Après le Rocket eBook (de Nuvomedia) lancé en 1998 et le SoftBook Reader (de SoftBook Press) lancé en 1999, nous avons le Gemstar eBook lancé en novembre 2000 aux États-Unis et le Cybook (de Cytale) lancé en janvier 2001 en Europe. Après une période morose, le temps d’étoffer un peu l’offre en livres numériques et de faire baisser le prix des tablettes, des modèles plus légers gagnent en puissance et en qualité d’écran, par exemple le LIBRIe (de Sony) lancé en avril 2004, le Cybook (de Bookeen) lancé en juin 2004, le Sony Reader lancé en octobre 2006, le Kindle (d’Amazon) lancé en novembre 2007, le Nook (de Barnes & Noble) lancé en novembre 2009 et enfin l’iPad (d’Apple) lancé en avril 2010.
Le 26/06/2015 à 08:59 par Marie Lebert
Publié le :
26/06/2015 à 08:59
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Les premiers modèles
Alors qu’elles étaient jusque-là l’apanage des films de science-fiction, on voit apparaître en 1998 et 1999 les premières tablettes électroniques dédiées à la lecture, de la taille d’un (gros) livre. Ce sont le Rocket eBook et le SoftBook Reader, tout droit sortis de l’imaginaire (et du portefeuille) de la Silicon Valley, en Californie. Ces tablettes pèsent près de deux kilos, elles ont un écran à cristaux liquides (écran LCD) noir et blanc, elles fonctionnent sur batterie et elles peuvent stocker une dizaine de livres. L’usager se connecte à l’internet soit par le biais d’un ordinateur (pour le Rocket eBook) soit directement grâce à un modem intégré (pour le SoftBook Reader) pour télécharger des livres sur les sites de NuvoMedia (pour le Rocket eBook) ou de SoftBook Press (pour le SoftBook Reader).
Ces tablettes suscitent un engouement certain, même si peu de gens vont jusqu’à les acheter, vu leur prix prohibitif (plusieurs centaines de dollars) et un choix de livres très restreint, le catalogue de livres numériques étant encore ridicule par rapport à la production imprimée. Les éditeurs commencent tout juste à produire des livres en version numérique et se demandent encore comment les commercialiser, la plupart étant tétanisés par les risques de piratage.
Premier modèle du marché, le Rocket eBook est lancé en 1998 par NuvoMedia, société créée en 1997 à Palo Alto, dans la Silicon Valley, et financée par la chaîne de librairies Barnes & Noble et le géant des médias Bertelsmann. D’après son site web, NuvoMedia souhaite devenir « la solution pour distribuer des livres électroniques en procurant une infrastructure réseau aux éditeurs, distributeurs et usagers afin de publier, distribuer, acheter et lire un contenu électronique de manière sécurisée et efficace sur l’internet ». La connexion entre le Rocket eBook et l’ordinateur (PC ou Macintosh) se fait par le biais du Rocket eBook Cradle, un périphérique à deux câbles, d’une part un câble pour se connecter à une prise électrique par le biais d’un adaptateur, d’autre part un câble série pour se connecter à l’ordinateur.
Deuxième modèle du marché, le SoftBook Reader est lancé en 1998 par SoftBook Press, société financée par les maisons d’édition Random House et Simon & Schuster. Le SoftBook Reader s’appuie sur le SoftBook Network, « un service de distribution de contenu basé sur l’internet ». Selon le site web de SoftBook Press, cette tablette — contrairement à l’ordinateur — possède « une ergonomie conçue pour la lecture de longs documents et de livres » et permet aux lecteurs de « télécharger facilement, rapidement et de manière sécurisée un large choix de livres et de revues grâce à sa connexion internet intégrée ».
D’autres tablettes de lecture sont lancées en 1999, par exemple l’EveryBook Reader et le Millennium eBook (le nouveau millénaire approche). L’EveryBook Reader est un appareil à double écran lancé par la société EveryBook et poétiquement présenté comme « une bibliothèque vivante dans un simple livre ». L’appareil avec modem intégré peut stocker cinquante livres numériques trouvés sur l’EveryBook Store qui, selon le site, permet de « consulter, acheter et recevoir le texte intégral de livres, magazines et partitions de musique ». Le Millenium eBook est une tablette de lecture « petite et bon marché » lancée par la société Librius, « une société de commerce électronique procurant un service complet », y compris un World Bookstore avec « des copies numériques de milliers de livres ».
Toutes ces tablettes ne durent pas. Il faudra attendre le début des années 2000 pour voir apparaître de nouveaux modèles ayant une durée de vie légèrement plus longue, par exemple le Gemstar eBook lancé en novembre 2000 aux États-Unis et le Cybook (première génération, celui de Cytale) initié en janvier 2001 en Europe.
Le Gemstar eBook
Spécialisée dans les produits et services numériques pour les médias, la société américaine Gemstar lance le Gemstar eBook en novembre 2000 aux États-Unis après avoir racheté les deux sociétés californiennes auteures des premières tablettes de lecture du marché, à savoir Nuvomedia (auteure du Rocket eBook) et SoftBook Press (auteure du SoftBook Reader).
Le Gemstar eBook se décline en deux modèles — le REB 1100 (écran noir et blanc, successeur du Rocket eBook) et le REB 1200 (écran couleur, successeur du SoftBook Reader) — construits et vendus sous le label RCA, appartenant à Thomson Multimedia. Le système d’exploitation, le navigateur et le logiciel de lecture sont spécifiques à l’appareil, tout comme le format de lecture, basé sur le format OeB (Open eBook).
Le REB 1100 (18 x 13,5 centimètres) a une taille comparable à celle d’un (très) gros livre broché. Son poids est de 510 grammes avec modem 36,6 K intégré et une autonomie de quinze heures. Sa mémoire compact flash de 8 Mo permet de stocker 20 romans, soit 8.000 pages de texte. La mémoire peut être étendue à 72 Mo pour permettre un stockage de 150 livres, soit 60.000 pages de texte. L’écran tactile noir et blanc rétro-éclairé a une résolution de 320 x 480 pixels. Le REB 1100 est vendu par la chaîne de magasins SkyMall au prix de 300 dollars US.
Un peu plus volumineux, le REB 1200 (23 x 19 centimètres) a la taille d’un grand livre cartonné. Son poids est de 750 grammes avec modem 56 K intégré et connexion Ethernet, et une autonomie de six à douze heures. Sa mémoire compact flash de 8 Mo permet de stocker 5.000 pages. La mémoire peut être étendue à 128 Mo pour permettre un stockage de 80.000 pages. L’écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 480 x 640 pixels. Le REB 1200 est vendu par SkyMall au prix de 699 dollars US.
La commercialisation du modèle européen, le GEB 2200, débute en octobre 2001 en commençant par l’Allemagne. Le GEB 2200 a les mêmes caractéristiques que le REB 1200. Son poids est un peu supérieur (970 grammes) parce qu’il inclut une couverture en cuir protégeant l’écran. Son prix est de 649 euros. Ce prix inclut deux abonnements en version électronique — un abonnement de six semaines à l’hebdomadaire Der Spiegel et un abonnement de quatre semaines au quotidien Financial Times Deutschland — ainsi que deux best-sellers et quinze œuvres classiques.
Les ventes de ces trois modèles sont très inférieures aux pronostics. En avril 2002, un article du New York Times annonce l’arrêt de la fabrication de ces tablettes par RCA. Lancés à l’automne 2002, les modèles suivants – le GEB 1150 et le GEB 2150 — sont produits cette fois sous le label Gemstar et vendus par SkyMall à un prix beaucoup plus compétitif, avec ou sans abonnement annuel ou bisannuel à la librairie numérique du Gemstar eBook. Le GEB 1150 coûte 199 dollars US sans abonnement, et 99 dollars US avec abonnement annuel (facturé 20 dollars US par mois). Le GEB 2150 coûte 349 dollars US sans abonnement, et 199 dollars US avec abonnement bisannuel (facturé lui aussi 20 dollars US par mois).
Les deux modèles GEB 1150 et GEB 2150 sont livrés non seulement avec un dictionnaire intégré, le Webster’s Pocket American Dictionary (publié par Random House), mais aussi avec la version anglaise du Tour du monde en quatre-vingt jours de Jules Verne (publiée par eBooks Classics), best-seller universel qui poursuit ainsi sa carrière en version numérique. En Allemagne, on parle d’un remplacement éventuel du GEB 2200 par le GEB 1150 courant 2003, remplacement qui n’a finalement pas lieu.
Mais, malgré ces nouveaux modèles, les ventes restent peu concluantes — faute d’un marché mûr pour ce genre d’appareil — et Gemstar décide de mettre un point final à ses activités eBook. La société cesse la vente de ses tablettes de lecture en juin 2003 et cesse la vente de ses livres numériques le mois suivant.
Le Cybook (Cytale / Bookeen)
Première tablette de lecture européenne, le Cybook est lancé en janvier 2001 par la société française Cytale. Sa mémoire — 32 Mo de mémoire SDRAM et 16 Mo de mémoire flash — permet de stocker 15.000 pages de texte, soit 30 livres de 500 pages, dans un appareil de 21 x 16 cm pesant un kilo, avec modem 56 K, haut-parleur, sortie stéréo avec prise casque et plusieurs ports pour périphériques. L’écran tactile couleur rétro-éclairé a une résolution de 600 x 800 pixels, avec affichage possible en mode portrait ou paysage. Le Cybook utilise le système d’exploitation Windows CE de Microsoft, le navigateur Internet Explorer et un logiciel de lecture spécifique basé sur le format OeB (Open eBook). Il intègre un dictionnaire Hachette de 35.000 mots. En mars 2002, il coûte la bagatelle de 883 euros sans abonnement ou 456 euros avec abonnement annuel (facturé 20 euros par mois). Les livres et journaux sont téléchargés à partir du site web de Cytale, suite à des partenariats avec plusieurs éditeurs et sociétés de presse.
Comme toutes les sociétés du même genre, Cytale a plusieurs cordes à son arc : « conception et commercialisation d’un livre électronique, conception, développement et gestion d’un site internet de diffusion de livres numériques, préparation et formatage de livres numériques. » Cytale développe aussi le Cybook Pro, une version du Cybook à destination des entreprises, des universités et des collectivités pour la gestion de leurs documents numérisés (dossiers clients, normes techniques, procédures, catalogues, cartes, etc.).
Par ailleurs, en collaboration avec l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), Cytale adapte son logiciel pour permettre la lecture de livres numériques sur plage braille ou sur synthèse vocale. Dans cette optique, la société développe le Cybook Vision, une tablette adaptée aux besoins des personnes malvoyantes et distribuée par un réseau d’opticiens. On lit sur le site web dédié que « toutes les opérations de navigation, en mode autonome, ont été élaborées sur les conseils d’orthoptistes et à partir des suggestions de malvoyants. Réduites à l’essentiel, elles autorisent la création de stratégies de lecture personnalisées. L’appareil, qui fonctionne comme un enregistreur, est doté d’une capacité de mémoire qui autorise une contenance d’environ trente livres. Chaque ouvrage est lisible dans deux polices et six tailles de caractères. La catégorie la plus grande correspond à un corps de texte 28 ou à la taille P. 20 selon les normes des orthoptistes. La résolution d’écran “Super VGA” de 100 DPI offre une excellente netteté des caractères. Le rétro-éclairage de cet écran autorise la lecture dans une ambiance peu lumineuse. Le contraste et la luminosité peuvent être réglés séparément et sont activés par un bouton. Une icône autorise le changement de couleur de fond, qui passe du blanc au jaune pour répondre à certains problèmes de photosensibilité. Les textes peuvent être lus en corps noir sur blanc ou blanc sur noir, jaune sur noir ou noir sur jaune. »
Les ventes du Cybook sont très inférieures aux pronostics – le marché n’étant pas encore mûr pour ce genre d’appareil, et le porte-monnaie des clients non plus — et forcent la société à cesser ses activités en juillet 2002. La commercialisation du Cybook est reprise l’année suivante par la société Bookeen, créée à l’initiative de Michael Dahan et Laurent Picard, deux ingénieurs de Cytale. Le Cybook deuxième génération est lancé en juin 2004 et se décline en plusieurs modèles. En juillet 2007, Bookeen lance un nouveau modèle dénommé Cybook Gen3 (abrégé de troisième génération, sans doute), avec un écran utilisant pour la première fois la technologie E Ink et non plus un écran LCD.
Les modèles de Sony
En avril 2004, Sony lance au Japon sa première tablette de lecture, le LIBRIe 1000— EP, produit en partenariat avec les sociétés Philips et E Ink. Le LIBRIe est la première tablette du marché à utiliser la technologie d’affichage développée par la société E Ink. La tablette pèse 300 grammes (avec piles et protection d’écran) pour une taille de 12,6 x 19 x 1,3 centimètres et fonctionne avec quatre piles alcalines. Sa mémoire est de 10 Mo — avec possibilité d’extension — et sa capacité de stockage de 500 livres. Son écran de 6 pouces a une définition de 170 DPI et une résolution de 800 x 600 pixels. Un port USB permet le téléchargement des livres à partir d’un ordinateur. La tablette comprend aussi un clavier, une fonction d’enregistrement et une synthèse vocale. Son prix est de 375 dollars US.
Après le LIBRIe lancé en avril 2004 au Japon, le Sony Reader est lancé en octobre 2006 aux États-Unis. L’écran de cette tablette, qui utilise une technologie E Ink plus avancée, est « un écran qui donne une excellente expérience de lecture, très proche de celle du vrai papier, et qui ne fatigue pas les yeux », selon Mike Cook, auteur du site epubBooks.com. Un autre avantage de cette tablette sur ses concurrentes est la durée de vie de la batterie, avec plus de 7.000 pages consultables pendant deux semaines sans nécessité de la recharger. Le Sony Reader est aussi la première tablette à utiliser Adobe Digital Editions, un logiciel qui adapte le texte du livre à la taille de l’écran. La tablette est ensuite disponible au Canada, au Royaume-Uni, en Allemagne et en France.
D’autres modèles
Les autres modèles du moment sont par exemple l’Ebook (Toshiba), le Sigma Book (Panasonic), le STAReBook et le STAReReader (eREAD), l’iLiad (iRex Technologies) et le Hanlin eReader (Jinke). Ces deux dernières tablettes ont un écran E Ink. Si l’iLiad ne permet la lecture que sur le Mobipocket Reader, le Hanlin eReader se décline en plusieurs versions et supporte de nombreux formats, dont les formats PDF, DOC, HTML, MP3, JPG, TXT et ZIP. En mai 2007, Telecom Italia lance le Librofonino, décrit comme un « livre cellulaire » puisqu’on se connecte à l’internet via le réseau téléphonique (3GSM et autres), et qui propose un écran ouvrant plus large que l’appareil.
Le Kindle d’Amazon
Amazon lance en novembre 2007 sa propre tablette de lecture, le Kindle, avec un format livresque (19 x 13 x 1,8 cm), un poids de 289 grammes, un écran noir et blanc de 6 pouces avec une résolution de 800 x 600 pixels, un clavier, une mémoire de 256 Mo (extensible par carte SD), un port USB et la possibilité de se connecter à l’internet via la WiFi. Le Kindle peut contenir jusqu’à 200 livres sur les 80.000 livres numériques que propose le catalogue d’Amazon (dont la collection de livres numériques rachetée en avril 2005 à Mobipocket). Puis Amazon lance en février 2009 le Kindle 2 pour un prix plus modique (qui continue ensuite de baisser sensiblement), suivi en mai 2009 du Kindle DX avec un écran de 9,7 pouces permettant la lecture de journaux et magazines. Le catalogue d’Amazon compte 450.000 titres numériques en mars 2010, y compris des livres et revues audio suite au rachat du catalogue d’Audible.com en janvier 2009.
En novembre 2009, la chaîne de librairies américaine Barnes & Noble (qui gère aussi une librairie en ligne et une librairie numérique) lance sa propre tablette de lecture, le Nook. La tablette, sous plateforme Android, dispose d’un écran E Ink de 6 pouces, avec une connexion WiFi et une connexion 3 G. Son prix de 259 dollars US baisse sensiblement dans les mois qui suivent. Le prix du premier modèle passe à 199 dollars US en juin 2010, avec un nouveau modèle disposant de la seule connexion WiFi au prix de 159 dollars US. Le Nook Color apparaît en octobre 2010 avec un écran LCD de 7 pouces pour la lecture de magazines et de livres d’images. Un nouveau Nook plus léger est lancé en mai 2011, toujours sous plateforme Android, avec un écran de 6 pouces utilisant la technologie E Ink Pearl tactile.
L’iPad d’Apple est lancé en avril 2010 par Steve Jobs aux États-Unis en tant que tablette numérique multifonctions, avec un iBookstore de 60.000 livres numériques. Son prix initial est de 499 dollars US. Un lancement mondial suit en juin 2010. Après l’iPod (lancé en octobre 2001) puis l’iPhone (lancé en juin 2007), deux objets cultes auprès de toute une génération, Apple devient lui aussi un acteur de poids pour le livre numérique. L’iPad est suivi de l’iPad 2, lancé en mars 2011 aux États-Unis, avec un lancement mondial deux semaines plus tard.
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Cette courte liste de tablettes et liseuses est loin d’exhaustive, bien entendu. La compétition est rude sur un marché prometteur. Les usagers recherchent des objets solides, légers, économiques et procurant un véritable « confort de lecture », sans oublier l’aspect esthétique et les possibilités de lecture en 3D, en attendant l’arrivée du (véritable) papier électronique.
Source :
Le Livre 010101 — PDF dans la bibliothèque numérique de l’ENSSIB ou lecture en ligne sur YouScribe.
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