#PrixdesDeuxMagots2023 – De nombreux lecteurs, à l’occasion d’un séjour à Paris ou d'une déambulation, réalisent un pèlerinage au café des Deux Magots. Hantent les lieux Rimbaud et Verlaine, s’adonnant pour l'éternité à l’ivresse, en compagnie de Mallarmé. Plus tard, Louis Aragon, Jacques Prévert, Simone de Beauvoir, Boris Vian… Le prix littéraire qui y a élu domicile il y a précisément 90 ans ne peut qu’en être imprégné…
Le 26/05/2023 à 10:09 par Hocine Bouhadjera
518 Partages
Publié le :
26/05/2023 à 10:09
518
Partages
L'histoire du café au cœur de Saint-Germain-des-Prés épouse celle des avant-gardes depuis plus d’un siècle. Du temps de l’auteur du Bateau ivre, l’établissement n’est qu’un modeste café liquoriste. Ce n’est qu’à partir de 1914 qu’Auguste Boulay le transforme en grand café parisien. Guillaume Apollinaire y est encore attablé, peu de temps avant d'être fauché par la grippe espagnole.
La page de la guerre totale provisoirement refermée, s'épanouissent Les Années folles, comme un reflux. Le mouvement surréaliste, si important dans l’histoire littéraire de la France, y naît par l’association d’André Breton, Louis Aragon et André Derain. Avant l’adjonction d’Antonin Artaud, Robert Desnos, René Crevel et les autres.
Les années 1930 voient André Gide, Romain Rolland, Jacques Prévert, Fernand Léger, Antoine de Saint-Exupéry ou encore Paul Éluard fréquenter avec assiduité le lieu. En 1933, c’est le Prix des Deux Magots qui y est crée par Henri Philippon et des proches. Un couple tumultueux, qui aujourd'hui fait couler beaucoup d'encre et de pixel, y voit le jour : Dora Maar et Pablo Picasso…
Après guerre, l’auteur de Paris est une fête, Ernest Hemingway, croise au café de Saint-Germain des Prés l’existentialiste Jean-Paul Sartre. Simone de Beauvoir y rédige son roman Les Mandarins, Prix Goncourt de l’année 1954, et Boris Vian ou Juliette Gréco le hantent, quand ils ne profitent pas des caves de jazz voisines.
L’histoire des Deux Magots et les artistes se prolongent avec les gens du cinéma, plus ou moins dans l’ombre. lls y croisent philosophes, créatifs de toutes sortes. Chacun partage son approche féconde et singulière dans un enrichissement mutuel.
Les écrivains du café parisien, ce sont aussi les lauréats de son prix. Le premier, Raymond Queneau, et d’autres plumes plus ou moins mécréantes, plébiscitées par l'iconoclaste Henri Philippon et son jury. L'un des plus caractéristiques est l’important styliste, souvent en état d'ébriété, Antoine Blondin, choisi pour son Europe buissonnière, paru en 1950.
Mais également le parrain du « roman de truands à la française », et son ouvrage, Touchez pas au grisbi !, paru en 1953. Il est adapté l’année suivante sur grand écran par Jacque Becker, avec Jean Gabin, Lino Ventura et Jeanne Moreau. Toute une époque.
Dominique Aury, alias Pauline Réage, et sa scandaleuse Histoire d’O, récompensée en 1955, le singulier Roland Topor pour son livre Joko fête son anniversaire, ou, pour l’ultime année de Henri Philippon à la barre du prestigieux prix, le caustique Bernard Frank pour Un siècle débordé.
Couronnés encore, des auteurs aujourd’hui reconnus pour leur importance littéraire, comme Michel del Castillo (Le vent de la nuit, 1973), Geneviève Dormann (Le bateau du courrier, 1975), Sébastien Japrisot (L’été meurtrier, 1978), François Weyergans (Macaire le Copte, 1982), Gilles Lapouge (La bataille de Wagram, 1987), Marc Lambron (L’impromptu de Madrid, 1989), Christian Bobin (Le Très-Bas, 1993), Éric Neuhoff (Barbe à papa, 1996), ou encore Jean-Luc Coatalem (Je suis dans les mers du Sud, sur les traces de Gauguin, 2002)...
Plus récemment, le prix a été attribué à Jérôme Garcin pour son récit en hommage à Gérard Philipe, Le dernier hiver du Cid (2020). Suivent les écrivains Emmanuel Ruben (Sabre, 2021), jeune « géographe défroqué » selon ses propres mots et, l’année d’après, Louis-Henri de la Rochefoucauld pour son « extravagant » Châteaux de sable (2022).
Le Prix littéraire des Deux Magots est soutenu par la famille Boulay-Mathivat depuis le départ, entre l’accueil de la cérémonie et la dotation du lauréat de chaque édition. En apprenant la création du prix, le propriétaire du Café des Deux Magots de l’époque, Auguste Boulay, décrète qu’il dotera lui-même la gratification littéraire.
Aujourd'hui c'est l’arrière-arrière-petite-fille d’Auguste Boulay, Catherine Mathivat, chargée de la présidence et du développement de l’établissement, qui perpétue cet engagement.
Outre le Prix des Deux Magots, le café abrite le Prix Apollinaire dédié à la poésie depuis 2018. En 1997, c’était le Prix Pelléas qui était lancé. Accompagné par l’établissement parisien, il récompense « l’ouvrage sur la musique aux plus belles qualités littéraires ». Autour de ses trois gratifications, le café organise une « saison » de rencontres littéraires, Les Lundis des Écrivains, les Jeudis du Jazz, et des soirées exceptionnelles, comme L’été littéraire des Deux Magots.
L’annonce du 90e lauréat le 25 septembre prochain, après les délibérations du jury, sera suivie d’une programmation où se croiseront littérature, musique, poésie. Le tout en présence de grandes personnalités des lettres, du théâtre et du cinéma.
Crédits photo : Place de Saint-Germain-des-Prés © Collection privée Les Deux Magots.
DOSSIER - Le prix des Deux Magots : 90 années à “défricher le talent”
Par Hocine Bouhadjera
Contact : hb@actualitte.com
Commenter cet article