Banlieue de Rome. Une vieille ferme en ruine. Deux jeunes Hispaniques se disputent autour d’un corps inerte allongé sur le sol. Jaime, le plus jeune, rechigne à obéir aux ordres de son aîné, de quelques courtes années seulement, Ramon, qui lui a demandé d’aller chercher des sacs en plastique pour y mettre les morceaux du corps, une fois qu’ils l’auront découpé. Comme on leur a demandé de le faire...
Le corps, c’est celui d’une jeune fille qui a été sauvagement battue, maltraitée, violentée et laissée là totalement couverte de plaies et de bosses. Mais pas encore morte.
Au milieu de la dispute, avant qu’ils n’aient eu le temps de mettre leur forfait à exécution, un homme surgit, un pistolet à la main. Vif comme l’éclair, Ramon lui décoche un coup de couteau qui manque son but. Mais lui permet de prendre ses jambes à son cou et de fuir. Jaime, lui, effondré, se laisse embarquer par le policier qui avait opportunément reçu une information dénonciatrice.
Dès qu’il a eu pu observer la jeune fille avant même qu’elle soit transportée à l’hôpital, « le Blond » a senti se hérisser les poils sur la peau. Tout revient en un instant à sa mémoire qui n’avait rien pu oublier. Des années plus tôt, un crime, celui-là arrivé à son terme mortel, avait été commis sur une autre jeune femme. Avec les mêmes symptômes, les mêmes méthodes, les mêmes nœuds colorés de cordes. Des nœuds de shibari. Un crime qui avait résisté à toutes les investigations que lui, Gianni Romani, avait entreprises avec ses collègues Alba Dorria et Giannaldo Rossi, dit Dr Sax. Sans jamais parvenir à l’élucider vraiment.
Pourtant, ils étaient la crème de leur promotion de l’école de police, sortis tous les trois en tête du classement. Mais rien n’y avait fait : le meurtre de la Petite Sirène avait trouvé une issue qui n’avait satisfait aucun des trois amis et avait provoqué, progressivement, insidieusement, leur éloignement tant professionnel qu’amical.
Alors quand il se retrouve devant ces cordes qui ramènent à sa mémoire les passages douloureux de cette ancienne affaire, le « Blond » n’hésite pas un instant et reprend contact avec celle qui est devenue la Commissaire Dorria. Et, ensemble, ils font de même avec le Dr Sax qui est entré dans des services plus obscurs de la Police, sous l’aile protectrice de celui qui est devenu son beau-père, Cono di Sangiorgio, et qui est un homme du secret pour qui « le vrai pouvoir aime l’ombre [et] n’a que faire des projecteurs ».
Après toutes ces années, les trois amis retrouvés se lancent dans cette enquête comme dans une histoire de vengeance : coincer celui qui leur avait échappé une première fois et rendre justice à la jeune inconnue horriblement blessée et mutilée.
Avec ce roman, on entre dans les arcanes des protections et autres connivences, dans la corruption et autres comportements ripoux, dans les pratiques SM et l’impunité que l’argent autorise en se rendant indispensable.
En tant que magistrat avant que d’être auteur, Giancarlo de Cataldo a certainement dû avoir à se frotter à ces « jeux » subtils et dangereux que jouent « les amis de mes amis » à leurs profits, avantages et impunités respectifs pour en parler si facilement ! Et c’est donc avec une vision probablement très réaliste qu’il nous emmène dans une histoire où le sordide côtoie le luxe et la luxure, où le pathétique fait le pendant à la brutalité, où les petits malfrats tentent de donner la réplique aux criminels de haut vol, où l’argent autorise tout et même pire encore.
L’enquête tire une partie de son originalité dans le trinôme constituant l’équipe responsable du premier meurtre puis de la deuxième agression : deux hommes et une femme. Des caractères marqués que tout, à la réflexion, devrait séparer (et c’est ce qui leur est arrivé après leur échec commun) et qui pourtant leur permet aussi de travailler ensemble efficacement du fait de leur complémentarité.
Pour autant, si leurs mondes se croisent, ils ne se mêlent pas. Alba déteste les paillettes dans lesquelles elle a vécu au contraire du Dr Sax qui n’ambitionne rien plus que de s’intégrer dans sa riche belle famille, lui qui s’était fait prêter des vêtements par le Blond pour assister à leur cérémonie de remise des diplômes… Et si le Blond n’a pas oublié son histoire avec Alba, cette dernière est bien loin de « remettre le couvert », des années plus tard, avec autant de passion que lui qui n’a rien oublié de cet attachement pour elle un peu viscéral.
Mais leurs relations interpersonnelles n’entravent pas leur capacité phénoménale de travail individuel qui fait de leur équipe une formidable machine à labourer le terrain, les indics, le dark-web, les accointances de tous bords même si aucun ne peut s’empêcher de se la jouer un peu perso et de poursuivre ses propres idées.
Tout cela fait une très belle histoire, mais (car il y a un « mais ») j’ai été un peu déçu par une narration trop embrouillée par des allers et retours dans le passé trop brutaux tout en étant mal perceptibles, conduisant à une déstabilisation du lecteur que je suis, trop souvent incapable de savoir s’il est dans le passé ou dans le présent, perdu dans des scènes qui se ressemblent, mais sont différentes, apportant des éclairages différents et embrouillants.
Si bien que, et c’est rarissime en ce qui me concerne, j’ai quasiment dû relire le livre pour arriver à repositionner tous les éléments du puzzle dans les différentes chronologies et périodes concernées par les deux enquêtes superposées.
Alors oui c’est une histoire intéressante, mais je trouve que l’auteur l’a rendue excessivement opaque pour masquer des différentes pistes qui, certainement, auraient trop vite mis en lumière des évènements et des indices déterminants. Et qu’il s’est un peu égaré dans quelques passages dont la vraisemblance paraît un peu légère.
La chose que je retiendrai de ce roman reste la noirceur de ces « bourrés de pognon » de tous bords qui se permettent d’acheter des femmes pour le plaisir sadique de faire souffrir y compris jusqu’à la mort. Noirceur cachée par leurs relations et leur argent lesquels assurent leur impunité dans des compromissions assumées… Face à cela, l'impuissance démoralise un peu...
Certainement les mêmes qui se réjouissent des destructions dans des pays en conflits : ils vont gagner encore plus d’argent aujourd’hui en vendant des armes que demain en reconstruisant. Alors que « l’Humanité d’en bas » paiera tous les pots cassés.
Par Mimiche
Contact : contact@actualitte.com
Paru le 11/03/2022
268 pages
Editions Métailié
19,00 €
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