Pour la 23e édition du Festival international de la littérature (FIL), qui aura lieu du 22 septembre au 1er octobre prochains, c’est la rencontre de l’autre qui sera au cœur des festivités. En effet, bien qu’il n’existe pas, à proprement parler, de thématique annuelle au festival depuis sa fondation, les préoccupations et intérêts de la directrice générale et artistique Michelle Corbeil, conjugués aux soubresauts de l’actualité, viennent insuffler à la programmation officielle une couleur tout à fait particulière !
Le 23/08/2017 à 00:40 par Victor De Sepausy
Publié le :
23/08/2017 à 00:40
Cette année encore, au cours d’une cinquantaine de manifestations ayant lieu aux quatre coins de la ville, près de 200 écrivains et artistes de toutes disciplines, d’ici et d’ailleurs, célèbreront la littérature, en musique, en danse et en images !
Le spectacle d’ouverture du Festival est justement une illustration parfaite de cette « rencontre avec l’autre » : L’Une & l’Autre est en effet le fruit d’une rencontre entre l’écrivaine Delphine de Vigan et la chanteuse La Grande Sophie. En 2014, avec L'Une & l'Autre, elles avaient marié une première fois leurs notes et leurs mots. Une réussite telle que la Grande Sophie et Delphine de Vigan ont décidé de prolonger cet intense et touchant assemblage de lecture et de chant en 2017.
Salut Galarneau !, paru en 1967, est un roman marquant de la littérature québécoise qui brosse, à travers le récit d’un destin personnel, le portrait d’un moment important de l’histoire québécoise, celui de la Révolution tranquille. Ce spectacle, célébrant les 50 ans du roman de Jacques Godbout, met en vedette Pierre Curzi et Benoit Drouin-Germain, dans une mise en lecture et une adaptation d’Alexis Martin.
Sylvie Drapeau, grande comédienne, est aussi une immense lectrice : femme de paroles, elle n’a jamais caché son amour de la littérature. Romancière de talent, elle nous fera lecture de passages de ses deux romans — Le fleuve (2015) et Le ciel (2017) — dans Du fleuve au ciel.
Au cœur du spectacle Là d’où je viens, Darling !, il y a certes les mots de l’écrivaine biélorusse Svetlana Aleixievitch, Prix Nobel de littérature 2015, incarnés par l’actrice Sophie Desmarais, mais il y a aussi ceux de Madeleine Gagnon, de Tania Langlais, de Claudio Pozzani et de Violaine Forest. Ce soir-là, il sera bien sûr question de la guerre, de l’exil, de la dépossession et de la filiation, mais aussi d’espoir et d’humanité.
Collaboratrice depuis six ans à l’émission littéraire Plus on est de fous, plus on lit, diffusée à ICI Radio-Canada Première, la comédienne Émilie Bibeau commence en 2016, dans le cadre de l’émission, une série de petits textes d’autofiction traçant le parcours émotif d’un cœur ayant de la difficulté à se sentir appartenir à son époque et traversant quelques difficultés amoureuses... Elle propose au FIL Chronique d’un cœur vintage, un spectacle solo où nous pourrons découvrir les textes lus à l’émission ainsi que des textes inédits.
Cette année, le FIL offre une carte blanche à l’Acadien Herménégilde Chiasson, auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont plusieurs ont été primés. À l’image de son œuvre métissée, il a choisi de concevoir le spectacle Herménégilde Chiasson de A à Z, où se côtoient ses deux passions, l’écriture et les arts visuels, mais aussi la musique, en utilisant comme cadre l’abécédaire. Avec Herménégilde Chiasson, Gabriel Robichaud, Jonathan Roy, Fredric Gary Comeau, Denise Desautels, Thomas Hellman ainsi que Sonia Cotten.
Les deux comédiens Dany Boudreault et Emmanuel Schwartz sont de grands amis qui se connaissent depuis l’adolescence. Ensemble, ils ont choisi de faire dialoguer leurs mots, avec la complicité d’Alice Ronfard, dans La fin du monde est une fausse piste, un concert folk-rock de chambre… un peu trash sur les bords. Une rencontre entre deux êtres, pétris de leur mélancolie, qui comparent leurs souffrances et celles du monde… tout en s’en moquant.
Le recueil Larguez les amours, à paraître aux éditions Tête première, offre une série de variations littéraires sur la rupture amoureuse. Vingt femmes — dont Madeleine Allard, Nadine Bismuth, Émilie Dubreuil, Louise Dupré, Marie-Sissi Labrèche et Lisa LeBlanc — ont accepté de partager cette fois où elles ont « planté quelqu'un là ». Le temps d’une soirée au Lion d’Or, les comédiennes Gabrielle Lessard, Marika Lhoumeau et Marie-Thérèse Fortin interprèteront plusieurs de ces textes, accompagnées musicalement par Salomé Leclerc.
Humanitudes — opéra de rue est une œuvre originale née d’une rencontre entre deux mondes qui n’ont en apparence rien de commun : celui de l’Opéra de Montréal et des personnes ayant vécu dans la rue et participant au programme de réinsertion sociale et économique de l’organisme Le Sac à Dos. Cet opéra du compositeur Éric Champagne et du librettiste José Acquelin, créé en mai dernier, est repris en version concert avec piano dans le cadre du FIL.
La place de Marie Uguay dans le paysage littéraire québécois est indubitable et mérite de jouir du plus grand rayonnement. Fascinés par cette œuvre singulière et par « l’urgence de dire » dans laquelle elle s’est déployée et brusquement interrompue, quatre artistes multidisciplinaires, Gabrielle Bouthillier, Benoît Converset, Geneviève Marier et Richard Simas, ont travaillé pour bâtir le spectacle Marie Uguay, la sauvagerie de l’orange, pour permettre au public d'accéder à la voix singulière de cette poétesse.
Conférence de presse du #FIL2017 dans quelques instants ! https://t.co/Qh19EKFmd2pic.twitter.com/0uoaBdFBoG
— Festival FIL (@Festival_FIL) 22 août 2017
En plus de ces créations, le FIL présente aussi, pour une troisième année, deux événements fort appréciés des festivaliers : d’abord, la Levée d’écrou, mettant en vedette pas moins de dix-huit poètes, tous publiés aux Éditions de l’Écrou ces six dernières années, sous la direction artistique de Carl Bessette et de Jean-Sébastien Larouche; ensuite, le désormais mythique Cabaret des Brumes reprend vie au tout aussi mythique Quai de Brumes : chaque soir pendant cinq soirs, le cabaret accueillera quatre poètes, tous accompagnés par la musique de Mutante Thérèse.
Le FIL entend cette année proposer une diversité d’expériences qui témoignent des liens exceptionnels qui unissent le Québec à la France et à Haïti. La métropole québécoise est devenue au fil des ans, avec sa concentration d’écrivains, de poètes, de musiciens, de peintres, de maisons d’édition, d’institutions culturelles haïtiennes, la capitale artistique et littéraire de la diaspora haïtienne. C’est ce dont témoigne l’exposition Encre Noire à la Maison des écrivains, conçue par Franz Voltaire, qui porte un regard particulier sur l’apport des écrivains, nés en Haïti ou ayant grandi au Québec, à la littérature québécoise, tout en rendant un hommage particulier à Serge Legagneur, récemment disparu.
Proposé par Hélène Maia, le spectacle Braconniers du verbe débutera par la lecture du poème de Catherine Jarrett Ma bête langue, défense et éloge de la langue française. À la voix de Catherine Jarrett feront écho celles de Violaine Forest, Syto Cavé et Anthony Phelps, qui liront un choix de poèmes, « de miel et de fracas », puisés dans le répertoire de la francophonie.
On le sait, l’écrivain Dany Laferrière est au cœur des liens entre Montréal, Paris et Port-au-Prince. Au cours de la rencontre publique Regards croisés, il évoquera son parcours tout autant que son amour pour ces trois villes — ses écrivains, ses artistes, ses rues, ses habitants — en compagnie de deux amies journalistes qui partagent sa passion : tout d’abord la Montréalaise Chantal Guy (La Presse) qui, tout à fait par hasard, se trouvait à Port-au-Prince au moment du séisme en 2010 et à Paris lors des attentats de novembre 2015 ! Et puis aussi la Parisienne Valérie Marin La Meslée (Le Point), qui a publié Chérir Port-au-Prince, un livre foisonnant et passionnant qui associe des scènes données et des parcours de créateurs, chez l’éditeur montréalais Mémoire d’encrier.
Héritiers d’une longue tradition d’amitié entre Montréal, Paris et Port-au-Prince, Dany Laferrière, James Noël (Haïti), David Babin dit Babx (France), Jean D’Amérique (Haïti), Gregory Dargent (France), Valérie Marin La Meslée (France), Queen Ka, Monique Proulx, Rodney Saint-Éloi (Haïti) et Michel Vézina ont en commun un amour de leur ville et de la langue française, tout en étant des écrivains et des artistes voyageurs. Avec Et si notre vie était une fête ?, ils feront justement la fête, ensemble, en mots et en musique !
Autre manifestation de cette « rencontre avec l’autre » célébrée cette année au FIL, la série d’événements Dialogues Premières Nations — Québec se veut une façon de solidifier les ponts entre des communautés qui partagent certes le même territoire, mais qui ne l’habitent pas de la même façon.
Ainsi, avec le spectacle Nirliit, Juliana Léveillé-Trudel propose une lecture théâtrale d'extraits de son premier roman, Nirliit, paru à La Peuplade en 2015. Partiellement autobiographique, ce texte s'inspire de l'expérience de travail de l'auteure, qui a fondé et dirigé un camp de vacances dans le village inuit de Salluit, où elle a passé plusieurs étés. L’auteure sera notamment accompagnée pour l’occasion des chanteuses de gorge inuites Jeannie Calvin et Hannah Tooktoo.
En 2007 paraissait l’ambitieux Aimititau ! Parlons-nous ! chez Mémoire d’encrier. Ce recueil réunissait pour la première fois des auteurs autochtones et québécois; dix ans plus tard, quelques-uns des duos participants de cette aventure unique — nommément José Acquelin & Joséphine Bacon, Nahka Bertrand & Jean Désy, Isabelle Miron & Jean Sioui, Laure Morali & Jean-Charles Piétacho — ont accepté de venir lire des extraits de leurs correspondances nées d’un désir de mieux se connaître, d’initier le dialogue et de rompre les solitudes.
Si l’expérience littéraire est tout d’abord et évidemment solitaire, rien cependant n’empêche que notre rapport aux mots devienne collectif, en occupant l’espace public ! Tout comme tous les autres grands festivals montréalais, le FIL a, depuis 2012, son site extérieur au cœur du Quartier des spectacles.
Pour la troisième année consécutive, on retrouvera aux Jardins Gamelin la très jolie installation Bibliothèque du FIL, conçue par l’équipe de Judith Portier. Son principe est tout simple et s’inspire de toutes ces micro-bibliothèques qui permettent la libre circulation des livres, en prenant la forme de maisonnettes, de boîtes à lettres ou même de cabines téléphoniques qui envahissent de plus en plus l’espace urbain. Cette année encore, ce seront des médiateurs culturels d’Exeko qui animeront, en escouades littéraires, la Bibliothèque du FIL aux Jardins Gamelin.
L’équipe de Possibles Éditions prépare actuellement un ouvrage qui se conçoit comme une réédition partielle et augmentée du recueil Montréal brûle-t-elle ? d’Hélène Monette, à l'occasion du 30e anniversaire de sa publication et du 375e anniversaire de Montréal. Pour ce faire, ils ont fait appel à quatre plumes de la relève — Daphné B, Queen Ka, Marie-Andrée Gill et Lili Monette-Crépo — dont les textes, inspirés et répondant aux poèmes de Monette, viendront compléter la réédition du recueil.
Toujours à l’occasion du 375e anniversaire de Montréal et de l’année Impressions Montréal, Bertrand Laverdure, nommé Poète de la Cité par le Conseil des arts de Montréal pour 2015-2017, présente Histoire arboricole de Montréal (en poésie et chansons), comprenant des anecdotes sur la flore montréalaise, des poèmes récités, des chansons et des poèmes slamés qui se croisent pour célébrer la poésie québécoise et la vie des arbres de Montréal.
Depuis 2016, le FIL occupe aussi plusieurs espaces publics situés dans d’autres arrondissements montréalais afin de rejoindre le plus large public possible et différentes communautés culturelles de la ville.
Macadam Littéraire à Verdun, c’est un déambulatoire en mots majeurs ! Une dizaine d’écrivains et d’artistes investiront des commerces et des espaces publics sur la rue Wellington, afin de célébrer la richesse de notre littérature québécoise, de la poésie au théâtre, en passant par le roman et l’essai. Des performances musicales seront également au rendez-vous.
Dans Saint-Henri, avec Bonheurs d’occasion !, les amoureux des mots et de l’humour sont conviés à un match d’improvisation au parc Bonheur d’occasion, tout près du métro Lionel-Groulx, où des auteurs, des comédiens et des joueurs de la Ligue nationale d’improvisation se lanceront la réplique autour de thèmes littéraires. Les jeunes du quartier Saint-Henri seront également invités à prendre part à la joute. Enfin, il y aura des Prescriptions littéraires au Marché Atwater, avec la participation d’Angèle Coutu, Marie Eykel, Eve Landry, Catherine Mavrikakis, Catherine Trudeau, ainsi que de plusieurs autres écrivains, artistes et libraires.
Les éditions du passage présentent Autour du Lactume de Réjean Ducharme, une occasion unique de voir exposée la reproduction de l’intégralité de ce manuscrit inédit daté de 1966 et composé de 198 dessins et légendes. Des lectures d’extraits du Lactume par Markita Boies, dans une mise en scène de Martin Faucher, sont prévues pour de petits groupes de spectateurs et ce, dans le cadre même de cette exposition, tout au long du FIL 2017.
On connaissait Paul Savoie le comédien, on le découvrira au FIL fervent admirateur de l’œuvre de l’écrivain portugais Fernando Pessoa. C’est à un parcours à la fois visuel et sonore qu’il nous convie avec Pessoa : Tout sentir de Toutes les manières, où l’on pourra entre autres y voir quelques 72 bustes illustrant les 72 pseudonymes sous lesquels Pessoa écrivait et qu’il appelait ses « hétéronymes », tant chacun correspondait à une personnalité différente !
Images et voix. Le texte à la source de l’émotion, c’est six extraordinaires courts métrages réalisés par les diplômés en réalisation du programme Documentaire 2016 de l’Inis à partir d’images d’archives de l’Office national du film du Canada. Les résultats sont surprenants et très personnels, se révélant de véritables joyaux de création et d’originalité ! À voir à l’auditorium de la Grande Bibliothèque !
Voici quelques façons de fréquenter l’Europe au FIL… D’abord, Miquel de Palol, auteur barcelonais du Jardin des Sept Crépuscules (finaliste au Prix des libraires du Québec 2017), a accepté de venir causer en compagnie des libraires montréalais Jordi Foz et Thomas Dupont. Ensuite, le dimanche 1er octobre, les Catalan(e)s sont convoqués à un référendum d’autodétermination annoncé par le gouvernement catalan. En pleine campagne référendaire, et à une semaine du scrutin, la causerie Méditations pour une république catalane analysera le rôle de la culture et des intellectuels dans la construction d’une éventuelle future république catalane indépendante. Enfin, le regroupement «Lisez l’Europe» (qui a pour mission de présenter une perspective contemporaine de la littérature européenne à Montréal) a choisi une série de films qui sont des adaptations au grand écran de romans européens contemporains.
Dans le cadre de ses événements spéciaux, le FIL propose de la pure folie à ses festivaliers !
D’abord, le poète Carl Bessette a eu l’idée d’organiser le plus long micro ouvert jamais tenu, soit du premier au dernier jour du FIL 2017, à savoir du vendredi 22 septembre à 19 h jusqu'au dimanche 1er octobre à 19 h, sans arrêt, 24 heures sur 24 ! Il devra toujours y avoir dix spectateurs minimum présents dans la salle, il ne pourra y avoir plus de trente secondes entre chaque lecture, le même texte ne pourra pas être lu à deux reprises en l'espace de 24 heures, etc. À vivre une fois dans une vie ! Seconde folie : un souper littéraire dégusté dans le noir total ! Vues et Voix proposera aux festivaliers littéraires de déguster à l’aveugle des pans de littérature sur Montréal, en même temps qu’un repas gastronomique servi dans la salle à manger plongée dans l’obscurité du restaurant O’Noir !
Comme l’Union des écrivaines et écrivains du Québec célèbre en 2017 ses 40 ans, le moment est propice pour jeter un regard sur l’évolution qu’a connue le métier d’écrivain au cours de cette période qui a été affectée par de nombreux changements technologiques, des projets législatifs et une mutation des pratiques commerciales dans le domaine du livre. Pour amorcer la discussion, le président fondateur de l’UNEQ, Jacques Godbout et l’actuelle présidente, Suzanne Aubry, échangeront sur ces questions et réfléchiront sur les enjeux qui ont mené à la création de l’UNEQ ainsi qu’aux défis à venir.
Enfin, tous les amoureux des mots sont conviés à la remise du 33e prix John-Glassco à un traducteur littéraire de la relève. L’excellence des traductions littéraires primées au Canada depuis 2015 sera également soulignée lors de cette soirée hommage. On profitera de l’occasion pour rendre hommage à l’écrivain, poète et traducteur canadien John Glassco qui a donné son nom au prix remis par l’ATTLC.
Par Victor De Sepausy
Contact : vds@actualitte.com
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