Anniversaire de Baudelaire : 200 ans, une poésie toujours sulfureuse
Le 9 avril 1821, naissait l’une des plus grandes figures de la poésie française. Poète maudit, inventeur de la modernité, artiste cynique, syphilitique dandy… Baudelaire est toujours auréolé d’une lumière sombre. Sa figure vénéneuse fascine et ses mots résonnent encore aujourd’hui dans la bouche de nombreux artistes. Nous vous proposons un bref retour sur cet héritage.
Le 09/04/2021 à 15:45 par Gariépy Raphaël
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Publié le :
09/04/2021 à 15:45
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Dans son roman L’insoutenable légèreté de l’être, Kundera affirme qu’à sa mort, un homme est irrémédiablement transformé en Kitsch. Sitôt qu’il est enterré, l’être devient dans l’esprit des vivants une figure lisse et consensuelle, faite de bon sentiment et de nostalgie sucrée.
150 ans après sa disparition, Baudelaire continue de faire mentir l’écrivain tchèque. Dernière preuve en date, Crénom Baudelaire de Jean Teulé (ed. Mialet Barrault). Paru cet automne, l’œuvre présente le poète comme un drogué détestable, obsédé par la beauté au détriment du reste. Un hommage littéraire particulier.
CULTURE : La Fontaine plus vivant que jamais
Figure sombre de la littérature, l’écrivain fait partie des rares auteurs à fasciner les Académiciens autant que les lycéens. Au micro de France Inter ce matin, Antoine Compagnon analysait le côté subversif de l’artiste « toujours inattendu, toujours provocant ». Pour le théoricien, Baudelaire serait à la fois « l’inventeur de la modernité et celui qui insulte cette modernité à longueur de pages ».
Mort à 49 ans, il n’aura pas eu le loisir d’observer son œuvre s’inscrire dans le temps. Aujourd’hui, sa poésie prend de nombreuses formes et ses fleurs maladives ont notamment été mises en musique par des artistes aussi différents que Léo Ferré, Gainsbourg ou encore Mylène Farmer.
Baudelaire en musique
En 2019, l’Université de Birmingham recensait toutes les mises en musique du poète. Elle dénombrait pas moins de 1600 productions inspirées plus au moins directement de ses écrits. Avec des styles musicaux variés, dont, c’est à noter, 16 chansons classées dans la catégorie Death Metal.
Sa poésie sera notamment magnifiée dès 1957 par Léo Ferré qui lui consacrera trois albums pour un total de près de 50 poèmes chantés.
En 1962, c’est au tour d’un autre poète maudit de s’attaquer à l’œuvre de Baudelaire. Serge Gainsbourg prête sa voix et sa musique pour interpréter ce poème lyrique, Le Serpent qui danse. On ne peut qu’apprécier la filiation entre ces deux figures sulfureuses en leur époque.
Deux décennies plus tard, en 1998, Mylène Farmer, autre artiste qui fit couler beaucoup d’encre, reprend à son compte L’Horloge, dans son album Ainsi soit je… Un hommage qu’elle réitérera en 2018 avec son interprétation d’Au lecteur sur l’album Désobéissance.
Mais au-delà de l’univers de la chanson, de nombreux artistes s’inspirent et revendiquent une filiation avec l’auteur, tant pour exalter son talent que pour revendiquer sa radicalité.
Et les artistes parlent aux artistes
D’Enki Bilal, comme ici lors du Salon du livre de Montréal en 2019, à Fabrice Luchini, les mots de Baudelaire ont creusé des sillons dans des âmes, marqué les consciences et fait advenir la beauté sous bien des formes.
Et un tout jeune Fabrice ici, pour compléter le tableau :
Sur la chaîne YouTube de L’Oniriste on peut ainsi retrouver sa poésie sur les images de Shadow of the Colossus, jeu vidéo mythique développé par la Team Ico.
Dandy aristocratique un tantinet réactionnaire, Baudelaire n’aurait peut-être pas vu d’un bon œil cet héritage. La mort l’empêchant de critiquer ses multiples reprises, nous sommes aujourd’hui libres d’apprécier sa poésie sous ses diverses incarnations.
Tâchons néanmoins de conclure sur une touche plus classique, en revenant un instant au texte. Voici deux extraits de poème qui peuvent à loisir illuminer ou obscurcir votre journée en fonction de votre humeur du moment.
Spleen :
« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits »
Invitation au voyage :
– Les soleils couchantsRevêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
N’oublions pas que le poète a compté ses détracteurs, comme ce terrible (et splendide d’intelligence) ouvrage de Marcel Aymé, Le Confort intellectuel. Un essai diabolique, expliquant, peu ou prou, que Baudelaire avait tout bonnement saccagé la langue, parvenant à lui faire dire n’importe quoi… et que les bourgeois de l’époque, par souci d’encanaillement, se délectaient de cette dérive.
Crédit photo : Charles Baudelaire — 1862 — Domaine public
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9 Commentaires
Eric Dubois
09/04/2021 à 19:27
Le père de la poésie moderne francophone pour beaucoup de gens, même si ce sont surtout Rimbaud et Mallarmé qui ouvrent le siècle dernier, avec les Surréalistes d'il y a cent ans et Apollinaire qui en sont aussi les précurseurs avant tout. Mais comme pour Verlaine ( et Rimbaud) il y a toute une mythologie autour de Baudelaire par son oeuvre mince et définitive et sa posture de "poète maudit " , ce que ni Hugo ni Lamartine ni Vigny ne sont, à l'exception de Nerval, Laforgue, Lautréamont et Corbière. Il est celui dont on a fait un procès ( Les Fleurs du Mal) comme pour Flaubert ( Madame Bovary) , il est celui qui a osé " dire " , et, c'est pourquoi il est notre contemporain capital à l'ère du LGBTQ+ et autres minorités. Comme pour les Britanniques Oscar Wilde.
L' albatros.
10/04/2021 à 00:50
Dans ce long article, il y a une phrase qui ne colle pas.
'Dandy, un tantinet reactionnaire, Baudelaire', ......
Non.
On peut totalement s' inscrire en faux.
Esthete, amateur et collectionneur de la sensation- perception rare, et de l' idee singuliere ----, dressé contre toute la culture d' inspiration chrétienne, réprimant-- l' expression sensorielle voluptueuse, et la volupté contemplative plastique des corps en mouvements et au repos, nus et costumés---, modèles, mannequins,déjà, non, comédiennes , ---collectiviste fourieriste, et de methodologie directionnelle blanquiste, ----antirepublicain et antirepublicain socialiste( l' amour de l' ustensile) , antianarchiste( l' amour de l' emancipation ouvriere entendue comme l' amour de qui ne veut plus travailler collectivement aux chantiers des roses et des parfums publics , appartenant à tous)--- le salon de 1846.
Baudelaire est un revolutionnaire utopiste, antiquisant- les grecs et les civilisations anciennes, du corps, et des sciences et des arts, l' egypte, et aussi --exotisant- --ah ces civilisations ou peuples contemporains, lointains.
Il essaie lors des evenements de 1848, amenant a la seconde république, de diriger un journal- le salut public- ( rappel de la première république), avec - Champfleury, et Courbet.
On sait qu' il y defendra une ligne drolatique- associer le pape, et l' eglise romaine, - a la réforme sociale et politique,--- surtout ne pas se couper de la chrétienté évangélique, -- en démontrant l' Esprit Evangelique Spirituel- des réformes.Ne pas répéter 93.
Sur fond de collectivisme ' communiste', mais Fourieriste- et de luxe--socialisation passionnelle des séries en phalanges, phalansteres- ateliers nationaux.' Avis aux non- communistes: meme dieu est commun a tous'. 'cœur mis a nu- carnets.'
On sait ses disputes avec les révolutionnaires socialistes, et les pseudo- fourieristes de Victor Considerant qu' il execre, se ralliant plutôt à Proudhon, sur le plan organisationnel d' un atelier, des lors qu' il n y a plus aucune différence entre un proudhonien et un fourieriste rétréci.
Bref.
' ma fureur au coup d' etat', ecrira til en note dans un carnet.
La repression feroce et sanglante des émeutiers républicains et socialisants.
La peur au ventre.
La volonté d' etre Poete .Pour
Temoigner d' un monde et d' une génération perdues, et de planter --son reste ---comme un phare et un sémaphore.
' je sais que la douleur est la noblesse unique'
' ou ne mordront jamais la terre et les enfers'
Et qu' il faut pour tresser ma couronne mystique'
'Imposer tous les temps et tous les univers'.
'Mais les bijoux perdus de l' antique Palmyre'
Les métaux inconnus, les perles de la mer '
...........ne pourraient pas suffire
'A ce beau diademe eblouissant et clair'
' Car il ne sera fait que de pure lumière'
'Puisee au foyer saint des rayons primitifs'-
Le soleil--
' le long du vieux faubourg, .......
'Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés'
' Je vais m' exercer seul a ma fantasque escrime'
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime'
Trebuchant sur les mots comme sur les pavés',
.......
'Quand, ainsi qu' un poéte, il descend dans les villes'
'Il ennoblit le sort des choses viles'
'Et s' introduit en roi, sans bruit et sans valets'
Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais'.
Baudelaire: ' Souvent , a la clarte rouge d' un réverbère,
Au cœur d' un vieux faubourg , labyrinthe fangeux'
'Ou l' humanite grouille en ferments orageux'
'
On voit un chiffonnier qui vient'
'Pour noyer la rancoeur et bercer l' indolence'
'De tous ces vieux maudits qui meurent en silence'
........
'L' Homme ajouta le Vin, fils sacré du Soleil!'.
'Race de Cain, au ciel monte'
'Et sur la terre, jette Dieu'.
'Les amoureux fervents et les savants austères
'Amis de la science et de la volupté'
'Ils cherchent le silence et l' horreur des tenebres'
Ces fleurs du mal, 1857.
Qui sont l' expression langagiere écrite et versifiee de toute cette expérience, existentielle, esthétique, et politique, a mi- mots.
Suite a la repression, il deviendra une individualité résistante, par l' expression langagiere écrite et versifiee de-- l' erotisme gothique aiguë , de la culpabilite à vivre --dans un univers culturel réprouvé, par tout son corps et sa subjectivité- d' ou les nevroses lourdes.
Et
Par la fantaisie projective, phantasmagorique. Epuisante.
Antiprogres------ l' interpretant- comme la progression-- du quantitatif-- de l' ustensile , de la machinerie, --au détriment de toute expression et recherche personnelle de façonnement: La construction artisanale de soi , et des liens sociaux.
Le socialisme ayant épousé
le Progres, il rejettera toute cette coalition du Pire. Pour tous , et donc pour personne, en faits.
Individualisme ---critique et affirmatif, ethique solitaire : ' etre un saint pour soi même'.
Celebration du travail-- composition, écriture.
Conception- réalisation pratique - artisane.
Tourner le dos a tout.
Anachorete esthete, jusqu' au bout , perché dans les draps plissés des modèles , au lit des transports inconnus.
Revolutionnaire--- sans peuple, apatride, et nomade, --' les merveilleux nuages'.
A l' opposé absolu d' un reactionnaire-
Monarchiste legitimiste , orleaniste, republicain , et socialiste-- de la masse ustensilaire.
......
Sage747
11/04/2021 à 16:35
https://www.lespricerie.fr/il-etait-une-fois-le-9-avril/
NAUWELAERS
11/04/2021 à 22:15
Gainsbourg a chanté «Baudelaire» paru d'abord sur un EP et sur son dernier 25 cm, le N°4.
Parus en mai 1962 et avec pour seule précision: «Poème de Ch. Baudelaire».
Détail amusant: sur le recto de la pochette du 25 cm, il y a une faute: «Beaudelaire» !
Dans la foulée, Catherine Sauvage -c'est l'époque où les chanteuses «sérieuses» reprenaient le grand Serge (Michèle Arnaud, Gréco etc.) -sort un bel EP «Catherine Sauvage chante Serge Gainsbourg» dont la seule pochette peut faire craquer tous les amoureux de Paris !
Elle y chante «Baudelaire» avec comme seule indication: «Sur un poème de Ch. Baudelaire».
Dans aucune de ces trois éditions, on ne trouve le titre du très beau poème de Baudelaire magnifiquement mis en musique par Gainsbourg, sur un rythme chaloupé et langoureux...
Soit «Le Serpent Qui Danse».
Et j'ignore pourquoi...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Bronwen
16/04/2021 à 23:27
Je n'aime pas ce poème "Le serpent qui danse" parce qu'il véhicule les stéréotypes de la misogynie. Les poèmes qui m'intéressent peuvent être endossés par les deux sexes comme "Soit sage ô ma douleur et tient toi plus tranquille" ou "Le vert paradis des amours enfantines" ou "Qu'aimes-tu étranger ?" ou encore "Harmonie du soir ".
NAUWELAERS
17/04/2021 à 12:28
«Baudelaire» est une magnifique adaptation de ce poème par l'incontournable Gainsbourg !
Ah non, laissez-nous savourer ce qui est beau et inspiré sans agiter encore et encore le carton rouge des douaniers de l'idéologie...
On n'est pas ou ou ne devient pas misogyne en adorant cette oeuvre.
Misogyne, on l'est ou pas, point.Arrêtons d'infester toute la culture de tous les temps avec ces remarques hors sujet qui pullulent et qui ne servent à rien.
Désolé.
Et qui rendent l'atmosphère encore plus délétère.La pandémie et ses conséquences, cela ne suffit pas ?
L'art est transgression par essence.
Même sulfureux.Les moralisateurs et censeurs deviennent vraiment pénibles, ils prolifèrent...
Et la liberté d'expression notamment artistique ne se soumet pas à des diktats.
Remarque: non, il ne s'agit pas d'une «défense du patriarcat» bien entendu, n'en déplaise aux sectaires.Mais d'une apologie de l'art et des artistes, de la beauté, de la liberté d'expression et encore plus de cette belle expression-là, ce poème si bien mis en musique par Gainsbourg !Le seul petit reproche objectif possible: les éditions originales ne mentionnaient pas le titre du poème «Le Serpent Qui Danse», ce qui fut rectifié par la suite.
Quand Orelsan chantait «Sale Pute», il s'en est pris plein la figure...avant de réussir à faire admettre avec peine -ouf !- qu'il s'agit d'une expression artistique.
Tout comme pour «Les Villes de Solitude» où Sardou clame son envie de violer des femmes ou sa nostalgie fantasmée des colonies dans «Le Temps Béni Des Colonies» !Je ne suis pas un admirateur de ces chanteurs très différents mais je pense que si des gens incapables de second degré crient au scandale à la première occasion, c'est leur étroitesse d'esprit qui doit être questionnée.Et rien d'autre...Ils me font penser -sans vous viser vous bien sûr - aux commères atrabilaires planquées derrière leurs rideaux poussiéreux, qui passent le temps qui leur reste à ne pas vivre, , à guetter une incivilité possible ou une idylle naissante.Voire adultérine -là elles sont catapultées fissa sur le pic de ce qui peut leur fournir encore un vague souvenir d'un embryon de jouissance !
Non l'art ne marchera jamais au pas de l'oie...Quant à ceux qui s'excusent sous le feu des tribunaux numériques, c'est que le costume était bien trop large pour eux.Une petite remarque: je fais partie de la partie importante du lectorat de ce site qui aime la liberté d'expression...en refusant évidemment la misogynie, le racisme ou tout bêtement la «réification» de l'être humain.L'absence de respect par principe d'une catégorie humaine.Mais jamais je ne souhaiterais que le responsable de ce site, Nicolas Gary, censure même les ennemis bien-pensants de la liberté d'expression.Qu'ils commentent et s'expriment tout aussi librement que moi: pas de deux poids, deux mesures sur un site comme ActuaLitté, una agora des temps modernes.
Moi je suis pour la tolérance...et le débat.Bien entendu tout le monde a le droit de n'aimer ni «Baudelaire» ni Gainsbourg: c'est normal.La sensibilité artistique ne se discute pas...«De gustibus et coloribus non disputandum est» !Non je ne m'en prends qu'à cette espèce de «cotation idéologique» ou sociétale des oeuvres actuelles ou du passé.Récemment une polémique absurde a voulu faire accroire aux crédules que «Cho Ka Ka O», le chef-d'oeuvre de ma compatriote Annie Cordy, était un thème raciste !Cordy raciste, du surréalisme à la belge, mais pas sympa du tout celui-là.
Si ces Savonarole et Torquemadames du «politiquement correct» écoutaient la chanson «Oui Missié» par Cordy, sur le EP (45 tours 4 titres de 1956) «La Petite Martiniquaise», je ne vous dis pas !Ils en avaleraient leurs smartphones tout fumant de leurs millions de tweets outragés...qui certes permettront à l'humanité d'évoluer vers le bien.
Bonne continuation tout de même et sans rancune j'espère !
CHRISTIAN NAUWELAERS
Marchi salem
26/04/2021 à 09:47
Rien de sombre dans Baudelaire, c'est une puissante lumière qui visite toutes nos obscurités. Ce n'est pas la même chose.
Salem Marchi, aimant Baudelaire et le remercie d'avoir pu passer l'oral de français avec un merveilleux poème, La vie antérieure.
NAUWELAERS
26/04/2021 à 10:45
Bravo à vous, Marchi salem.
Cela fait plaisir de lire cela !
CHRISTIAN NAUWELAERS
Stéphane Wilmot
22/05/2021 à 22:09
Poète de la modernité, scandaleux ancré dans la plus écrasante tradition avec laquelle jamais il ne rompit. Cette lutte héréditaire, c’est Charles Baudelaire.
Tout a commencé dès l'enfance. Pour en savoir plus sur les années de jeunesse de Charles Baudelaire, lisez Sale Gosse de S. Wilmot publié en 2021 chez BOD.