnables ne croient pas à la décroissance à grande échelle pas plus qu'au communisme de l'URSS au siècle au dernier mais plutôt à une économie de marché compatible avec l'écologie qui serait bénéfique pour le pouvoir d'achat et une meilleure qualité avec plus d'éoliennes et de voitures électriques, d'alimentation bio. C'est aussi le combat de ces gens parmi les jeunes qui marchent pour le climat et les mouvements agricoles qui se battent aussi pour un meilleur travail en production bio. Voilà quelques clés pour sortir de l'eco-anxiété.
Mise en trope
13/04/2023 à 10:28
Qu'attendre de quelqu'un qui parie sur des guillemets ?
Quand on refuse de reconnaître la peur et de l'associer à son intelligence, la seconde en prend un sérieux coup (à l'arrêt : elle a besoin de la première pour avancer). La première s'enfonce encore un peu plus dans l'impensé.