Dans toute la France, divers rassemblements célébraient à leur manière la Fête du Travail. Dans la continuité du mouvement #NuitDebout, qui s’était décliné tout d’abord avec #BiblioDebout, les auteurs ont rapidement suivi le mouvement. #AuteursDebout s’était ainsi lancé, avec un manifeste et des revendications qui touchent tous les secteurs de la création. En ce 1er mai, c'est un grondement émanant de tout le pays, où chaque secteur se sent désormais menacé, qui a finalement regroupé à travers plusieurs manifestations.
Le 01/05/2016 à 20:07 par Nicolas Gary
Publié le :
01/05/2016 à 20:07
« Nous, artistes-auteurs des arts visuels et l’écrit nous sommes photographes, peintres, sculpteurs, graphistes, plasticiens, performeurs, dessinateurs, graffeurs, vidéastes, auteurs de BD, illustrateurs, écrivains, scénaristes, compositeurs, réalisateurs… nos œuvres nourrissent la société, créent du lien social, embellissent vos vies… mais également enrichissent Google, Facebook et autres, permettent aux élus de se faire élire, sont utilisées par les entreprises pour communiquer et se faire de l’argent. Notre travail est fondamental aussi à Nuit Debout, et nous sommes très nombreux à participer au mouvement. »
C'est ainsi que les artistes auteur.e.s amorcaient leurs revendications. Et d'ajouter : « Pourtant, nous sommes invisibles en tant que collectif. Le secteur des arts visuels a beau être le 1er secteur artistique en France en termes de nombre d’auteurs, de revenus générés dans l’économie, et d’emplois, il n’est pas une industrie culturelle et n’a pas la capacité de lobbying d’une industrie culturelle. »
Ils en avaient ainsi appelé à prendre la mesure de la situation globale.
Le grand public ignore comment nous vivons : nous sommes vus au mieux comme d’éternels enfants rêveurs, au pire comme d’infâmes privilégiés paresseux. Nos clients peinent également à reconnaître la valeur de notre travail, et nous luttons au quotidien… pour être tout simplement payés ! L’immense majorité d’entre nous est confrontée en permanence à la culture de la gratuité, à l’ignorance de ce qu’est le droit d’auteur, voire à la méfiance vis-à-vis de notre professionnalisme. Notre revenu médian est deux fois plus faible que celui des salariés. Nombre d’entre nous n’atteignent même pas le seuil de pauvreté, et comme par hasard les plus pauvres d’entre nous sont… les femmes. La place des femmes artistes et auteures dans cette économie est encore plus précaire que précaire : plafond de verre, maternité, revenus inférieurs, et on en passe…
Ce 28 avril, les artistes auteur.e.s se joignaient à la manifestation contre la loi de Myriam El Khomri, la fameuse Loi Travail. Un regroupement qui se tenait partout en France, et qui débuta, sur Paris, Place Denfert-Rochereau. Bien entendu, #AuteursDebout en appelait à une mobilisation générale, des syndicats, associations et organisations défendant la création. Ce nouveau rassemblement visait à «marquer leur solidarité avec le mouvement de lutte contre la précarité et la loi El Khomri ».
La Loi Travail, mais également dans le viseur, la Loi pour une République numérique, dénoncée tout autant côté éditeurs cette fois, que chez les artistes auteur.e.s. « Nous subissons actuellement une grave atteinte à nos droits d’auteurs dans la Loi pour une République Numérique (discutée en ce moment même !), et La loi création nous oublie carrément ! » Les mouvements sociaux initiés cette semaine devaient trouver leur paroxysme ce 1er mai, avec un cortège global.
Au cours du déploiement, nous avons eu l’occasion de retrouver Place de la République, les nouvelles installations de #BiblioDebout, exposant des ouvrages à emporter. Une librairie associative « au service des militants » s’est également montée, Livres en luttes : vinyles, CD, quelques bandes dessinées s’y retrouvent, avec une prédominance de livres, essais ou romans, portant sur les luttes sociales, ou l’anticapitalisme. Le montant des ventes réalisées est par ailleurs reversé à des journaux indépendants : au cours de l’année, près de 12.000 € ont ainsi été distribués à L’Humanité, La Marseillaise, Patriote Côte d’Azur, Liberté Hebdo, La vie ouvrière et Charlie Hebdo.
« Les livres et les disques d’occasion nous sont confiés par des amis et des camarades pour qu’ils soient vendus en soutien aux journaux qui ne dépendent pas de grands groupes financiers », expliquent les animateurs de cet espace. Outre la défense du pluralisme de la presse, ils sont également engagés dans la défense de l’éducation populaire. Un lieu physique s’est ouvert en mars dernier, rue Guy-Môquet, à Vitry-sur-Seine. Il dispose de quelque 50.000 ouvrages de la jeunesse aux essais tant politiques qu’économiques, ainsi que des classiques tirés de la littérature soviétique et russe.
République, où les manifestants se tenaient aujourd’hui, n’a pas fini de devenir le point de convergence pour chacun. Et si la manifestation du 1er mai portait des revendications avant tout contre la loi Travail, les artistes auteur.e.s n’en avaient pas moins appelé à une mobilisation : « Nous, auteurs et autrices d’œuvres artistiques, ne savons que trop bien ce que le mot précarité veut dire : culture de la gratuité et sous-rémunération constante, contrats temporaires et irréguliers, pas de droit au chômage, protection sociale déficiente… »
Se trouvaient également présentes les éditions Aden et leur revue Ballast, ainsi que les éditions Libertalia, à intervalles irréguliers toutefois.
ActuaLitté, CC BY SA 2.0 (cliché du 21 avril)
Lors d’une assemblée du 21 mars, autour de Nuit Debout, les auteurs manifestaient déjà leurs inquiétudes : « Un axe important : nous subissons une loi El Khomri avant l’heure et c’est ce dont doivent prendre conscience les gens. » Et en guise de conclusion : « Nos métiers nous mettent d’une certaine façon à l’avant-garde de ce qui est en train de se jouer aujourd’hui avec la loi El Khomri. Il faut le faire savoir. Et faire entendre nos voix. »
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Le cortège parti de Bastille, et étrangement segmenté par les CRS, finira par arriver à Nation. Pourtant, sur le boulevard Diderot, le blocage organisé semblait ne jamais finir, sous les sifflets des manifestants qui hurlent « Tout le monde déteste la police » ou « cassez-vous ». Des jets de gaz ont fusé, et l’immobilisme pousse les manifestants à lever les mains en l’air comme pour assurer qu’ils viennent en paix. « Libérez la manif », poursuit-on, « On veut manifester ».
Entre 16 et 17.000 personnes pour la Préfecture, près de 84.000 en France, toujours selon le ministère de l’Intérieur. Pour la CGT, ils étaient plutôt 70.000 dans les seules rues de la capitale. Dans le prolongement de Nuit Debout, mouvement débuté fin mars, cette manifestation du 1er mai reflétait toutes les tensions accumulées, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle. Et la fin de cette journée sur fond d’affrontements contre les forces de l’ordre n’apporte aucun apaisement.
En parallèle, notons qu’un appel soutenu par différentes personnalités politiques réclamant l’arrêt du recours aux flash-balls et les lanceurs de balles de défenses durant les manifestations est apparu ce 1er mai. Parmi les signataires, on retrouve les écrivains Annie Ernaux, Laurent Binet et Gérard Mordillat, ou encore l’essayiste Raphaël Glücksman.
À l’origine de cet appel, Jean-Luc Mélenchon (PG), Olivier Besancenot (NPA), David Cormand (EELV), Noël Mamère, ou Danielle Simonnet (PG). Suite aux incidents survenus cette semaine, lors de la manifestation du 28 avril, les signataires « en citoyens [demandent] à l’État de faire enfin droit à toutes les recommandations du Défenseur des droits, en parents, nous demandons l’interdiction de l’usage des LBD », rapporte l'AFP.
Cette manifestation du 1er mai a fini par crisalliser un ras-le-bol généralisé – comme un mal-être français.
mise à jour 22h49 :
Ainsi que nous le confirment plusieurs témoins, et comme le redoutaient beaucoup, après la fin de journée houleuse à Nation, des débordements sont survenus à République, alors que la soirée semblait avoir bien débuté, plutôt calmement.
.@RemyBuisine sur #Periscope : Situation tendue à #Republiquehttps://t.co/WxG4XCR0xl
— rodolph (@nullepartjeten1) 1 mai 2016
Plusieurs tirs de lacrymo sont survenus, des groupes de jeunes s’en sont pris à la vitrine du Go Sport, et la police a procédé à des tirs de gaz.
#nuitdebout Paris: pic.twitter.com/B5q7hQbSPf
— Luc Peillon (@l_peillon) 1 mai 2016
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