Nuuk. Capitale du Groenland. En plein cœur du mois de décembre, le jour ne dure que quelques heures seulement. Après des problèmes personnels importants, le commandant Qaanaaq Adriensen a été ré-intégré par Arne Jacobsen, son supérieur de Copenhague qui, pour valider son aptitude à reprendre du service, lui a mis deux bâtons de taille dans les pieds !
D’abord subir les assauts de Pia Kilanaq, la psychiatre chargée de vérifier, au travers d’entretiens quotidiens, son retour en capacité de reprendre la charge d’enquêtes criminelles. En attendant le verdict de celle-ci, il devait être exclu sans discussion. Ensuite, reprendre contact avec la réalité de terrain grâce à des visites professionnelles dans neuf postes différents du Groenland dans le cadre d’un périple lui faisant sillonner l’île de Sud au Nord et de l’Est à l’Ouest ! Des deux challenges, ce n’est certainement pas le second qui pose le plus de problèmes à Qaanaaq ! Et les rendez-vous en vidéo imposés par les déplacements aux quatre coins du pays ne rendent pas les échanges faciles avec la psychiatre.
C’est à la fin de l’une de ces séances avec Qaanaaq à Nuuk que Kilanaq reçoit, en tant que responsable du numéro vert national de prévention du suicide, un message concernant le décès, à Ummaannaaq, d’une jeune fille, pensionnaire d’un foyer pour adolescents en difficultés. Dans l’une des petites villes où Qaanaaq doit se rendre dans son périple...
Mais, ce dernier, après avoir bataillé ferme avec Jacobsen, s’envole d’abord vers Qaanaaq, la ville qui lui a valu son prénom, pour prendre contact avec son subalterne local, mais surtout pour assister aux obsèques d’un chamane reconnu dans le pays. Un homme qui vivait avec sa mère biologique depuis des années : sa mère, une danoise totalement immergée dans la culture inuit.
Accompagné de son adjoint, Apputiku, Qaanaaq ne parviendra pas à revoir sa mère, étrangement absente à la cérémonie. A présent âgée et incapable de subvenir seule à ses besoins, sa mère s'en est allée, selon la coutume ancestrale, au-devant d’une mort certaine, à pied, sur la banquise encore trop fragile.
À son retour à l’héliport afin de poursuivre son voyage, encore bouleversé par les deux disparitions qu’il vient successivement de subir, Qaanaaq reçoit de la part d’un pilote qui vient juste d’atterrir, un paquet sans identification d’expéditeur, mais à lui destiné ! À l’intérieur les attend une surprise de taille : une main humaine au sexe indéfinissable constellée de tatouages représentant ce que son adjoint reconnaît immédiatement comme étant des lettres inuktitut. Des tatouages dont Apputiku affirme qu’ils ne peuvent qu’avoir été faits par un tatoueur traditionnel dont il n’existe quasiment plus de représentants capables de les réaliser au Groenland.
Prenant les devants, Apputiku décide de rentrer à Nuuk pour s’occuper de cette affaire et de laisser son chef poursuivre le voyage seul : ainsi, ce dernier sera à l’abri de la tentation de s’investir sur ce qui ne peut que relever de très graves sévices sur une personne à identifier, voire, plus vraisemblablement, un homicide.
Mais à Ummaannaq où le conduit l’hélicoptère de la Police, Qaanaaq ne peut éviter les questions relatives à la jeune fille dont il a, par hasard, appris le suicide quelques jours auparavant.
Je me dois, après mes jérémiades répétées sur la difficulté de lire des polars se déroulant au Danemark, Islande ou autre, du fait des noms imprononçables et difficiles à retenir, d’être reconnaissant à l’auteur d’avoir inclus, en fin d’ouvrage, une liste de ses personnages comme cela se pratique en tête des pièces de théâtre. C’est particulièrement agréable, cela ne nuit en rien à l’intrigue et c’est bien pratique…
En tous cas, cela a aussi le mérite de laisser l’esprit du lecteur moins préoccupé par cette mémorisation souvent délicate (et pour moi, c’est bien le cas) et donc plus disponible pour suivre une enquête particulièrement bien conçue et mise en musique pour captiver, sans issue ou échappatoire, celui (ou celle) qui se laisse glisser dans cette lecture.
Les traditions inuit fournissent une magnifique toile fond pour cette enquête que le commandant Adriensen ne pourra pas éviter malgré l’épée de Damoclès qui rôde au-dessus de sa tête et de son avenir de policier.
Le Groenland et sa nature exceptionnelle faite de roche et de glace, de froid et de nuit, offre un cadre captivant à cette enquête qui ne l’est pas moins.
Petit bémol sur le scénario : le crash et les suites du crash d’un hélicoptère dans le premier tiers du livre manquent diablement de crédibilité quand on connaît d’une part la température des eaux océaniques dans ces régions septentrionales et, d’autre part, l’espérance de temps de survie en cas de plongeon dans de telles eaux ! Mais je vous laisse tout loisir de juger par vous-mêmes de cet épisode somme toute certainement marginal.
Cela n’enlève rien à l’intérêt du roman qui fait découvrir et pénétrer un mode de vie totalement contraint par la nature et par les spécificités liées à la latitude de ces régions.
Mais aussi tout ce que ce mode de vie a entraîné d’adaptations et de traditions : c’est toujours étonnant, même si ces pratiques sont aujourd’hui largement documentées par les ethnologues, de retrouver, dans le comportement de la mère biologique du commandant Adriensen le même consentement, la même acceptation de la mort que celle du vieux mongol dans Le Totem Du Loup (une ancienne magnifique lecture).
Et c’est toujours un mystère que de constater, polar après polar, auteur après auteur, que, partout autour du monde, ce sont les mêmes ressorts qui animent l’âme humaine sans souci de couleur, de civilisation, de sexe et de société : c’était mon « premier polar groenlandais » (certes écrit par un auteur français !!!) et je n’ai pas été, de ce point de vue, dépaysé.
Une lecture qui donne envie de se plonger dans les deux précédents polars du même auteur (et avec le même héros principal) que, fidèle à mon habitude, j’ai « zappés » en passant directement au tome 3 !
crédit photo : Visit Greenland/ Unsplash
Paru le 12/05/2021
432 pages
Points
8,90 €
Paru le 11/03/2009
634 pages
LGF/Le Livre de Poche
8,10 €
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