La foudre s’est abattue Porte de Versailles, avec l’annulation du salon du livre de Paris. L’édition 2020, victime des consignes de sécurité du gouvernement, ne se tiendra pas : rendez-vous en 2021, avec l’Italie en invité d’honneur. L’occasion pour le président du SNE, Vincent Montagne, d’un point à l’attention des membres.
Il aura fallu près de 24 heures pour que le message adressé aux rédactions soit finalement diffusé sur le site de la manifestation parisienne. Et que les premières informations arrivent via les réseaux sociaux. Livre Paris 2020 est annulé. Et désormais, il faut parler d'argent. Ainsi que le précisait à ActuaLitté le directeur général du Syndicat, Pierre Dutilleul, « sur la question du remboursement du public, il n’y a pas de sujet. Ce sera quasi automatique pour les préachats ».
L’autre sujet, ce sera le remboursement des espaces aux exposants…
Pour Vincent Montagne, il faut revenir sur les conditions de l’annulation : les consignes du gouvernement sont limpides, rassemblement de plus 5000 personnes dans un espace confiné. Mais il n’était pas non plus possible de reporter, comme Bologne : avec 50 pays exposants, au sein d’une manifestation grand public, difficile de réorganiser les agendas.
Celui des 4000 auteurs en dédicace, par exemple, ou des éditeurs français qui entament leur présentation de la rentrée littéraire d’ici le mois de mai. Et puis, les 250 conférences organisées n’auraient certainement pas pu réunir les intervenants comme prévu pour le rendez-vous de mars.
Plus concrètement, on peut se demander si Reed Expo aurait pu trouver chez VIParis, propriétaire des murs de la Porte de Versailles, une autre date. Ou même si le sujet est venu sur la table.
Mais il est juste de considérer que l’on ne claque pas des doigts pour faire venir le public et les exposants, comme dans le cadre d’une manifestation pro. Avec l’automne, arrivera la rentrée littéraire puis Francfort, etc. : décaler Livre Paris n’était pas évident. « Il y a une saisonnalité qui fait aussi la force de l’événement », affirme une source.
Selon nos informations, Reed aurait tout de même émis l’hypothèse de décaler en juin. « Ce qui montre à quel point les responsables du Salon connaissent la chaîne du livre », ricane-t-on depuis les terrasses de Saint-Germain. « La moitié des exposants aurait disparu à cette période. » D’autant qu’en matière de présentation de rentrée, la jeunesse et la bande dessinée se lancent : la littérature n’a plus le monopole de la rentrée.
Aujourd’hui, reprend le président du SNE, difficile « de mesurer les conséquences économiques de cette annulation, pour le secteur de l’édition et l’écosystème du Livre, notamment des librairies, car l’impact de Livre Paris dépasse largement le cadre de la seule porte de Versailles ».
Le Salon du LIvre est annulé. Les lecteurs ne pourront pas payer pour entrer dans cette grande librairie, et les écrivains ne pourront plus somnoler devant leurs piles d'invendus. Tragédie.
— claro (@madmanclaro) March 2, 2020
Difficile plus encore de mesurer celles pour le Syndicat, qui partage les bénéfices pour moitié avec Reed Expo — avec un chiffre de 702.000 € reversé au SNE pour l’édition 2018. Là encore, Pierre Dutilleul nous indiquait que le syndicat « travaillera à ce que ce ne soit pas un accident industriel ». Peut-être avec une gestion plus serrée…
Mais pour les exposants ? Certains, comme Albin Michel l’exprimait, ont déjà avancé quelque 100.000 € de location d’espace. Les sommes varient, pour les régions, pour des structures avec moins d’ampleur. On parle de 400.000 € pour un éditeur manga, dont le stand était chaque année remarqué — et remarquable.
Pour ce qui est des dépenses engagées, « Reed Expositions travaille déjà avec nous pour vous apporter des réponses claires », note Vincent Montagne. La société britannique, qui vient d’annoncer l’annulation de la Foire du livre de Londres, doit contacter les exposants « individuellement, dans les meilleurs délais ». Et d’assurer que « tout sera mis en œuvre pour apporter des solutions concrètes à toutes les questions matérielles et logistiques qui se posent ».
Pour des observateurs un peu moins optimistes, la question du remboursement pourrait coincer gentiment. « Si l’on fait l’effort de se rappeler 2015, et les attentats de novembre, alors le glissement devient dérangeant. À l’époque, Paris Photo (du 12 au 15 novembre 2015) a été annulé, suite aux attentats du 13. Les exposants n’ont pas été remboursés : on leur a proposé 50 % de remise sur l’édition 2016. » Or, c’est Reed Expo qui est derrière cette manifestation. Gloups.
Le directeur général du SNE nous précisait que des réunions sur le sujet sont prévues — il faut analyser les contrats qui relient Reed aux assureurs, peut-être envisager que l’on se retourne vers l’État français… « Nous en saurons plus prochainement », concluait Pierre Dutilleul.
D’ailleurs, si l’Inde ne sera pas à l’honneur cette année, l’incident coronavirus ne change rien aux plans : il s’agissait en effet d’un échange entre France et Inde, avec l’édition française à l’honneur de la foire de New Delhi en 2022, et la présence indienne en 2020. « Cette décision de réciprocité était venue de l’Élysée, lors de la visite en Inde du président Emmanuel Macron en 2018. Les Indiens y tiennent et nous aussi », concluait Pierre Dutilleul.
Reste alors à regarder vers 2021, avec l’invitation de l’Italie, et la réflexion qui devait s’organiser avec les éditeurs dès avril 2020, ne sera que plus rapidement mise en place. Chose amusante : 2021 célébrera le 40e anniversaire de la manifestation et celui de la loi sur le prix unique du livre en France.
Une délicieuse ironie, quand on sait que l’édition italienne s’empoigne et se divise sur le sujet, depuis bien longtemps. L'adoption de la loi sur la promotion de la lecture est même présentée par l’Associazione italiana editori comme dangereuse pour le budget des familles. Et cette dernière était allée jusqu'à suggérer que l’on retarde la mise en application du modèle de prix unique, avançant l’excuse épatante et grossière du coronavirus…
Le président du SNE n’en remercie pas moins les éditeurs qui ont « témoigné leur soutien », insistant sur la responsabilité que les organisateurs devaient prendre « à l’égard de tous les participants ».
Soupir de soulangement – partiel – pour les exposants. Une communication de VIParis indique que le remboursement intégral sera effectué :
Samedi 29 février, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures afin de limiter la diffusion du Coronavirus COVID – 19.
Il a notamment été décidé d’annuler les rassemblements de plus de 5 000 personnes en milieu confiné.
Le Salon du Livre – prévu les 20 au 23 mars à Paris Expo Porte de Versailles – pour lequel vous aviez passé une commande est annulé.
Afin de faciliter vos démarches, nous vous informons que vos commandes seront automatiquement annulées.
Si vous aviez dores et déjà effectués un règlement de celles-ci, vous serez intégralement et automatiquement remboursés.
Nos équipes restent mobilisées pour vous accompagner au mieux.
Très cordialement
Le Service Exposants Viparis
Gros soupir de soulagement, surtout pour ceux qui commençaient déjà a affûter les avocats... Sauf que pour l'heure, le message n'émane que de VIParis, qui ne rembourse les factures qu’ils génèrent et nullement les stands. Les espaces loués auprès de Reed ne sont, à cet instant, pas encore remboursés.
6 Commentaires
Steak au poivre
04/03/2020 à 19:59
Partager les risques, pas les profits, belle logique ! Imparable métastase du capitalisme tardif !
Mise en trope
05/03/2020 à 07:31
Toujours aussi clair, Nicolas Gary...Je relis souvent deux ou trois fois avant de saisir le sens de votre prose, mais là, je jette l'éponge. Qu'entendez-vous par ce paragraphe:
"D’ailleurs, si l’Inde ne sera pas à l’honneur cette année, l’incident coronavirus ne change rien aux plans : il s’agissait en effet d’un échange entre France et Inde, avec l’édition française à l’honneur de la foire de New Delhi en 2022, et la présence indienne en 2020. « Cette décision de réciprocité était venue de l’Élysée, lors de la visite en Inde du président Emmanuel Macron en 2018. Les Indiens y tiennent et nous aussi », concluait Pierre Dutilleul." Moi, personnellement, je n'y comprends goutte. Rien aux plans? Sauf que, si je comprends bien, c'était des plans d'échange, et l'échange ne sera donc pas respecté? Sinon, comment ? Où est la réciprocité? Y travaillerait-on? Dites-nous!
Nicolas Gary
05/03/2020 à 07:39
Bonjour, et navré de vous plonger dans de telles perplexités.
Je vais résumer plus clairement.
France et Inde conviennent d'un accord autour des salons du livre de leurs capitales.
La France annule celui de Paris.
L'Inde maintient l'invitation de la France à New Delhi.
Et la France s'y tiendra.
Limpide, non ? Après, je suis confus que vous butiez sur l'un des détails de cette opérations.
mise en trope
05/03/2020 à 08:06
Un détail ? J’avais bien compris qu’un des termes de l’échange était annulé et pas l'autre. Mais comment pouvez-vous encore le présenter comme un échange respecté ????? La France se tiendra à son invitation par l’Inde à Delhi, la belle affaire! Elle a tout à y gagner! C’est l’Inde qu’il faut remercier en l’occurrence. Mais où est la réciprocité aujourd’hui? Quid de la réception de l’Inde en France, en réciprocité ? Ce détail, voyez-vous, revêt une certaine importance – pour les auteurs indiens, par exemple.
C Foucher
08/03/2020 à 14:37
Excusez-moi mais... le visiteur ? Je ne vois pas bien comment il sera remboursé... bien sûr ? l’entrée n’est pas conséquente mais quand même... perso nous étions trois sans compter le train soit une perte de 100€
Dénonceur
01/07/2020 à 08:39
Concernant les exposants, alors même que, comme il l'avait annoncé ici, SNE s'est effectivement tourné vers l'état français qui a bien mis la main a la poche, REED EXPOSITIONS a racketté 35Þs sommes investis par leurs exposants dés lors qu'ils avaient réservés un stand de 20 m2 et plus! Allucinant de voir ça ! En fait les exposants sont les assureurs de l'organisateur. Comment laisse t-on faire cela? On sacrifie les petits pour donner à manger aux gros! Pourquoi les 35% retenus ne peuvent ils pas être un acompte pour la session 2021? On croit rêver ! Et la subvention versée par l'état, quel est le montant? Comment cette subvention a été répartie? L'état devrait être vigilant et demander des comptes detaillés lorsqu'il verse de l'argent public! A l'avenir, lorsque les exposants investissent dans des stands qu'ils mesurent bien le risque car en cas d'aléas, les organisateurs de salons pourraient bien les mettre sur la paille!