C'était le grand jour pour la Commission européenne : Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne, chargé du Marché unique numérique, et Günther Oettinger, Commissaire européen à l'Économie et à la Société numériques, présentaient ce matin la stratégie pour un marché unique numérique. Le document devrait satisfaire à peu près tout le monde, pour le moment.
Le 06/05/2015 à 13:01 par Antoine Oury
Publié le :
06/05/2015 à 13:01
Andrus Ansip, vice-président de la Commission européenne, chargé du Marché unique numérique, ce matin à Bruxelles
La présentation de la stratégie de l'Union européenne intervient dans un contexte plutôt chaotique : l'eurodéputée Julia Reda a été chargée de constituer un rapport sur le droit d'auteur en vue d'une réforme, publié en janvier. Très mal reçu par une partie des industries culturelles et des ayants droit, il a notamment été suivi d'une pétition adressée à la Commission, au Parlement et au Conseil européen, intitulée #CopyrightForFreedom, mise en ligne par la Fédération des éditeurs européens (FEE), et signée par 5732 personnes à l'heure où nous écrivons ces lignes.
La Commission a déjà fait un travail pédagogique important sur cette série de réformes, et notamment la réouverture de la directive sur le droit d'auteur de 2001. La stratégie pour le Marché unique numérique se limite pour le moment à 16 propositions, qu'il conviendrait de mettre en place « dans les deux prochaines années », a souligné Andrus Ansip.
Sans faire de spoiler, les 16 mesures de la Commission sont bien moins révolutionnaires que les prémisses pouvaient le laisser croire : si elle n'abandonne pas l'harmonisation du droit d'auteur, la stratégie fait ainsi apparaître à plusieurs reprises la lutte contre « les infractions aux droits de propriété intellectuelle commises à une échelle commerciale », une demande récurrente des industries culturelles et des ayants droit. Sinon, peu de surprises dans ce document, dont un brouillon avait d'ailleurs fuité il y a quelques jours.
Les 16 propositions sont organisées en « trois piliers », améliorer l'accès aux biens et services numériques dans toute l'Europe pour les consommateurs et les entreprises, créer un environnement propice et des conditions de concurrence équitables pour le développement des réseaux et services numériques innovants, et enfin maximiser le potentiel de croissance de l'économie numérique.
Nous reproduisons ici les mesures qui concernent de près ou de loin l'économie de l'écrit, en conservant les numéros correspondants au communiqué de presse de la Commission. La liste complète des 16 mesures est accessible à cette adresse.
Premier pilier : améliorer l'accès aux biens et services numériques dans toute l'Europe pour les consommateurs et les entreprises
La Commission proposera :
1. d'établir des règles visant à faciliter le commerce électronique transfrontière. Il s'agit notamment de règles harmonisées de l'UE concernant les contrats et la protection des consommateurs lorsque l'on achète en ligne, qu'il s'agisse de biens physiques comme des chaussures ou du mobilier, ou de contenus numériques tels que des livres électroniques ou des applications. Les consommateurs devraient bénéficier d'un éventail plus large de droits et d'offres, tandis que les entreprises pourront vendre plus facilement dans d'autres pays de l'UE. La confiance en sera renforcée pour acheter et vendre à l'étranger ;
2. d'assurer le respect des règles de protection des consommateurs de manière accélérée et homogène, en réexaminant le règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs ;
3. de veiller à des services de livraison des colis plus efficaces et moins onéreux. À l'heure actuelle, 62 % des sociétés essayant de vendre en ligne indiquent que le niveau trop élevé des frais de livraison des colis constitue un obstacle ;
4. d'en finir avec le blocage géographique — une pratique discriminatoire injustifiée utilisée pour des raisons commerciales, qui permet à des vendeurs en ligne d'empêcher les consommateurs d'accéder à un site internet sur la base de leur localisation, ou de les rediriger vers un site de vente en ligne de leur pays qui affiche des prix différents. En raison de ce blocage, il peut arriver, par exemple, qu'une location de voiture depuis un État membre donné soit plus chère qu'une location effectuée depuis un autre État membre pour un véhicule identique au même endroit ;
5. d'identifier les problèmes de concurrence potentiels affectant les marchés du commerce électronique. La Commission a donc lancé aujourd'hui une enquête sur les pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du commerce électronique dans l'Union européenne ;
6. de donner un caractère moderne et plus européen à la législation sur le droit d'auteur : des propositions législatives suivront avant la fin de 2015 en vue de réduire les disparités entre les régimes de droits d'auteur et d'élargir l'accès en ligne aux œuvres dans l'ensemble de l'UE, notamment par des mesures d'harmonisation supplémentaires. L'objectif est de faciliter l'accès au contenu culturel en ligne, favorisant ainsi la diversité culturelle, tout en offrant de nouvelles perspectives aux créateurs et à l'industrie du contenu. La Commission s'efforce en particulier de garantir que les utilisateurs qui achètent des films, de la musique ou des articles chez eux puissent également en profiter lorsqu'ils voyagent à travers l'Europe. La Commission examinera également le rôle des intermédiaires en ligne en ce qui concerne les œuvres protégées par le droit d'auteur. Elle renforcera l'application des mesures prises contre les infractions aux droits de propriété intellectuelle commises à une échelle commerciale ;
8. de réduire la charge administrative imposée aux entreprises par les différents régimes de TVA, afin que les vendeurs de biens physiques dans d'autres pays bénéficient également du système électronique d'enregistrement et de paiement unique ; avec un seuil de TVA commun pour aider les jeunes entreprises de plus petite taille qui vendent en ligne.
Deuxième pilier : créer un environnement propice au développement des réseaux et services numériques innovants et des conditions de concurrence équitables
La Commission s'emploiera à :
11. effectuer une analyse détaillée du rôle des plateformes en ligne (moteurs de recherche, réseaux sociaux, boutiques d'applications, etc.) dans le marché. Cet examen portera sur des questions telles que l'absence de transparence des résultats de recherche et des politiques tarifaires, la manière dont ces plateformes utilisent les informations qu'elles obtiennent, les relations entre plateformes et fournisseurs et la promotion leurs propres services au détriment des concurrents – pour autant que ces questions ne soient pas déjà couvertes par le droit de la concurrence. Il examinera également la manière de lutter au mieux contre les contenus illicites sur l'internet ;
12. renforcer la confiance et la sécurité dans les services numériques, notamment en ce qui concerne le traitement des données à caractère personnel. En s'appuyant sur les nouvelles règles de l'UE en matière de protection des données, dont l'adoption est prévue d'ici fin 2015, la Commission procédera à la révision de la directive « Vie privée et communications électroniques » ;
13. proposer un partenariat avec l'industrie sur la cybersécurité dans le domaine des technologies et des solutions pour la sécurité des réseaux en ligne.
Troisième pilier : maximiser le potentiel de croissance de l'économie numérique
La Commission entend :
14. proposer une initiative européenne en faveur de la libre circulation des données dans l'Union européenne. Il arrive parfois que de nouveaux services soient entravés par des restrictions liées à l'endroit où sont situées les données ou liées à l'accès aux données, restrictions qui sont souvent sans rapport avec la protection des données à caractère personnel. Cette nouvelle initiative abordera le problème de ces restrictions et encouragera ainsi l'innovation. La Commission lancera également une initiative européenne en faveur de l'informatique en nuage portant sur la certification des services en nuage, sur le changement de fournisseur de services d'informatique en nuage et sur un « nuage pour la recherche » ;
15. définir les priorités en matière de normes et d'interopérabilité dans des domaines cruciaux pour le marché unique numérique, tels que la santé en ligne, la planification des transports ou l'énergie (compteurs intelligents) ;
16. favoriser une société numérique inclusive dans laquelle les citoyens possèdent les compétences nécessaires pour profiter des possibilités qu'offre l'internet et augmenter leurs chances de trouver un emploi. Grâce également à un nouveau plan d'action pour l'administration en ligne, les registres du commerce dans toute l'Europe seront connectés, les différents systèmes nationaux pourront travailler les uns avec les autres, et les entreprises et les particuliers auront la possibilité de communiquer leurs données une fois pour toutes aux administrations publiques, qui pourront ainsi réutiliser les informations qu'elles possèdent déjà et ne devront plus les redemander à de multiples reprises. Cette initiative « une fois pour toutes » permettra de réduire les formalités administratives et pourrait permettre d'économiser environ 5 milliards d'euros par an d'ici à 2017. La passation électronique des marchés publics et l'interopérabilité des signatures électroniques connaîtront un déploiement plus rapide.
Par Antoine Oury
Contact : ao@actualitte.com
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