Un homme masqué se présente, armé d’un drôle de pistolet en plastique blanc, au domicile d’un vieux monsieur qui se méfie de sa voix douce, car il sait bien que « les soldats les plus cruels [lui] sont apparus sous des airs angéliques ». Les paroles de l’homme masqué sonnent étrangement aux oreilles du vieux monsieur qui est bien persuadé que, sous ces airs affables, se cache assurément un voleur. D’ailleurs, ne lui dit-il pas qu’il repassera dans une semaine…
Le 13/06/2023 à 10:06 par Mimiche
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13/06/2023 à 10:06
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Sur la « Piste qui mène au Parc de Chimanimani », vous allez assister à des échanges ubuesques entre Lauro Tsatso, un chasseur d’animaux, par essence invisibles quand il pose ses pièges, et une équipe des services de santé — qu’il avait, au premier abord, pris pour des gardes forestiers qu’il redoutait les entendre l’accuser de braconnage — en mission dans les zones peu peuplées du pays pour informer la population des risques associés à l’épidémie de COVID-19. Tout ça pour éviter l’encombrement des hôpitaux, eux-mêmes tout à fait invisibles, là, loin de la ville…
Dans un abri sans toit constitué de murs en ruine, des femmes et des hommes se serrent, se terrent. Sans bruit. Debouts. N’osant même pas respirer afin de ne pas attirer l’attention sur eux. Car autour d’eux, dans la nuit, rôdent des militaires, des hommes sauvages que signalent parfois les détonations que provoquent leurs armes. Avares de mots, ils échangent seulement entre eux par gestes, effarés par l’accouchement imminent de Kadira. Car tous savent qu’« une femme peut accoucher en silence, mais personne ne peut empêcher les pleurs d’un bébé qui naît ». Là, le vieux proverbe est dans tous les yeux, dans tous les esprits : « Une pierre peut être plus gênante qu’une montagne ». Tous, autour de Kadira, savent que les « hommes étaient prêts à effacer cette petite pierre »…
Vingt-cinq nouvelles (dont les trois très brièvement introduites ci-dessus) composent ce recueil de textes de Mia Couto dont je ne me lasse pas de déguster la langue si somptueuse.
Des nouvelles très brèves puisqu’aucune n’atteint seulement la dizaine de pages.
Pourtant, chacune est plus qu’un roman, car Mia Couto, en quelques mots, esquisse le roman qui précède sa première phrase et laisse entrevoir tous les romans qui poursuivent chaque point final.
Avec une finesse magique, il donne à imaginer au lecteur toutes les dizaines de pages de vécus plus ou moins lointains, laissant entrevoir ce qui est advenu avant d’en arriver à ce point focal où commence sa réelle narration. C’est un peu comme ces photographies de grands reporters où l’instant présent que donne à voir une image n’est qu’un aboutissement d’une somme d’évènements antérieurs infinie : rien n’est dit, mais tout est dit.
Et quand la nouvelle se termine, le lecteur lui, n’en a pas encore terminé ! Il lui reste tous les possibles que Mia Couto laisse à la disposition de son esprit. Une infinité de possibles dont l’impossible n’est pas exclu. Alors cet esprit se libère et poursuit, seul, l’écriture muette d’un, de plusieurs autres romans.
Dans les nouvelles présentées dans ce recueil, Mia Couto s’est appuyée sur des thèmes plus actuels que ceux que j’avais jusqu’à présent découverts dans quelques autres de ses ouvrages. Ici, c’est la pandémie qui sert de cadre à ces confrontations entre la réalité des zones rurales sans hôpitaux et les consignes sanitaires urbaines clairement décalées. Ou bien ce sont les guerres fratricides ou terroristes ponctuées d’horreurs bien connues, mais au milieu desquelles il parvient quand même à faire éclore quelques fleurs d’espoir. Ou encore, ce sont les souffrances infligées aux femmes sur ces terres d’Afrique — comme malheureusement partout ailleurs dans le monde — sans oublier, là encore, de planter une petite graine d’espérance.
Toujours il laisse planer dans l’air, dans les rues, dans la brousse, cet enracinement africain qui m’a toujours étonné.
Je ne sais pas si la comparaison est pertinente ou pas, mais, un peu plus à chacune de mes lectures, je le perçois comme un écrivain auquel le qualificatif analogue à celui de Johnny Clegg, le fameux « zoulou blanc », pourrait être accolé. Peut être pas en termes politiques, mais à tout le moins au sens spirituel tant il me donne le sentiment d’une imprégnation culturelle profonde dans la terre africaine.
Et c’est assurément avec un plaisir à chaque fois renouvelé que j’ouvre (ou ré-ouvre) un de ses ouvrages. Plaisir non démenti par ce recueil pour lequel je ne peux que m’associer sans aucune restriction aux propos de la quatrième de couverture : « un livre à savourer jour après jour ». À savourer, à re-savourer, à re-savourer encore, tant la langue, le propos, le sens du récit et l’esthétique sont un régal à chaque fois.
Paru le 20/01/2023
160 pages
Editions Chandeigne
20,00 €
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