ENQUÊTE – La récente annonce d’une levée de fonds de 2 millions € réalisée par la start-up Gleeph relance les interrogations : les réseaux de lecteurs sur internet, véritables clubs de lecture numériques se partagent l’attention des internautes. Quelles sont les véritables dynamiques derrière ces outils ? Et plus encore, quelle place occupent-ils dans le paysage web ?
Le 11/01/2021 à 14:55 par Nicolas Gary
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Publié le :
11/01/2021 à 14:55
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Si l’on ne prête qu’aux riches, alors Gleeph a clairement obtenu un véritable blanc-seing. Originaire de La Rochelle, l’entreprise qui revendiquait 250.000 utilisateurs en novembre dernier a largement attiré l’attention, avec cet apport économique de 2 millions €, sur les communautés de lecteurs. S’il ne faut pas confondre volume d’interactions et prescription, on peut aisément imaginer qu’un lien entre les deux puisse exister. Plus l’espace web est occupé par un opérateur, plus il se rend visible — et par conséquent, devient référent, de par, justement, cette place prise sur la toile.
Nous avons alors décidé d’une plongée dans les éléments manifestes de chaque réseau de lecteurs — comprendre, les chiffres et données publiquement accessibles. En termes de méthodologie, quatre points se présentent : d’abord, un comparatif sur le nombre de critiques recensées, avec pour ligne de mire les lauréats des grands prix littéraires.
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Un deuxième volet intervient à partir de la liste des meilleures ventes de livres de l’année 2020. Nous avons introduit un focus sur la catégorie Polars, avant de conclure sur un comparatif du trafic enregistré sur chaque site — ici, nous avons eu recours à Similarweb, outil qui a le mérite de mettre tout le monde sur un pied d’égalité, malgré ses carences.
Deux points sont à noter : sur Babelio, le nombre de critiques enregistrées équivaut aux posts réalisés par les utilisateurs. Pour Livraddict, nous avons cumulé les posts/commentaires d’utilisateurs ainsi que les liens vers les articles de blogueurs. Les relevés ont été effectués entre le 3 et le 10 janvier : les mesures peuvent donc varier, mais uniquement pour afficher des volumes à la hausse. Il est rare qu’un réseau voie des chroniques disparaître…
Prix Goncourt, Fémina, Medicis, et ainsi de suite, nous avons retenu les 8 prix littéraires majeurs, en fonction du bilan 2020 que nous avions établi. Si Babelio s’avère le plus présent sur les réseaux, on remarque que Gleeph n’est qu’à ses balbutiements.
Autre point remarquable, du côté des 10 meilleures ventes de 2020, les lecteurs ne semblent pas passionnés par la critique de cuisine — les ouvrages de Cyril Lignac ont fait des merveilles en termes de vente, mais n’ont pas entraîné l’exaltation des lecteurs.
De même, un gros effet de réseau concentre les contributions sur… Babelio : on le remarque visiblement côté littérature, même si pour Guillaume Musso, cela devient plus équilibré. Et plus encore avec le titre de Léna Situation.
Le classement s’effectue donc sans trop d’hésitation : Babelio, Booknode, suivi de Livraddict et Gleeph, dernier entrant. (volume simple : 800 pour 800 chroniques) [NB: si les opérations de promotion type masse critique peuvent faire varier “artificiellement” le nombre de chroniques d’un ouvrage, elles représentent près de 0,6 % nous indique Babelio]
Enfin, sur le volet littératures de mauvais genres — nous venons à ce titre de publier le classement des 10 meilleures ventes de l’année en polar — nous avons pu intégrer Bepolar, qui se positionne tout à la fois comme média et réseau communautaire spécialisé. Sur les cinq meilleures ventes, une fois n’est pas coutume, Babelio l’emporte, avec quelques batailles entre Booknode et Livraddict sur certains titres.
Pour mieux mesurer la visibilité dont bénéficient les réseaux de lecteurs, une mesure d’audience stricte est impossible. Pour disposer d’un effet prescripteur, il faut être lu, certes. Cependant, mesurer la capacité de prescription dépasse le simple cadre du trafic enregistré sur les sites. À partir des données Similarweb, qui placent tous les sites sur un même niveau, voici donc ce que l’on peut observer.
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Nous avons également, à titre informatif, ajouté les deux médias professionnels que sont ActuaLitté et Livres Hebdo. Ils ne servent que de mesure comparative — les réseaux sociaux, basés sur une activité découlant des contributeurs, comptent plus de « rédacteurs » qu’un média, par définition. En outre, décembre joue plus encore en notre défaveur : la mise en place de notre nouveau site nous a égaré quelque 200.000 visiteurs (en regard de novembre 2020).
Nous finirons bien par les retrouver, mais les données restent évocatrices en attendant. (volume en milliers)
Dernier point de ce passage en revue, les solutions mobiles : aujourd’hui, tout site dispose a minima d’une version adaptée aux écrans de smartphones et de tablettes. Le passage vers l’application n’a rien d’obligatoire, à moins de proposer des solutions spécifiques aux utilisateurs.
Plutôt que de se concentrer sur ces versions mobiles, nous avons passé en revue les applications de trois acteurs — Livraddict ne dispose pas d’appli — pour examiner les notes fournies par les usagers. Ces dernières permettent d’évaluer la dynamique des inscrits un peu fidélisés.
Résolument, et pour le dire vite, Babelio coche nombre de cases à travers les différents segments analysés. Cela ne présume pas de la qualité des uns et des autres, mais bien de l’ampleur que chaque réseau, et de ses usagers, de leur investissement sur ces plateformes — et donc de l’impact sur les pratiques et les publications effectuées.
La question majeure pour chaque acteur reste de savoir comment la situation évoluera : les effets réseaux entraînent ce fameux « Boule de net », par lequel plus on enregistre d’utilisateurs, plus le volume grandit — le type de cercle vertueux qui fait de Facebook un acteur dominant après tout ces années ? Ou bien les mutations web modifieront le paysage dans les prochaines années ?
La question du référencement, cruciale pour ces opérateurs ne sort pas non plus de nulle part : plus le contenu abonde, plus le référencement s’optimise. Mais surtout, aucun ne puise à la source d’un outil quelque peut artificiel pour optimiser sa présence – à ce titre, on peut penser à LeMonde.fr, qui s’achète un site de conjugaison pour croître.
L’autre interrogation découle des usages : la plupart de ces plateformes ont construit leur volume sur des partenariats passés avec des blogueurs — premiers fournisseurs de chroniques. Par la suite, ces internautes ont fini par déposer leurs commentaires en priorité sur les plateformes. Mais quid alors des contenus générés sur les traditionnels réseaux sociaux ? Représentent-ils une source de contenu providentiel ?
La réponse est simple : en fonction de la qualité des éléments, leur présence se justifierait — mais pour l’heure, aucun acteur n’a pleinement intégré les publications Facebook, Instagram ou Twitter comme des publications propres. On notera que, depuis août 2015, un certain Google a intégré dans ses résultats de recherche les messages produits depuis Twitter — mais rejette encore Facebook. Cette valorisation des tweets implique une réflexion réelle du moteur, à l’image que celle qui s’opère auprès des réseaux de lecteurs.
L’avenir est aux plus inclusifs, dans tous les cas.
DOSSIER - Lecteurs, communauté et réseaux sociaux : promouvoir le livre
crédit photo AhmadArdity CC 0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
1 Commentaire
L.B.E Ouvrage.NET
11/01/2021 à 18:36
Fan base, c'est hyper important à valoriser.