PODCAST – La rentrée littéraire s'accompagne logiquement de campagnes de promotion qui hérisse le poil de notre invité favori, Monsieur Morris. Dans un monde en constante évolution, certains restent critiques face aux mouvements contemporains. Échappant aux tumultes de la capitale et aux conventions de la rive gauche, notre sujet de la semaine s'attaque aux commentateurs du web...
Le 25/09/2023 à 18:35 par Nicolas Gary
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Publié le :
25/09/2023 à 18:35
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L'Humeur de Morris est une chronique satirique, proposée par ActuaLitté. Avec un convive qui nous régale d'opinions qui filent parfois des coups de soleil.
*murmures presque indistincts avec coups de fouet*
Monsieur Morris : C’est leur faute… leur très grande faute… C’est leur faute… leur très grande faute… C’est leur faute… leur très grande faute…
ActuaLitté : On l’accuse de nombreux maux, mais jamais la rentrée littéraire n’avait conduit à la flagellation ? Vous avez passé de mauvaises vacances, monsieur Morris ? En Normandie, peut-être ?
Monsieur Morris : D’abord, gamin, apprends à respecter les vénérables producteurs de Calva : ils rendent l’existence moins insupportable.
Mais la réponse est non !
Je viens d’assister à quelque chose de vilain : un accident de vélo. Un pauvre hère scrutait avec tant d’attention le cul d’un bus, qu’il en a oublié de s’arrêter, comme celui-ci l’a fait à une station, et s’y est emplafonné dedans ! Pourquoi ? À cause d’une publicité pour un livre qui proposait d’en lire un extrait, ce que faisait ce benêt en pédalant dare-dare.
Parce que, aujourd’hui, y’a de la réclame jusqu’au cul des transports en commun ! On atteint le fond, là, non ? À vouloir déchiffrer ces quelques lignes, hop : le cycliste se mange le bus 20 Levallois/Louison Bobet > Porte des Lilas ! Paf ! Un mort ! Même si c’est pour la bonne cause de la littérature, c’est un peu cher payé, non ?
ActuaLitté : Oui, il aurait été plus avisé de souscrire à une carte de bibliothèque. Sauf que cela n’a rien de nouveau : rappelez-vous en 2020, pour l’édition poche de Sérotonine…
Monsieur Morris : Précisément. Même à Niort, que Houellebecq décrivait pourtant comme « l’une des villes du monde les plus laides » qu’il lui ait été donné de voir, les usagers ont eu droit à, et accepté, la pub ! L’accroche ? « Arrêtez d’en parler, lisez-le ! » Les Poitevins auraient-ils perdu leur goût ancien de la révolution ?…
Parce que maintenant, on s’insurge. C’est la nouvelle façon écocitoyenne d’exister. Fini, le Like : on clique sur « Je m’insurge ». On se sent vivre ! L’Insurgitude française ! Contre les discriminations, contre le gaspillage alimentaire, contre le réchauffement climatique, contre la chasse à courre, contre le coût des pâtes… Et j’en passe : on s’insurge en cliquant ! Ça permet de mieux dormir ! Pendant ce temps on ne pense pas, ou pas beaucoup : là-haut, ça les arrange qu’on clique. Qu’est-ce que tu fais samedi ? Je m’insurge ! Moins problématique qu’une manif...
Alors, moi, je m’insurge contre la pub pour les bouquins sur les bus. Voilà. « C’est mon livre, ma bataille, je vais ficher la pagaille, oh, oh, oh ! »
ActuaLitté : Et vous casserez tout, si l’on touche au fruit de vos entrailles… je vois. Bon, et cette insurgitude, sur quoi repose-t-elle ?
Monsieur Morris : Vu que t’es un peu dur de la comprenette, je vais t’expliquer.
On se croyait tranquilles, massés sous l’abribus, chacun attendant de rentrer chez soi, cabas ou tote-bag en main. Notre bus apparaît. Les gens honnêtes prêts à composter, les autres à truander ! Bref : parés pour le grand voyage.
Mais dans la brume du soir triste, déboule soudainement la bobine souriante de Guillaume Musso, figure de proue grand format de ce navire urbain, fier bélier du libéralisme moderne, prêt à nous enfoncer sa réclame bien profond dans notre temps de cerveau disponible !
Et, en stationnant devant l’arrêt, le véhicule nous inflige aussi son flan orné de la même pub !
On est cernés ! Ils sont partout ! « Rentre à pied, Jean Moulin, pour éviter leur terrible cortège… » Ah, malheur de malheur ! Faut être un commercial de JC Decaux pour applaudir ! C’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît…, enfin, qu’on les reconnaîtrait... s’ils prenaient les transports en commun.
ActuaLitté : Alors, comment les faire connaître et les vendre, tous ces ouvrages qui sortent, monsieur Morris ? Dépasser 600 exemplaires écoulés, ça tient déjà du petit miracle…
Monsieur Morris : Attends, je vais t’en donner, moi, du rêve. Du paradis artificiel même. Qui te flatte l’annonceur à aguicher ! « Vos annonces sillonnent le paysage de votre région à longueur de journée et captent sans relâche l’attention d’une infinité de clients potentiels, jusqu’à ce que votre marque soit gravée profondément dans leur subconscient. » T’as pas peur ? Tu devrais !
Et comme ils sont malins, ils inventeront bientôt des panneaux qui s’adaptent aux trajets : la pub é-vo-lu-tive, suivant la sociologie du quartier. C’est un métier, tu vois. Imagine un peu ! Dans les campagnes, La Terre, de Zola mais dans le Nord, Germinal du même ! Dans le VIe arrondissement, Une brève histoire de l’égalité, de Piketty, mais dans le XVIIIe, les Mémoires de Louise Michel. Et Place Saint-Sulpice, du Fénelon ou du Bossuet, pour faire bon poids, rapport à la fontaine où ils trônent !
Pour traquer le lecteur, on ne va reculer devant rien. Prochain arrêt, la méthode Orange mécanique : l’usager sera immobilisé sur son siège dans le bus, les yeux maintenus grand ouverts pour bien absorber le message publicitaire passant en boucle avec le son au max… Et comme ces joyeusetés coûtent un bras, sans mesure d’impact sur les ventes, ce sera réservé aux bankables confirmés. Va exister, ensuite, avec ton éditeur indépendant du fin fond de la Province…
ActuaLitté : Je ne vous connaissais pas cette fougue ! Mais de là à crier au scandale pour quelques affiches !
Monsieur Morris : Eh bien oui, gamin : je m’insurge ! L’intérêt de la pub, c’est son inventivité. Alors qu’une couverture plus la trombine de l’auteur plus une accroche du genre « Vous ne le lâcherez plus », ou « Il ne vous lâchera pas », c’est le niveau zéro de la créativité.
Alors, tu me diras – enfin, non, tu ne me diras rien : tu sais pas – que, fut un temps, on trouvait de la réclame en quatrième de couverture des livres. Oh certes, pas que des chefs-d’œuvre, d’accord, et du placement de produit hasardeux, hein : les meubles Dalle, le cognac Léo Lagrange : certes ! Tu savais pas tout ça, hein ?
ActuaLitté : Je dois admettre que non, en effet. Pour vous, un peu de livre dans l’espace public, serait donc malsain ?
Monsieur Morris : L’espace public ? Tu te mets à la novlangue toi aussi… Misère… Aux panneaux imprimés déroulants ont succédé les écrans pour mieux appâter encore le chaland ! Note en passant : du grand (éc) art écologique, ces machins ! Idem dans les gares et les aéroports : pas une seconde de répit ! À chaque pas, une sollicitation.
Les quatre faces des bus, les capots de taxi,... on exploite chaque centimètre disponible pour te titiller le cerveau reptilien. Affligeant…
Dis-moi, t’as pris l’entrée de Paris par la nationale 20 ? L’horreur totale : c’est l’invasion de panneaux pour des piscines, des canapés en cuir et que sais-je encore ! En plus des restaurants de viande rouge, de fruits de mer ou de produits asiatiques, c’est l’agression cent, mille fois recommencée ! Oui-oui, la lecture qui se rabaisse à ce niveau, ça me navre, ça m’agace, ça m’insurge.
Alors les bus fagotés comme des hommes-sandwich pour faire la publicité de livres, je ne dirais pas que c’est un échec… ça n’a pas marché.
Crédits photo : ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
3 Commentaires
Nanbe
26/09/2023 à 04:22
Insurgé aussi contre les fôôôtes d'orthographe ou plutôt de grammaire dans une newsletter de la qualité de Actualitté. Aïe ! Probablement la Haute Connaissance de l'IA
pour le reste du présent article, on vous suit, certes avec tristesse, mais yeux ouverts et profonde incertitude sur l'avenir.
Merci en tous cas
Terdal
26/09/2023 à 10:20
Bonjour,
Bel article. Râleur et insurgé à souhait le Mister Morris, comme toujours.
Moi aussi je m'insurge contre une énorme faute de grammaire :
"Je ne vous connaissez pas cette fougue", faites vous-même la correction.
A bon lecteur ...
Belaval Annie-France
26/09/2023 à 19:53
Cette faute est malheureusement très fréquente.