PODCAST – Voilà quelques mois que la rédaction compose avec l'un de ses plus fervents commentateurs. Monsieur Morris, lecteur assidu de nos articles, avait tant à dire que nous n'avons pas eu d'autre choix que de le convier dans nos bureaux. Problème : il avait vraiment des choses à dire...
Le 11/11/2022 à 08:00 par La rédaction
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Publié le :
11/11/2022 à 08:00
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L'humeur de Morris est une émission qui nous accompagnera tous les quinze jours, un rendez-vous avec le bien-nommé Morris, observateur méthodique et souvent facétieux du monde du livre.
ActuaLitté : Monsieur Morris, c’est un plaisir de vous accueillir dans nos studios. Vous nous avez souvent interpellés, sur les réseaux, par email, par courrier — et même avec des courriers recommandés, pour nous faire part de vos analyses. Aujourd’hui, nous avons décidé de vous convier au micro, directement. Certes, dans l’espoir de vous faire taire, mais en attendant…
Monsieur Morris : Ah, enfin vous me la donnez la parole ! Parce qu’il y en a à dire sur ce petit monde du livre. Vous avez entendu l’information ? Ils ont créé : le Goncourt des Détenus ! Bon, le Goncourt, tu connais : c’est la troupe d’écrivains qui tente de renverser l’Académie française. Là, ils viennent, de le remettre à Brigitte Giraud. Leur prix, c’est le pactole assuré ! Alors, comme McDonald, ils font des franchises : Goncourt de la nouvelle, du Premier roman, des Lycéens.
Dans leur dernière déclinaison, ils fournissent aux détenus leur sélection de quinze livres. Puis ça débat sans armes à feu pour élire le meilleur et sans hold-up.
Et, attention, c’est verrouillé et officiel depuis septembre. Un scandale ? Ben quoi ? Le type est en cabane pour un méfait dont il est coupable, et aux frais de la Princesse Contribuable, on lui file gratos une pile de romans, pendant que tous ces pauvres youtubeurs et youtubeuses pleurent un exemplaire auprès des attachés de presse… Et ensuite, hop : Prix Goncourt des Détenus.
Un Goncourt, ça vend 400.000 exemplaires : t’imagines l’association de malfaiteurs ?
ActuaLitté : Merci, Monsieur Morris, de nous rappeler tout cela, mais l’information a été communiquée voilà des mois et effectivement, depuis, XXX a remporté le prix… Mais, en fin de compte, c’est assez vertueux de permettre à des prisonniers d’accéder à la lecture, non ?
Monsieur Morris : Mais oui, mon poussin, je suis d’accord. Mais entre nous, c’est petit comme projet : il faut aller plus loin dans le concept… Alors comme vous ne me demandez pas mon avis, le voici : créons le Goncourt du Taulard ! La personne à l’ombre ne bouquine plus pour décerner un prix. NON ! Elle va écrire SON roman, et gagner son Goncourt !
VOILÀ ! Ça, c’est novateur ! Un prix littéraire exclusivement réservé à toute personne incarcérée. Écrire un roman en prison, et encaisser les ventes à la sortie ! C’est comme le Monopoly, mais à l’envers.
C’est beau comme idée, non ? Nourri, logé, blanchi et primé !
Même Victor Hugo ne l’avait pas vu venir, d’autant que lui, les geôles, ça ne l’a jamais empêché de commencer à écrire des livres.
ActuaLitté : Peut-être n’est-il pas utile de déranger Victor Hugo pour si peu… Mais vous pensez réellement que ça a de l’avenir, ce Prix des Taulards ?
Monsieur Morris : NON : pas le Prix...` Le Goncourt du Taulard. Essaye de suivre un peu, que j’ai pas le sentiment de parler à un journaliste de BFMTV. Et oui, bien sûr que ça a de l’avenir j’en suis convaincu !
D’ailleurs, je me permets, hein : le crime contre la littérature n’existe que chez les critiques qui sévissent dans la presse littéraire, pas encore dans le Code pénal. On ne jette pas en prison des auteurs pour leurs œuvres. Pas encore, mais j’y travaille…
Inutile donc de pondre des bouses dans l’espoir de prendre part à mon Goncourt du Taulard…
ActuaLitté : C’est n’importe quoi, M. Morris, vous vous égarez…
Monsieur Morris : À ton avis, combien d’auteurs se morfondent sur le sort de leur bouquin, qui ne trouvant ni lecteurs ni de libraires ni bibliothécaires, mais toujours un éditeur pour le publier…. Mais ils sont des milliers, mon petit pote.
Là, les candidats envisageront sereinement une carrière de criminel pour concourir ! J’ai d’ailleurs une liste de ceux qui sont déjà partants pour remplacer leur bandeau rouge du « Prix des lecteurs de Trifouillis-Lez-Oies » par « Goncourt du Taulard ».
La gloire à l’ombre ! Bon, sans les jeunes filles en fleur, certes. T’as compris la référence ?
ActuaLitté : Oui, et je ne suis pas certain que le temps perdu avec vous puisse être jamais retrouvé…
Monsieur Morris : Allez, fais pas ta mauvaise tête et I-MA-GI-NE les salons ou les festivals. Le lauréat du Goncourt du Taulard qui débarque pour sa dédicace. Il sort d’une voiture de flic, gyrophare vibrant et sirène hurlante : menotté, voire emmitouflé dans une camisole de force façon Hannibal Lecter et encadré de policiers. Ça, c’est de l’attraction pour galvaniser la foule !
ActuaLitté : Je vois, je vois… Et vous pensez vraiment qu’ils seront nombreux à vouloir participer ?
Monsieur Morris : Mais bien sûr, mon pote, je te le garantis que là, l’on tient vraiment quelque chose : rien qu’avec les personnalités politiques, on aurait un cheptel considérable d’aspirants. On sait tous que nos « chers » élus, aiment à publier à tout va leurs inestimables pensées.
Tu visualises ? Booster les ventes de Boutin, de Chiappa, de Gattaz, et d’une flopée d’autres avec un tour à Fresnes : un Goncourt du Taulard, et envoyez le chèque ! Elles vont être belles les interviews politiques, tous se flagellant des pires délits d’initiés, pour faire de la cabane et devenir des best-sellers !
400 000 exemplaires ! Quatre cent mille, c’est juste mille fois plus que À gauche, les valeurs décident de tout de Jean-Christophe Cambadélis ! Comme quoi, prendre du sursis n’était pas si bon que ça…
ActuaLitté : Attention, s’il vous plait ! Respectez la présomption d’innocence !! Monsieur Morris, tout ça sent un peu le sarcasme…
Monsieur Morris : Ah, mais non : ne pensez pense pas que je me moque ou que je sois ironique ! Nonononon ! Regarde, Céline, Verlaine, Wilde, Apollinaire, Genet et tant d’autres, ils ont été enchristés et ont fait preuve d’un immense talent !
Bon, j’ai tout de même une certaine inquiétude : il faut avouer qu’il y a plus de fond dans L’appel de la forêt de Jack London que dans La bonne cuisine du Comté de Nice de Jacques Médecin, pourtant les deux ont connu les geôles…
Alors, fais pas ta mijaurée : là, on tient une vraie reconversion. Mieux : la réinsertion par la plume, une écriture qui enfantera derrière les barreaux et délivrera, non pas du mal, mais de vrais chefs d’œuvres, qui seront ensuite des sujets de la BAC ! Penses-y : pour une fois la Brigade anti-criminalité aura autre chose à lire aux suspects que leurs droits.
Alors, avant de dire que ça ne marche pas, voyons d’abord si c’est un échec ?
Et plus sérieusement, voici la bande-annonce du Goncourt des Détenus, coorganisé par l’Académie Goncourt et le CNL, en partenariat avec le Ministère de la Justice.
Crédits photo : Khashayar Kouchpeydeh/Unsplash
Par La rédaction
Contact : contact@actualitte.com
6 Commentaires
jeanne desaubry
12/11/2022 à 10:05
Ah, on ne s'ennuie pas chez vous ! :-)
Nefertiti
12/11/2022 à 13:47
... qu'il manque le Goncourt de footballeurs, le Goncourt des immigrés, le Goncourt des retraités, le Goncourt des végétariens, le Goncourt des gilets jaunes, le Goncourt LGBT, le Goncourt du Vélo, le Goncourt des artistes méconnus, et le Goncourt des forçats de la plume. Une vraie injustice.
jujube
12/11/2022 à 15:50
Manque aussi le Goncourt de celles et ceux qui ne font rien.
GAUTIER Gérard
12/11/2022 à 17:21
Vous dites... Ils ont créé : le Goncourt des Détenus ! (...)
" Dans leur dernière déclinaison, ils fournissent aux détenus leur sélection de quinze livres. Puis ça débat sans armes à feu pour élire le meilleur et sans hold-up. "
Concernant les pensionnaires des prisons - je considère que leur traitement durant leur incarcération doit être humain et si possible de nature à leur permettre de revenir lorsqu'ils recouvrent leur liberté...plus responsables....plus citoyens.
Aussi je suis en plein accord avec Vous.
Je dénonce en effet le scandale de Ouest-France : ce quotidien hautement subventionné livre tous les matins gratuitement à tous les prisonniers de sa région d'édition. Soit environ 450.000 exemplaires par an du fait de son...tirage! Ce sont les contribuables dont certains ne peuvent acheter le journal qui paient.
Heureusement qu'il y a des journaux et des journalistes courageux pour informer ce qui est le rôle...des médias. Mais je me souviens que COUSTEAU avait travaillé sur le "Monde sous-marin du Silence"...mais la Terre... aujourd'hui en péril... existe aussi!
rez
02/12/2022 à 15:49
la justice a le devoir d'être réparatrice et cela ne peut jamais se limiter à l'indemnisation économique des victimes mais à la société toute entière.
donc oui on leur donne un journal parfois (c'est presque sur que 7 détenus sur 10 n'ont pas d'accès comme ils n'ont pas d'accès aux soins) mais si on commence avec les contribuables qui ne peuvent pas se payer un journal on ouvre la porte à pourquoi tant d'enfants mangent mal et ses parents ont des abonnements netflix...
Actualisant
12/11/2022 à 23:08
Belle initiative, un premier jet appréciable et une voix très chantante.
Ça change du billet de mauvaise humeur traditionnel (que vous diffusez parfois) et cela fait sourire.
Si vous conservez cette ligne, attention à ne pas verser dans les clins d'oeil de milieux autorisés, cela rendrait le propos inaudibles pour le grand public, qui a le droit de rire aussi avec vous.
Soyez vastes !
Et merci.