PODCAST – Tous les éditeurs le confirmeront : la surproduction de livres, c’est toujours la faute des autres. Et plus on est gros, plus les petits sont pointés du doigt. Après quelques longues semaines d’absence, Monsieur Morris a deux ou trois choses à nous raconter sur la diversité éditoriale…
Le 16/06/2023 à 13:16 par Nicolas Gary
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16/06/2023 à 13:16
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L'Humeur de Morris est une chronique satirique, proposée par ActuaLitté. Avec un convive qui nous régale de ses avis, aussi divers que de printemps...
ActuaLitté : Mais BONJOUR Monsieur Morris. On vous imaginait déjà bouquinant sur une île déserte !
Monsieur Morris : Ah, gamin, toujours aussi délicat, je vois.
Non, je suis toujours là ! Tu sais que le monde des Lettres est un univers impitoyable ! Dallas, en comparaison, c’est Martine chez les Carmélites. Exemple : pour une personne qui réussit et qui gagne sa vie grâce à sa plume, tu sais combien galèrent ? TU LE SAIS ??
ActuaLitté : Eh bien, j’ai le baromètre Scam devant les yeux : les ventes représentent moins d’un quart des revenus pour 65 % des auteurs.
Monsieur Morris : Ben la voilà l’exception culturelle française ! Un écrivain sur deux est, au mieux, un SMICARD. Remarque qu’il se dit, dans les milieux bien informés, que pour devenir millionnaire, quand on est éditeur, il faut commencer milliardaire. Y’a même un Tchèque qui est prêt à signer pour le vérifier !
Parce que, écrire ! Ah, le goût, l’envie, le besoin d’écrire !!! Sur papier, ou à l’écran ! Car le travailleur français, sans le bruit et l’odeur, de…
ActuaLitté :… NON, NON, Monsieur Morris, vous vous égarez !
Monsieur Morris : Dis, les ciseaux d’Anastasie, tu me laisses finir une phrase, oui ?
Je disais, l’odeur de l’encre ou le bruit du cliquetis sur le clavier, voilà ce qui sauve le travailleur français ! Ça et la certitude d’apporter une indispensable pierre au patrimoine culturel… Voire, de l’humanité ! Tu sais, les maisons d’édition croulent sous les manuscrits qui changeront la face du monde. La multiplication des pains, c’est pas fini ! Désormais, les prophètes pissent de l’évangile.
ActuaLitté : Et c’est problématique que les gens écrivent ?
Monsieur Morris : Non ! Ça, non ! En revanche, qu’ils soient persuadés que leur prose mérite d’abattre un arbre, un peu tout de même. Mais t’en fais pas : y’en a qui ont su largement tirer profit de cette surabondance de détresse humaine. Un peu à la manière d’un labo pharmaceutique qui mettrait sur le marché l’anxiolytique suprême après avoir produit des dépressifs chroniques ! Sauf que là, c’est Édouard, 57 ans, qui s’imagine déjà prix Goncourt.
Oh, qu’y va déchanter, le pauvre…
Tu sais, 10 % des Français se sont mis à écrire durant le confinement de 2020. Fallait définitivement pas que ça dure, ce machin… Poésie, roman, essai : plus rien ne les arrêtait, puisqu’il n’y avait rien de mieux à faire.
ActuaLitté : Vous avez donc établi des profils psychologiques des aspirants auteurs ?
Monsieur Morris : Pire : j’ai lu leurs bouquins. J’en ai encore les yeux qui saignent.
Allez, au hasard : Martine, on va dire X, ménagère de plus ou moins cinquante ans, que monsieur ne considère plus, sauf en cas de montée de testostérone. Eh bien, elle nous a pondu Dans le silence de ma chambre, une de ces romances que l’on commande chez TF1 pour occuper les après-midi en EHPAD.
ActuaLitté : Je pense que je vois le genre, oui…
Monsieur Morris : Attends, attends : j’ai encore Bérangère, X elle aussi. Mais c’est pas la fille de Martine, hein ? Le X, c’est ma charitable contribution à son anonymat. Elle raconte l’histoire de Sophie, une quadra fraîchement divorcée déçue par Tinder, qu’un livreur à vélo (électrique le vélo : oui, faut pas abuser, Bérangère est écolo mais pédaler, c’est fatigant), donc le livreur — biceps saillant, barbe de trois jours et pectoraux travaillés aux stéroïdes — la bouscule lors d’une livraison. Et zou, Brandon — oui, j’ai pas été consulté sur le prénom — transformera Sophie en jouet sexuel. Une fois leurs fantasmes assouvis dans son mobil-home, façon 50 nuances de Grey au camping, ils décident d’aller s’installer en Islande pour s’y faire fondre de la neige sur la langue…
ActuaLitté : D’accord, d’accord… Je constate que vous en avez sous le coude, à voir la pile volumineuse que vous avez apportée. Et tout ça pour quoi ?
Monsieur Morris : Ah, non, mais attends, mon petit, j’ai pas fini : voilà aussi Jean-Luc… disons Z, comme les films du même genre, un flic qui s’ennuie à 100 sous de l’heure, selon sa biographie. Lui, il a publié Prunes et contraventions. L’histoire d’un lieutenant de police dont la femme a disparu voilà 3 ans, et depuis, cet implacable justicier a pris l’habitude de sombrer dans l’alcool dès 10h30.
Alors, voilà que ressurgit Brandon – oui, après son histoire avec Sophie, de retour d’Islande, il a abandonné la livraison de kebabs pour devenir détective privé – c’est lui qui aidera le lieutenant alcoolisé à retrouver sa dulcinée. Un jeune premier comme on en rêve, avec mise en abyme de l’auteur, auquel le jeune héros ressemble, avec couperose et vingt-cinq kilos de moins…
ActuaLitté : C’est beau, la retraite, définitivement : vous avez le temps d’en lire, de jolies choses.
Monsieur Morris : Et j’ai gardé le meilleur pour la fin, mon poussin… Fallait pas les titiller bien fort, voilà les chantres du développement personnel qui débarquent avec Le régime sans régime, L’andropause en douceur, Élever des chèvres sans quitter Paris, Devenir trader écoresponsable,... Le tout pour lecteurs sous valium. J’en passe et j’essaie d’en oublier autant que possible !
Au passage, je rends hommage aux copains, aussi bénévoles qu’approximativement talentueux, qui ont bidouillé des couvertures en retravaillant sur Photoshop les dernières photos de vacances de l’auteur…
Dis, tu sais qui a vraiment gagné de l’argent durant la ruée vers l’Ouest.
ActuaLitté : Certains chercheurs d’or, j’imagine.
Monsieur Morris : Mais non, grand couillon : les vendeurs de pelles et de pioches !
ActuaLitté : Je ne vous suis pas, là, Monsieur Morris… Vous dites que l’industrie du livre s’est reconvertie dans les outils de jardinage ou de terrassement ?
Monsieur Morris : Eh, gamin, tu devrais demander à tes parents si t’avais pas un peu trop d’avance ou trop de retard, au démarrage…
Je te dis qu’avec 69.000 bouquins qui sont sortis l’an dernier, pour trouver une pépite, faut se lever avant même potron-minet… Et que toute cette production n’a rien à envier à l’industrie agroalimentaire : le filtre de l’éditeur s’écrase souvent comme celui d’une cigarette trop consumée.
Sûr que je préfère vivre en France où on publie à tour de bras, plutôt qu’en Chine, où on censure en tranchant des mains. Mais si le livre n’est pas un produit comme les autres, alors je me demande ce que certains feraient s’ils vendaient des conserves de flageolets.
Tu sais, passé un certain stade, la diversité éditoriale, je ne dirais pas que c’est un échec : ça n’a pas marché !
Crédits photo : katyandgeorge
19 Commentaires
Davidoux
16/06/2023 à 17:15
Bien d'accord avec momo : les livres, c'est trop nul!
Kate Hope
17/06/2023 à 08:39
C'est lourd...mais lourd ! Cessez d'ecrire ?
Salamandre
17/06/2023 à 10:46
Sérieusement ?
Vous en êtes encore à utiliser l'expression 'ménagère de plus de cinquante ans'...
Avec le vieux cliché, elle ne sert plus à rien au lit, quelle rengaine.
C'est terrible d'être aussi ringard, sous couvert de 'rubrique satirique'.
La bonne blague.
Kate Hope
18/06/2023 à 14:40
Je suis d'accord avec vous.
Nicolas Gary - ActuaLitté
18/06/2023 à 22:06
Bonjour
Il serait intéressant, et judicieux, de lire voire d'écouter, deux fois avant de commenter.
Car c'est tout l'inverse du propos que vous nous reprochez qui est formulé.
Merci de nous lire et d'intervenir : opportunément, je n'ose le suggérer.
Bibliophilie
22/06/2023 à 17:01
et pourtant, cette expression est au mieux ringarde, au pire sexiste. Même en écoutant 2 fois
Félicie Aussy
17/06/2023 à 11:54
Très drôle, et très juste. A une époque, j'ai tellement lu de livres de développement personnel, que j'en suis restée dégoûtée et déprimée.
Maintenant je ne lis guère plus que des classiques, au Français élégant, et je m'en trouve bien
Hubert
30/06/2023 à 07:35
Je me suis dit la même chose surtout avec les auteurs du style Midale qui blablatent sur la méditation durant tout un bouquin (histoire, intérêt... pour finir par ne rien apprendre ou ne pas savoir méditer) mais à la fin, il faut écouter le CD pour avoir les explications et la méthode. Sans compter qu'ils refont sans cessent des bouquins pour ne rien dire. J'ai de la peine pour les arbres abattus pour cela.
C'est peut-être pour cela que je préfère tomber sur des bouquins de sciences et technologies. Au moins, on rentre dans un sujet concret. Et lorsque je lis un roman, je le préfère souvent en format bilingue car au moins cela me permet de conserver des bases d'allemand ou d'anglais.
Hubert
30/06/2023 à 07:56
En dehors des mauvais romans, on a aussi des bouquins écrit par des politiques pour que l'on e souviennent d'eux ou pour se vendre, des livres rédigés des experts comme Pascal boniface ou Alain Bauer écrivent 1 bouquin par mois ( et souvent ils se plantent comme Boniface qui ne croyait pas à l'invasion russe en Ukraine un mois avant et qui font de tout comme bouquins: géostatégie, géopolitique du sport...), des tonnes de bouquins sur le développement personnel mais il y a pire: les bouquins de culture générale écrits par des littéraires ou historiens pour qui la culture générale c'est cloisonné à l'Histoire, les arts, la littérature, la philosophie, même la psychanalyse... pour eux les sciences, les maths, la géographie, la biologie... ce n'est pas de la culture générale. Ces bouquins de culture générale sont quasiment tous les mêmes. Dans certains, on cite plus de fois Victor Hugo ou Zola que les mots "atome", "génétique" et "Pythagore" réunis. Il faudrait qu'ils arrêtent d'appeler cela des livres de cultures classiques et ils devraient laisser le vrai nom qui est celui humanités classiques ( ou études classiques)
Vivian darkbloom
17/06/2023 à 16:16
C'est clairement pas drôle cette chronique. Si vous voulez faire de la satire littéraire, lisez Edward saint Aubyn plutôt que Bigard.
lisabeth
18/06/2023 à 00:21
IL y a quand même du vrai là dedans même s'il ne faut pas s'en prendre à tous les auteurs. Il est vrai que je vois beaucoup de femmes qui s'improvisent écrivaines à succès du jour au lendemain, en sortant des livres à l'eau de rose ou des romances x. Il y en a à la pelle sur amazon, et ils se ressemblent tous dans l'histoire (le mec musclé et riche qui a toutes les femmes qui veut, sauf l'héroine, qui comme par hasard ressemble à une top model mais qui est la seule à le repousser ...). Et malheureusement cela a du succès, et elles sont considérés comme de vrais écrivaines, alors que souvent l'écriture ne vole pas haut ni le sujet.
IL y a aussi des livres qui sont très beaux visuellement, très bien illustrés mais le texte n'est qu'un acessoire et on dirait que le livre est surtout prétexte à de belles illustrations. Du coup le livre ne sert pas à grand chose, car c'est surtout un livre d'illustration qu'un réel livre à lire.
Et ça, malheureusement il y en a beaucoup aussi.
Mais il y a des vrais auteurs donc c'est réellement la vocation. Je suis une femme et j'écris mais j'ai horreur du type de livres cités au dessus dans mon commentaire. J'essaie vraiment décrire quelque chose qui vient de moi, mais également de plus travaillé, même si c'est dans un contexte un peu fantaisiste (magie, nature), mais cela me correspond vraiment.
Je n'écris pas juste pour l'idée d'écrire, mais parce que j'ai toujours aimée écrire (je dessine aussi). Donc là je suis en plein projet d'un livre illustré.
Je ne cherche pas à changer le monde, mais si cela peut parler à des gens, j'en serais heureuse.
On verra bien.
Alors cette chronique n'est pas dénuée de sens, il ne faudrait pas pour autant que cela dénigre des auteurs qui écrivent par réel motivation et vocation. Et non pas juste parce qu'ils s'ennuient ou se dire qu'écrire un livre "ça fait bien".
Donc voilà, il y a des gens qui sont réellement écrivains au fond d'eux.
Lonicrite
18/06/2023 à 08:57
Marrant et pas faux. Alors oui les vendeurs de pelles tirent un juteux profit et l'idée que n'importe quel quidam ait l'ambition d'être Marc Lévy, Chattam ou Pancoll (oui, faut pas pousser, c'est qui Lovecraft, quelqu'un qui aime l'artisanat ?), alors qu'ils ont moults blogs pour s'exprimer publiquement m'a toujours laissé perplexe, MAIS, et l'article de ne le dit pas assez, il y a aussi un gros problème du côté des grosses maisons d'édition française. En cultivant l'entre-soi bourgeois au prix d'une émétique et dégénérescente consanguinité, les rares nouveaux talents issus des couches populaires pauvres, obligés de travailler à plein temps entre deux écrits, resteront invisibles et peu productifs... J'ai en tête l'auteur d'Exode Cosmic, dont le talent demeure inconnu à ce jour et dont les ambitions sont aussi éditoriales pour faire connaître d'autres auteurs talentueux méconnus dans le style SF et fantastique.
D'ailleurs votre site ne fait pas exception à cette reproduction de classe, pour l'instant, et je ne vois rien qui échappe aux territoires des seigneurs féodaux de l'édition.
Kate Hope
18/06/2023 à 14:53
Je vois que je ne suis pas la seule à avoir eu une réaction épidermique face à votre "humour" lourdingue et pas drôle. Plus ça va, plus votre écriture me dérange. Ça oscille entre les ragots de Gala, les fausses intonnations de journaliste accusé d'atteinte à la liberté d'expression (un peu prétentieux) Attention il y a de bons articles interessants par d'autres de vos rédacteurs... Et oui j'ai travaillé longtemps dans l'édition et essaie de suivre votre pensée. L'humour super lourd et ringard de M. Morris... Concernerait l'édition ou tout autre monde professionnel... J'ai du mal à comprendre où vous allez dans votre ligne éditoriale, ça sent u peu l'aigreur je crois. Bien cordialement. Catherine
Nicolas Gary - ActuaLitté
18/06/2023 à 22:08
Bonjour
L'humour n'étant pas un bien commun (sorte de beau, universel mais sans concept), je prends volontiers votre commentaire concernant le côté “pas drôle”.
Le reste de la réflexion , eu égard à notre ligne éditoriale, en revanche, manque quelque peu de substance, versant dans une gratuité où nulle personne de l'équipe ne se reconnaît.
Quelques arguments et exemples aideraient certainement. Sauf à envisager qu'il s'agissait avant tout de médire, pour le plaisir ?
Ou de faire de l'humour, à votre tour ?
Kate Hope
19/06/2023 à 10:42
Bonjour, surtout pas de médire de ma part, à votre égard sur cette page que je suis depuis sa création, excusez-moi si vous le ressentez ainsi, je n'ai rien à voir avec la Team Kretinsky ou Vivendi ou l'autre , je ne suis plus, je suis loin de ce monde où j'ai été salariée, longtemps et il y a longtemps. Et je ne parle pas que d'Editis mais de la rue Jacob partie à Montrouge. Je trouve au contraire que ce site a pris de l'ampleur, s'est enrichi, mais je ne comprends pas l'humour et l'ecriture de la chronique Morris. C' est tout. Et je vous laisse tranquille, je commente très rarement sur les réseaux sociaux. Bien cordialement. Catherine
Lily
18/06/2023 à 16:31
Merci !
Linou4
19/06/2023 à 17:47
Vraiment très drôle ou drôlement vrai.
Super l'histoire des vendeurs de pelles et de pioches au temps de la ruée vers l'or...
Alex
24/06/2023 à 03:02
Amusant et drôle!
Toyjeci
07/07/2023 à 17:19
Je trouve que cette chronique reflète l'élitisme dont est accusé le secteur de l'édition. Une "ménagère de 50 ans" qui aurait toujours rêvé de publier son roman, ne le pourrait-elle pas sous prétexte que c'est de la romance ? Certes c'est un genre qui ne plaît pas à tout le monde, mais ça reste un genre littéraire qui n'a pas à être dévalorisé par rapport aux autres. Peut-être même que vous devriez vous demander pourquoi les romances fonctionnent autant.
Les gens écrivent. Certes, certains ont profité du confinement pour s'occuper et se lancer. Certes, certains manquent BEAUCOUP d'humilité. Mais ce n'est pas pour autant qu'ils méritent d'être jugés. J'aime beaucoup votre média, cependant cette chronique me déçoit beaucoup, elle me paraît peu flatteuse pour vous.
Belle journée malgré tout.