C’est vendredi, alors autant boucler la semaine avec un conte défait (et non de fées), celui de Roxane Brouillard, illustré par Ariane Cloutier, aux éditions des 400 coups.
Dans cette aventure malicieuse, une princesse est retenue captive dans une tour par son père, un roi impitoyable désireux de l’empêcher de se marier. Pour résumer : castrateur et certainement mal conseillé. Sa délivrance est confiée à un chevalier nommé Gaspard par la fée marraine.
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Au cours de son périple, Gaspard affronte un dragon cracheur de feu et une sorcière avant de rencontrer un acteur remplaçant, une doublure… et de faire plusieurs vœux surprenants avec lesquels la princesse ne se sentira pas en accord. Sauf à se prendre d’amour pour les hot-dogs. Oui, la référence restera obscure tant que l’on n’aura pas ouvert l’ouvrage.
Roxane Brouillard insuffle à ce récit un humour absurde caractéristique, qui tranche avec les récits chevaleresques classiques : dialogues décalés, situations ubuesques, et ajout d’éléments incongrus qui font sourire petits et grands. Et en passant, l’air de rien, réhabilite les sorcières, toujours présentées comme hideuses, mais pourquoi n’existerait-il pas un canon de beauté seraient vues pour ce qu’elles sont véritablement ?
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Ici, l’univers médiéval est transfiguré en vrai décor théâtral, presque vaudevillesque : Gaspard oublie ses répliques, fait intervenir une doublure, puis un acteur « second rôle »… autant de procédés qui invitent à la réflexion sur la réalité, la représentation et la mise en scène dans l’univers du conte.
Une doublure pas banale, dans un contexte qui n’en est pas coutumier : on maltraite le pacte narratif classique, on joue avec les codes, on leur tord aimablement le bras pour arriver à une morale, toute personnelle : les cucurbitacées, c’est bon pour la santé. Même le grand méchant loup, intervenant comme une sorte d’intermittent du spectacle en recherche de cachets complémentaires agit ici à contre-emploi.
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Le tout est porté par les dessins d’Ariane Cloutier qui conjuguent douceur et couleurs chatoyantes, accentuant l’aspect enchanté et burlesque du récit. Elles accompagnent parfaitement le texte, confortant l’impression de spectacle par un graphisme léger et expressif.
L’Étrange histoire du chevalier Gaspard est un album à la fois drôle et malin qui détourne les codes féériques pour mieux contester la notion de représentation. Entre quiproquo et non-sens comique, ce récit-théâtre, magnifiquement illustré, saura réjouir les jeunes lecteurs tout en les invitant à réfléchir sur le jeu de la narration. Une œuvre véritablement étrange, délicieusement absurde et terriblement attachante.
Et on vous le recommande chaudement, malgré la météo actuelle !