PODCAST – Comment innover en matière d’émission littéraire à la télévision ? Capter l’attention d’un public jeune, en demande de sensations fortes. Le tout avec une approche totalement inédite… Monsieur Morris nous dévoile cette semaine une idée bien à lui. Si des producteurs sont intéressés, contacter la rédaction…
Le 10/03/2023 à 10:12 par Nicolas Gary
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Publié le :
10/03/2023 à 10:12
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L'Humeur de Morris est une chronique satirique, proposée par ActuaLitté. Avec un convive qui nous régale de ses avis, aussi divers que de printemps...
ActuaLitté : Un mois sans vous, Monsieur Morris ! Nous nous languissions… Vous avez pris des vacances ?
Monsieur Morris : Mieux que ça, gamin : j’ai rentabilisé un quasi demi-siècle de redevance télé en visionnant toutes les émissions de La Grande Librairie. Tu savais que vous aviez le même âge ? Quinze ans que l’ami Busnel l’a créée ! Autant que toi et ton ActuaLitté.
ActuaLitté : En effet, je l'ignorais. Dois-je attendre votre cadeau ?
Monsieur Morris : Ça, ça te coûte rien d’y croire.
Bon, maintenant, c’est Trapenard qui a pris la suite et, manifestement, ça marche : avec promotion des livres, des auteurs, d’une librairie chaque semaine.... Sauf qu’Augustin, il fait pas le bUzze !
ActuaLitté : Pardon… Le buzz ?
Monsieur Morris : Ouais, bzz, bzz, le bruit qui court et virevolte avec un grésillement agaçant. Et qui est moins en danger, hélas, que les abeilles.
Alors que j’écrivais à Monsieur Hanouna, pour lui dire combien l’échec de son livre me rassure, j’ai eu une idée.
ActuaLitté : Ah parce que vous imaginez confier La Grande Librairie à…
Monsieur Morris : Ah, je t’y prends, à faire le paparazzi au regard concupiscent quand il renifle l’odeur du scoop bien dodu. Nan ! Hanouna et la culture, oublie. D’abord, faut pas prendre les jeunes pour des buses décérébrées en permanence. Ensuite, son audimat, c’est plutôt les cinquantenaires — preuve que les adultes sont des enfants qui ont mal tourné. Mais bon, Hanouna et la culture, c’est une poule devant un couteau ! Mais c’est de là que m’est venue l’idée.
J’ai un copain qui a réussi dans la télé et la restauration, alors je l’ai appelé : « Philou » que je lui ai dit, « t’aurais pas envie de tyranniser un peu des libraires ? Histoire de changer des bouibouis pourris où tu sévissais ? ». Mais je n’aurais peut-être pas dû.
ActuaLitté : Je ne vous suis pas, là, Monsieur Morris…
Monsieur Morris : Étrangement, ça ne m’étonne pas. Allez, ferme les yeux, monsieur le journaliste et imagine-toi en libraire ! Un client entre. Il a l’air sympathique et veut un titre bien précis ! Tu sais que tu l’as quelque part. Tu cherches désespérément, sans parvenir à y mettre la main dessus ! Et très vite, trop vite, il t’assène :
— Mais qu’est-ce que c’est que cette organisation ?
Direct, tu commences à paniquer ! Parce qu’il a un physique de pilier ! Et pas de bar, hein ! Et une attitude pas facile. Et, évidemment, d’autres clients ne trouvent rien de mieux à faire que d’entrer à cet instant là dans ta librairie… Et commencent à te lancer le regard désespéré de celui qui ne peut se passer de tes conseils. Et le type qui en rajoute une couche :
— Allez, bougez-vous, il y a des gens qui vont se casser !
Là, tu te rends à l’évidence : son bouquin, il reste introuvable. Alors en bon libraire que tu es, tu tentes de lui en proposer un autre ! Un de ceux qui sont en pile à l’entrée ! Ou les mémoires improbables d’une star qui ne se vendent pas ! Tu balbuties un argumentaire, hésites entre un livre qui a bien marché et un autre avec une couverture type bonbon rose. Sauf que, à lui, on ne la fait pas. Et il t’en remet une bien salée :
— Donc avant ils faisaient de la merde, et toi aujourd’hui tu fais de la merde et ça marche pas !
Il te canarde, le bougre, alors tu ripostes avec un thriller, que tu pitches en tremblant, ce qui ne l’arrête pas :
— Je pourrai penser que c’est une personne qui a été découpée ! Mais alors c’est exactement ça ! Ha putain, j’ai le film ! J’ai le scénario ! Un film d’horreur ! T’arrives ici, c’est un film d’horreur…
Tu sens l’étau qui se resserre ! D’autant qu’il s’est tourné vers une cliente et qu’il prend ta place. Il fait TON job, le type, et bien mieux que toi. T’as le cerveau qui s’emballe, qui pédale dans la choucroute, jusqu’à ce que la lumière jaillisse : il n’en est pas à la moitié du résumé et tu l’interromps pour tenter de reprendre la main en balançant le titre !
— Laissez-moi parler ! LAISSEZ-MOI FINIR !
Là, c’est l’angoisse définitive : t’as les guibolles comme des ravioles… mais sans le foie gras. Tétanisé, tu fouilles des yeux ton magasin à la recherche désespérée de son fichu bouquin. Pour qu’il se barre ! Mais lui n’est pas près de partir : il s’est installé. il est chez lui ! Tu t’es fait exploser ! Exproprier !
Pourtant, tu es sûr qu’un exemplaire traîne par là ! Ou par là ! C’est plus de la sueur qui te perle sur le front, ce sont les Chutes du Niagara. Tu bégaies trois/quatre onomatopées inintelligibles alors qu’il a déjà conclu six ventes de plus, plus vite qu’un Speedy Gonzalès des rayonnages !
Et là, BLAM, il se retourne : l’œil diabolique, le sourire carnassier, tout auréolé des flammes de l’enfer. La bouille de Père Noël qu’il arborait en franchissant le seuil de ta boutique s’est changée en faciès de sociopathe — façon Hannibal Lecter — bien entendu… Le livre qu'il t'avais réclamé, et que tu ne trouvais pas... il l'a dans la main...
— T’as de la merde dans les yeux ou quoi ?
C’est le coup fatal. T’es brisé, tu t’effondres en larmes sur le plancher en bois issu de forêts durables... de lapin… sauté et toujours sans foie gras !
Tu implores son aide, à ce Grand Manitou du commerce. T’es le Luke Skywalker de la librairie, suppliant ce Yoda titanesque de te prendre comme disciple.
Mais t’avais trop vite oublié le tranchant de son couteau…
— Tu es inexistant, tu ne sers à rien. Tu ne sers à rien : tu es là, sans être là…
Et là, tu n’es pas au fond du trou : tu ES le trou ! Tu es le NÉANT !
Tu vois, je le sentais : vouloir faire Cauchemar en librairie, je ne dirai pas que c’est un échec, ça n’a pas marché, c’est tout…
ActuaLitté : J’en déduis que cuisiner des ravioles au foie gras en librairie n’a pas plus d’avenir ?
Monsieur Morris : Non : pas plus. Pour ça, je te recommande plutôt d’aller déguster celles de Philippe Etchebest, dans sa tanière : Le Quatrième Mur, 5 place de la Comédie à Bordeaux…
Crédits photo : Philippe Etchebest © Mathieu Thauvin
Par Nicolas Gary
Contact : ng@actualitte.com
Paru le 04/02/2021
201 pages
Michel Lafon Poche
6,60 €
Paru le 13/10/2021
288 pages
Albin Michel
22,90 €
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jujube
11/03/2023 à 19:42
Chacun ses goûts, mais à moi, ce Monsieur Morris fantoche ne me plaît pas du tout.
Moins encore après lecture de ses commentaires au sujet d'Augustin Trapenard de La Grande Librairie. Et surtout ces deux phrases successives au caractère insultant: "Ouais, bzz, bzz, qui court et virevolte avec un grésillement agaçant. Et qui est moins en danger, hélas, que les abeilles".
J'ignore le son de la pseudo voix du faux Monsieur Morris, que d'ailleurs je n'aurais guère envie d'écouter, si on me le proposait. Mais la voix de Monsieur Trapenard me charme parce qu'elle est chaude, enveloppante - parfois même presque envoutante - et sincère. Ses mots n'ont rien d'alambiqué et reflètent la douceur de sa gentillesse. Il est toujours poli et ouvert aux autres.
Comparer Augustin à un insecte est grossier et méchant. Déplorer qu'il "est moins en danger" que les abeilles (sous-entendu 'de mort ou disparition', avec un "hélas" à l'appui) est ignoble et imprudent. Et dangereux: de Trapenard à traquenar, à peine quelques consonnes.
Nicolas Gary - ActuaLitté
13/03/2023 à 09:52
Bonjour Jujube
Il y a une confusion pour laquelle je tiens à présenter mes excuses : Monsieur Morris tournait le terme de “buzz” en dérision et ce qu'il charrie.
Il ne s'agissait pas du tout de la voix d'Augustin qui était mise en cause, et moins encore de l'assimiler à un insecte !
Nous lui ferons suivre cette nécessité de clarté : il aurait certainement fallu écrire « Le terme [voire, le système médiatique du] buzz est moins en danger que les abeilles. Et l'on préférerait entendre leur grésillement à celui du buzz. »
Qu'Augustin ne recherche pas le buzz est bien au contraire, et de l'avis de la rédaction, une qualité.
jujube
14/03/2023 à 03:57
Merci pour la précision, c'est très sympa.
Bonne soirée.
Dirhavel le Conteur
13/03/2023 à 10:18
Un mec entre 50 et 59 ans inclus est un quinquagénaire, pas un cinquantenaire. Moyen plus ou moins mnémotechnique : "Ce quinquagénaire fête le cinquantenaire de sa naissance". Idem pour quadragénaire et quarantenaire, sexagénaire et soixantenaire, etc. Par ailleurs, tous ces mots en "...tenaire" sont des néologismes, qui sont loin de tous figurer dans tous les dictionnaires. Mais la règle concernant les néologismes est claire : le mot doit être utile (pas un doublon) et être forgé en suivant un des modes de formation des mots caractéristiques de la langue concernée. Donc, pourquoi pas cinquantenaire et ses copains, à condition qu'ils soient correctement utilisés.
Pour ce qui est du fond de l'article, ce serait surtout bien de comprendre où vous voulez en venir à un moment ou à un autre. Ahhh, c'est parce que Philippe Etchebest sort un livre ? Ah, OK. Et...?
Aurélie
14/03/2023 à 17:34
Je pourraiS penser, c'est au conditionnel.
Et quel est le rapport avec la littérature ? Ou alors changez de titre.