Ce 5 mai, le présentateur depuis 19 ans de l'émission emblématique de la francophonie sur le service public, La Librairie Francophone, Emmanuel Khérad, confirmait les informations du Monde : « La suppression, contre sa volonté », du rendez-vous du samedi, écouté par une moyenne de 3 millions d’auditeurs, en France, Suisse, Canada, Belgique et dans toute la francophonie.
Le 07/05/2024 à 19:17 par Hocine Bouhadjera
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Il a appris cette nouvelle il y a quelques jours, et a confirmé l'information à travers ses réseaux sociaux : « J'ai participé ce week-end au Festival de Hyères, dans le Var, pour présenter et signer mon dernier livre, Regarde le monde (Stock). À cette occasion, on m'a constamment questionné sur la véracité de l'information sortie par Le Monde. Il fallait que je réagisse publiquement pour clarifier la situation », confie l'animateur auprès d'ActuaLitté.
Une réaction qui se borne au strict minimum, devoir de réserve oblige, en attendant de recevoir la lettre recommandée réglementaire, et de potentiellement rencontrer la présidente de Radio France, Sibyle Veil. En attendant, c'est la sidération qui domine : « On est complètement sonné avec mon équipe, dévasté. On avait quasi la certitude d'une prochaine saison, par plusieurs choses, et finalement non. C'est terrible. »
L'agréable surprise aussi, face à l'avalanche de réactions qui ont suivi la décision de la direction. Leur tonalité est assez unanime : « Il va falloir que France Inter retrouve ses esprits là c’est pas possible… », pour citer un internaute. L'écrivaine Simonetta Greggio, de son côté, est scandalisée : « Quoi ? Mais non ! Mais c’est impossible !! Dévastation … je suis furieuse de tout ce qui arrive. Fumasse. C’est odieux. »
Au départ, hisser une émission basée sur la francophonie au sommet des audiences radio était tout sauf une évidence : « Nous avons démontré qu'un succès était possible, avec des pics à un million d'auditeurs en France et une moyenne entre 700 et 800.000 auditeurs. C'est donc surprenant et brutal de mettre fin à une émission qui a reçu un tel plébiscite du public. » En 2023 encore, France Inter se réjouissait, dans un communiqué, en assurant que « jamais auparavant une émission radio dédiée aux livres n'avait captivé autant d'auditeurs »...
Emmanuel Khérad développe : « Au cours des 20 dernières années, j'ai consacré beaucoup d'efforts pour la francophonie, en établissant des connexions solides avec les acteurs du monde de la lecture et du livre, à travers cette émission. Ce long travail de fond a eu pour but de créer des liens, essence même de la francophonie à mes yeux. Pour moi, cela représente le cœur du service public : rassembler les gens, promouvoir la culture. Quand les auditeurs sont au rendez-vous, ça sanctionne le travail fourni. »
L'animateur l'a constaté : gagner le plébiscite et la confiance des auteurs et acteurs du livre n'est pas une tâche facile, et demande du temps : « On a réussi à rassembler les gens autour de la culture, ce qui a toujours été notre objectif. En attirant le public, on a créé une émulation culturelle qui ouvre des perspectives sur le monde, favorise la tolérance. »
Alors pourquoi arrêter ce programme du côté de France Inter ? Une volonté de changement, introduire une nouvelle émission qui adopterait une approche différente, a-t-on expliqué à l'animateur, qui réagit : « J'ai toujours soutenu le changement, en intégrant subtilement des nouveautés dans mon émission à chaque nouvelle année. Cependant, j'éprouve des réserves concernant les changements radicaux, particulièrement dans le domaine culturellement fragile de la francophonie. »
Ironique d'arrêter cette émission de référence l'année où la France accueillera le Sommet de la Francophonie, une première depuis 1991. Un événement entre le Grand Palais à Paris, et le château de Villers-Cotterêts, qui abrite la Cité internationale de la langue française depuis peu : « Nous avons commencé à travailler à ce sommet avec mon équipe. La francophonie va au-delà des simples événements institutionnels ; il s'agit là-encore de créer des liens », partage l'animateur.
À France Inter, l'inquiétude monte parmi journalistes et producteurs suite à des coupes de programmes, officiellement justifiées par des économies budgétaires, une explication qui convainc peu en interne. La situation s'aggrave avec la convocation disciplinaire récente de l'humoriste Guillaume Meurice, vue comme une menace à la liberté d'expression.
Des programmes emblématiques sont annulés, ce que des membres du personnel interprètent comme une tentative d'uniformiser le contenu éditorial. Une réunion globale est prévue pour discuter de ces changements profonds qui semblent miner l'identité et les valeurs de la station.
Pour conclure, aux yeux d'Emmanuel Khérad, une anecdote met en lumière l'importance de son programme avec les années : « Une dame m'a expliqué que l'émission avait été sa seule fenêtre sur le monde après avoir perdu son fils, au moment où elle n'arrivait plus à sortir de chez elle. Un témoignage qui m'avait particulièrement touché, et souligne le rôle vital du service public. »
À LIRE - La langue française en marche : francophonie et défis en 2024
Il espère à présent des évolutions positives : « Je suis ouvert à toutes les propositions de la part de la direction. Je n'abandonne pas en tout cas, mais je ne sais pas ce qui sera proposé à la place de La Librairie Francophone, ni avec qui. »
De son côté, la direction de France Inter a partagé un communiqué, qui indique : « La Librairie francophone s’arrête mais pas le soutien de France Inter à la francophonie. Une nouvelle émission sur la littérature francophone, en partenariat avec nos confrères des médias francophones publics, sera à l’antenne dès la rentrée. » Et de continuer : « Emmanuel Khérad a porté haut les couleurs de la littérature francophone pendant 17 ans à l’antenne. Il en a été un excellent ambassadeur et nous le remercions pour la qualité des émissions qu’il a proposées aux auditeurs durant toutes ces années. »
Pour son engagement dans la défense de la langue française, l'animateur radio a été récompensé par le Prix Richelieu 2022.
Crédits photo © Radio France / Christophe Abramowitz
Paru le 20/03/2024
224 pages
Stock
19,90 €
69 Commentaires
NAUWELAERS
07/05/2024 à 23:30
Suppression de l'émission «Des Chiffres Et Des Lettres», puis de «La Librairie Francophone» dans la foulée...
C'est à se demander si cela n'a pas accéléré le décès de Bernard Pivot, juste après, la série noire...
Le service public est-il tombé sur la tête ?
CHRISTIAN NAUWELAERS
Toinou
08/05/2024 à 07:59
Au-delà de la question de France Inter, qui semble complexe, c'est toujours intéressant de voir comment la France aborde la francophonie. Cette émission propose un regard qui n'est pas complètement centré sur la France, c'est assez rare pour être signalé.
Catherine Zbinden
08/05/2024 à 09:11
J'avais beaucoup de plaisir et intérêt à écouter cette émission si bien menée et qui ouvrait de nouveaux horizons. Une décision absurde et incompréhensible d'autant que l'audience était au rendez-vous. France inter est sur une pente vraiment décevante avec l'arrêt ou modification d'émissions emblématiques.
Solzasco
08/05/2024 à 10:30
Si cette émission ne devait pas être remplacée par "une autre voix" comme l'évoque l'article du Monde que vous citez pourtant en référence, ce serait en effet scandaleux, mais est-ce bien le cas? Avez-vous interrogé la direction de France Inter sur ce point? Ou celle de Radio France puisque, curieusement, vous citez Sybille Veil et non Adèle van Reeth alors que c'est cette dernière qui est directement en charge dans cette affaire. Bref, votre papier sent très fort le copinage au détriment de l'impartialité attendue de vos informations: pour ne rien dire des fautes d'orthographe désolantes qu'on laisse passer à la Rédaction (y compris dans le titre) et des fautes de français que vous reproduisez fidèlement, qui ne plaident ni pour "ACTUALITTE" ni pour la défense de la langue française, francophonie ou pas!
Jean
08/05/2024 à 20:37
Les Américains ont un proverbe parfait pour expliquer pourquoi on se moque parfaitement de l'avis de la direction.
If it ain't broke, don't fix it.
Toinou
09/05/2024 à 07:57
Un média n'est pas obligé d'être impartial. Nombre d'entre eux ont une ligne éditoriale, c'est le cas de ce site.
Actualitté peut décider de traiter la suppression brutale de cette émission sous ce seul angle. D'autant que la direction n'a absolument pas communiqué à ce sujet. La seule chose que vous trouverez est une réaction du médiateur (!) de Radio France (https://mediateur.radiofrance.com/chaines/france-inter/la-librairie-francophone-france-inter/) qui évoque, suite aux nombreuses communications reçues, "une nouvelle émission" à la rentrée, sans aucun détail. On observera d'ailleurs qu'aucun des médias francophones partenaires n'a émis de réaction, ou n'a simplement communiqué sur la suppression de l'émission. On peut se demander quelle est leur implication dans ce changement.
Le commencement de la fin. Ou inversement...
08/05/2024 à 11:04
Ce n'est pas une surprise, un concert en phase terminale... D'années en années, une descente vers le somptueux n'importe-quoi, le formatage dans le fond et dans la forme, l'humour à l'emporte-pièce de deux balles, la prédominance d'un débit de parole survitaminé pour cacher le dérisoire du contenu, tout cela est conforme à l'ambiance générale. Adieu France-Inter. Faire ma vaisselle en silence, enfin !
NAUWELAERS
08/05/2024 à 21:42
Une suggestion: écouter de la bonne musique et de bonnes émissions sur TSF Jazz !
Il n'y a pas que France Inter que je vénérais à la grande époque -Villers, Bouteiller, José Artur et les autres.
Cette radio-là selon mon coeur !
Hélas ils sont tous morts comme cette version magnifique de France Inter...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Nathy
09/05/2024 à 12:46
Merci pour votre commentaire auquel je souscris totalement
Jean daniel Jolivald
11/05/2024 à 07:46
M.L.E. VAINCRA!
Signé: Mouvement de Libération des Éviers.
Yves
08/05/2024 à 12:28
Que se passe-t-il à France inter ? Après avoir négligé une décision de justice pour écarter Guillaume Meurice, la direction dézingue sans préavis une émission culturelle, accessible au plus grand nombre et qui était suivie par un large public...bye bye France inter, je mettrai de plus en plus souvent de la musique dans la voiture.
Aurelien Terrassier
09/05/2024 à 10:42
Yves je vous comprend je considère qu'il existe encore des bonnes émissions sur France Inter et ce que vous dites me rappelle il y a quatorze ans lorsque Didier Porte et Stéphane Guillon s'étaient aussi fait virés et certains avaient lancé à ce moment là une campagne de boycott. Je ne suis pas fan de Guillaume Meurice mais je le soutiens néanmoins face à une direction dont nous savons et c'est documenté que la directrice des programmes qui n'est autre que la compagne d'un célèbre prétendu philosophe proche du groupuscule de droite extrême le Printemps républicain, mène la station du service public dans le mur avec un virage très droitier.
Michel Mazon
14/05/2024 à 07:30
Juste pour signaler que "dont nous savons et c'est documenté que la directrice des programmes" c'est à dire Adèle Van Reeth n'est pas responsable des coupes sombres actuelles, ni de la mise à pirds de Guillaume Meurice, en fait elles sont le fait de Sibyle Veil, Présidente-directrice générale de Radio France (ami de Macron et même promotion ENA que lui ).
On peut regretter toutefois l'absence de réaction de Adèle Van Reeth car qui ne dit mot consent.
Aurelien Terrassier
08/05/2024 à 13:03
Il m'est arrivé d'écouter cette émission de qualité sur cette radio de service public qui n'aime pas vraiment les gens de gauche et Charline Vanodecker et son équipe pour l'instant tient bon après l'éviction de Guillaume Meurice dont je ne suis pas un grand fan loin s'en faut mais que je soutiens néanmoins comme cette grève annoncée les jours qui suivent. En dehors d'Arte, LCP, France culture et encore le service public disparaît peu à peu au profit de programmes au rabais copiant parfois sur ce qui se fait sur le privé . A certains égards, il est parfois dur de différencier la matinale de France Inter avec certains invités vedettes récurrents et celle de RTL. Le service public audiovisuel est à la botte de tous les gouvernements successifs en matière de nomination des patrons et de l'éviction d'animateurs et d'humoristes directement ou indirectement. La liste serait trop longue ici mais service public comme audiovisuel, ça serait bien d'avoir des plages horaires non financés par le publicité mais par des donateurs privés ou des petites entreprises qui n'appartiennent pas au CAC 40 et qui seraient volontaires pour financer via de la publicité des programmes de qualité. Face à un discours ambiant pro-Gafam qui prétend que la télévision et la radio c'est d'autant plus faux car l'année prochaine des nouvelles chaînes dont certaines en UHD via la nouvelle norme DVBT2 et la radio devient numérique grâce au DAB + et des nouvelles stations. Si le Figaro TV a son canal TNT en Île de France et sa radio en DAB Plus en PACA, d'autres projets sont évidemment possibles sans pour autant que cela soit forcément des milliardaires assujettis au CAC 40 qui détiennent une chaîne TNT ou une station de radio.
Retour1934
08/05/2024 à 14:40
La direction de Sciences Po Paris vous a-t- elle envoyé son commentaire sur cette information ?
Danke
Ganda
08/05/2024 à 15:29
Je suis une fervente auditrice de ce programme que je trouve vraiment intéressant car ouvert aux différentes pensées francophones. Cela me sidère qu'il soit tout simplement annulé. Surtout en ce moment où, dans une conjoncture mondiale de plus en plus replié sur l'individu, s'ouvrir au monde de l'autre est essentiel, voir le seul salut pour arrêter la violence.
Nizou
08/05/2024 à 15:35
je pense que tout est fait pour empêcher le peuple d'accéder à la connaissance, à la culture. Un peuple ignorant, abruti par les réseaux sociaux et les chaines d'infos est plus facile à diriger. je pense que le gouvernement actuel laisse sciemment la place au RN et encourage son arrivée au pouvoir
Viano Marie-Claude
08/05/2024 à 16:06
Entre tristesse et révolte. Où est le Service Public?
Catherine COURTOIS
08/05/2024 à 16:20
Que cherche France inter ? Cette émission est très intéressante et agréable et parle intelligemment de la francophonie, les avis des correspondants sont diversifiés ce qui témoigne de la richesse de la réflexion.... Il y a sûrement un truc pas net derrière tout ça !
Marie
13/05/2024 à 08:39
Il y a bien longtemps, (une) Catherine Courtois violoniste se produisait à Conques en Rouergue , l'été. Etait parfois accompagnée de Catherine Collard, décédée...Etait-ce vous? Merci de m'éclairer.
nadine Monfils
08/05/2024 à 16:44
Voilà plus de 50 ans que j'écris et La librairire Francophone est la seule émission qui traverse les frontières ! Emmanuel Kherad et son équipe sont des amoureux du livre, qui LISENT ( tout comme Gérard Collard) ce qui n'est pas le cas de tous les journalistes. Cette émission était particulièrement intéressente et invitait des artistes de tous bords. C'est là par exemple que j'ai rencontré Marlène Jobert et bien d'autres. C'est scandaleux de supprimer cette émission très écoutée, qui donnait à des écrivains dits "populaires" comme moi, une visibilité rare, et qui n'était pas éllitiste comme Pivot ( paix à son âme) qui m'avait avoué détester les polars.
Martine MILLOT
08/05/2024 à 16:57
Une suppression de plus d’une émission qui marche, essentielle sur le service public. Mais qui sont ces personnes qui craignent à ce point les émissions qui font réfléchir ?
Christiane Guillaume
08/05/2024 à 17:09
Bonjour,
Inclure de la nouveauté mais quelle nouveauté !! 😡 Quand quand une émission fonctionne si bien, belle rencontre avec les auditeurs. Et quel plaisir de découvrir des livres d'ailleurs d'avoir des avis, de découvrir, combien de fois je suis allée acheter un livre après écouté cette belle emission, après la suppression de le terre au carré, las-bas si j'y suis et l'acharnement sur Guillaume Meurisse !! # boycottons France Inter !
EICH ALAIN
08/05/2024 à 17:35
La nouvelle suspension d'antenne de Guillaume Meurice, le changement d'émissions phares telles que celle-ci ou celle de 14h quotidienne sur l'écologie, sans doute d'autres (?) ressemble fortement à une régression façon ORTF supervisée par le Pouvoir et ses laquais .Ça me dégueule.
Marc
08/05/2024 à 18:39
Cette émission était particulièrement nulle et gnangnan.
Catherine Pélabon
16/05/2024 à 15:20
C'est autorisé de se moquer des accents francophones ? Gnan gnan vous dites?
Mimi
09/05/2024 à 00:15
Après la Grande Table sur France Culture voilà France Inter qui coupe une autre branche qui risquait de nous rendre intelligents.
Nos médias publics sont en danger réel de populisme et la qualité même concernant les choix musicaux. Allez faire un tour sur Fip par exemple. On n’entend plus que de la musique d’ascenseur et hors de droit artistique. La meilleure manière pour détruire un média c’est d’abord éliminer son audience par la médiocrité et ensuite le fermer ou privatiser sous prétexte de manque d’audience. Malin non? :)
NAUWELAERS
10/05/2024 à 19:16
Mimi,
Allez faire un tour sur TSF Jazz et vous aurez toujours de la bonne musique !
Sans idéologues à la noix venant nous infliger leur catéchisme obligatoire.
Rien que le pur plaisir, comme France Musique à certaines heures: notamment les samedis et dimanches à 18 heures avec ces super concerts de jazz très bien présentés par l'excellentissime Jérôme Badini !
Allons vers la qualité en ignorant le reste !
CHRISTIAN NAUWELAERS
Corrientes
09/05/2024 à 06:52
France Inter ses choix de supression de certaines émissions est inquiétant vivons nous en France un nouveau maccarthysme ?
Brindemuguet
09/05/2024 à 08:03
Gérer un budget et faire des choix intelligents n'est pas donné à tout le monde.
La langue est une affaire trop grave pour la laisser entre les mains d'incultes.
C'est tout simplement incroyable et scandaleux...et si c'était une fake news...