Aux États-Unis, le prêt numérique contrôlé séduit les universités
Outre-Atlantique, les bibliothèques de nombreuses universités mettent en avant auprès des étudiants leur usage du prêt numérique contrôlé, pour maintenir et garantir l'accès aux titres de leurs collections. Placé sous les projecteurs avec la crise sanitaire, ce concept juridique, né d'une interprétation de la législation sur le droit d'auteur, fait pourtant l'objet d'une vive polémique.
Aux États-Unis comme ailleurs, les bibliothèques universitaires ont dû se plier à des conditions de prêt particulières, modifiées par la crise sanitaire. Les bibliothèques universitaires de Caroline du Nord doivent ainsi laisser les titres retournés à l'isolement pendant 24 heures, au minimum, pour éviter toute transmission du virus par contact.
Pour assurer une certaine circulation des documents, les établissements se sont donc tournés vers le numérique, mais plusieurs écueils se sont rapidement déclarés : certains titres n'étaient pas disponibles dans ce format au sein des collections, ou les éditeurs d'autres ouvrages ne proposaient pas ces derniers au prêt numérique.
Dans le domaine du prêt numérique, les éditeurs sont en effet totalement maîtres des licences accordées pour le prêt, et peuvent décider librement des tarifs, conditions et même de la simple possibilité de prêter des titres.
Le réseau universitaire de l'État s'est donc tourné vers le prêt numérique contrôlé (controlled digital lending, CDL), un concept juridique qui assure que les bibliothèques ont le droit de numériser et proposer au prêt les titres imprimés de leur collection, tant que ce prêt s'applique à une personne à la fois, pour reproduire strictement les conditions de prêt de l'exemplaire imprimé.
Éditeurs et auteurs à l'affût
Avec la crise sanitaire, de nombreuses bibliothèques universitaires ont adopté le CDL : l'université Carnegie Mellon (Pennsylvanie), l'université de l'Illinois, l'université d'Oklahoma... Au Canada, l'université de l'Alberta a pris la même décision, indiquant les tenants et aboutissants sur son site.
D'autres établissements, comme la faculté de droit UC Irvine, en Californie, indiquent au contraire qu'ils ne peuvent pas mettre en place le prêt numérique contrôlé, pour des raisons techniques, mais aussi parce que « sa légalité n'est pas encore totalement établie ».
En effet, le prêt numérique contrôlé fait aujourd'hui l'objet d'un vif débat outre-Atlantique, où des organisations d'auteurs et d'éditeurs dénoncent « un crime qui n'est pas sans victime ». « En tant que victimes du prêt numérique contrôlé, nous voulons que les bibliothécaires, les archivistes et lecteurs comprennent comment ils nuisent aux auteurs des livres qu'ils aiment en participant à des projets mettant en œuvre le prêt numérique contrôlé, même s'ils ont les meilleures intentions du monde », indiquait une quarantaine d'organisations en 2019.
Les prêts d'exemplaires numériques à partir des scans des documents imprimés ne génèrent en effet pas de droits d'auteur, ou de paiement de licences : les bibliothèques considèrent que l'achat de l'exemplaire imprimé, de manière légale, suffit. La mise en œuvre s'effectue aussi dans un contexte particulier : les bibliothèques, universitaires, mais aussi publiques, dénoncent les tarifs des licences mises en place par les éditeurs, jugés prohibitifs.
NUMERIQUE: ces auteurs qui défendent le prêt numérique contrôlé
Le sort du prêt numérique contrôlé sera sans doute précisé par la justice américaine à l'occasion du procès intenté par plusieurs éditeurs contre la plateforme Internet Archive, qui a apporté un support technique et technologique aux universités pour la mise en place du prêt numérique contrôlé.
Si les éditeurs ont attaqué la plateforme parce qu'elle avait levé les limitations des conditions de prêt similaires à celles des exemplaires imprimés, le prêt numérique contrôlé devrait forcément s'inviter dans les discussions... Le procès doit démarrer en novembre prochain.
Photographie : illustration, Joel, CC BY-ND 2.0
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